Expropriation: les Art. L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation contraires à la Constitution
Publié le :
12/04/2012
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Par décision du 6 avril 2012, le Conseil Constitutionnel déclare contraires à la constitution les Art. L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
Une prise de possession contre une juste et préalable indemnitéUne prise de possession contre une juste et préalable indemnité (contrariété à la constitution des Art. L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation: Conseil Constitutionnel décision n° 2012 - 226 QPC de 6 avril 2012).
Sur recours à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 24 octobre 2011, la Cour de Cassation a entendu renvoyer au Conseil Constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité des Art. L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique avec l'article premier de la constitution, l'Art. 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et avec les principes constitutionnels d'égalité et de droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties (Cour de Cassation 3ème civile 16 janvier 2012 n°11- 40085).
Par décision du 6 avril 2012, le Conseil Constitutionnel déclare contraires à la constitution les Art. L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
Eu égard aux conséquences manifestement excessives d'une abrogation immédiate desdits articles, et afin de permettre au législateur de mettre fin à l'inconstitutionnalité, le Conseil Constitutionnel a reporté la date de l'abrogation desdits articles au 1er juillet 2013.
Il convient tout d'abord de rappeler les dispositions de l'Art. 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen selon lequel : "La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité".
Le Conseil Constitutionnel évoque ensuite les articles contestés :
"Considérant qu'aux termes de l'article L. 15-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique: « Dans le délai d'un mois, soit du paiement ou de la consignation de l'indemnité, soit de l'acceptation ou de la validation de l'offre d'un local de remplacement, les détenteurs sont tenus d'abandonner les lieux. Passé ce délai qui ne peut, en aucun cas, être modifié, même par autorité de justice, il peut être procédé à l'expulsion des occupants » ; qu'aux termes de l'article L. 15-2 du même code : « L'expropriant peut prendre possession, moyennant versement d'une indemnité au moins égale aux propositions faites par lui et consignation du surplus de l'indemnité fixée par le juge ".
Or, et faisant une lecture combinée de ces dispositions, le Conseil Constitutionnel précise que "si législateur peut déterminer les circonstances particulières dans lesquelles la consignation vaut paiement au regard des exigences de l'Art. 17 de la déclaration de 1789, ces exigences doivent en principe conduire au versement de l'indemnité au jour de la dépossession".
Or, ces dispositions ne sont pas respectées selon le Conseil Constitutionnel en cas d'appel de l'ordonnance du Juge fixant l'indemnité d'expropriation, les dispositions contestées autorisant "l'expropriant à prendre possession des biens expropriés, quelles que soient les circonstances, moyennant le versement d'une indemnité égale aux propositions qu'il a faites et inférieures à celles fixées par le Juge de première instance et consignation du surplus".
En conséquence, le Conseil Constitutionnel précise que "les dispositions contestées des Art. L 15-1 et L 15- 2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique méconnaissent l'exigence selon laquelle nul ne peut être privé de sa propriété que sous la condition d'une juste et préalable indemnité".
La décision du Conseil Constitutionnel témoigne d'un souci de la part du Conseil de faire respecter l'Art. 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par là même le droit de propriété (cf.cessions gratuites de terrains : Decision n° 2010-33 QPC du 22 septembre 2010).
Cela étant, il appartiendra au législateur de concilier ces principes avec les intérêts des expropriants en cas d'appel d'un jugement du Tribunal fixant les indemnités d'expropriation.
Reste que le débat jurisprudentiel n'est certainement pas clos dès l'instant où il conviendra de mesurer la portée de la décision du Conseil Constitutionnel au regard des dispositions réglementaires des Art. R. 13-65 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique rappelant un certain nombre de cas spécifiques d'obstacles au paiement permettant à l'expropriant de prendre possession en consignant le montant de l'indemnité.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © AlcelVision - Fotolia.com
Auteur
Jean-Philippe RUFFIE
Avocat Associé
Cabinet LEXIA
BORDEAUX (33)
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