Pouvoir du maire, dépollution des sols et installations classées

Pouvoir du maire, dépollution des sols et installations classées

Publié le : 14/12/2010 14 décembre déc. 12 2010

Le 14 septembre, le Ministre de l’Ecologie répondait à une question qui lui avait été posée par le Député André WOJCIECHOWSKI sur l’étendue du rôle du Maire en matière de dépollution des sols dans le cadre d’installations classées.

Pouvoir du Maire et dépollution des sols


Le 14 septembre 2010, le Ministre de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de la Mer répondait à une question qui lui avait été posée par le Député de la Moselle, Monsieur André WOJCIECHOWSKI sur l’étendue du rôle du Maire en matière de dépollution des sols dans le cadre d’installations classées (JOAN question écrite n° 75717 : http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-75717QE.htm).

En effet, le code de l’environnement prévoit en ses articles L 541-1 et suivants, outre une très belle définition du mot "déchets" (tout résidu d'un processus de production, de transformation ou d'utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l'abandon : L 541-1 II du Code de l’Environnement), les règles propres à l’élimination des déchets et à la dépollution des sols.
A ce titre, l’article L 541-3 du même code dispose qu’ « En cas de pollution des sols, de risque de pollution des sols, ou au cas où des déchets sont abandonnés, déposés ou traités contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l'autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d'office l'exécution des travaux nécessaires aux frais du responsable. (…) »

Comme le rappelle le parlementaire dans sa question, pour les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), un régime de dépollution spécifique existe sous l’égide de l’autorité préfectorale.
Ainsi, dans l’hypothèse où la présence de déchets se rattacherait à l’exploitation d’une installation classée, l’article L 541-3 offre au Maire une compétence concurrente de celle dont dispose le Préfet au titre de la police des installations classées.

Ces dispositions concernant la police des déchets s’articulent donc avec celles concernant la police des installations classées.

Ce régime de police des déchets, dont le Maire a la compétence, est distinct de celui des installations classées pour la protection de l’environnement en ce que le Maire s’adresse au détenteur des déchets en lui imposant l’élimination de ceux-ci, alors que le Préfet s’adresse au dernier exploitant de l’installation pour imposer la remise en état.

Le Ministre de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de la Mer précise, dans sa réponse, que le Maire ne peut exercer son pouvoir qu’en cas de pollution des sols, ou risques de pollution des sols, ou en cas de violation des dispositions des articles 541 et suivants du Code de l’environnement, mais surtout que « cette compétence du Maire ne devrait pas entrer en contradiction avec le pouvoir de police du Préfet », et que « le Maire pourra exercer cette compétence si le Préfet n’a pas déjà mis en œuvre des mesures dans le cadre de son pouvoir de police ».

De ce fait, le Ministre considère que le pouvoir offert par le Code de l’environnement au Maire en matière de déchets est subsidiaire à celui offert au Préfet lorsqu’il s’agit d’une installation classée.

Et le Ministre de compléter « le Préfet reste l’autorité administrative à même de réglementer au mieux, de manière cohérente et intégrée, l’activité des installations classées du fait de la compétence technique et de la connaissance de terrain de l’inspection des installations classées. »

C’est ainsi que le Ministre entend régler à sa manière le conflit existant entre police des déchets et celle des ICPE.

La jurisprudence s’est déjà penchée sur la possibilité pour le Préfet de se substituer à la carence de l’autorité municipale dans l’exercice des pouvoirs de police qui lui ont été conférés au titre de la police des déchets, de prendre sur le fondement de celle-ci à l’égard du producteur ou du détenteur des déchets des mesures propres à prévenir toute atteinte à la santé de l’homme et à l’environnement (C.E n° 287674 du 11 janvier 2007, Sté Barbazanges AJDA 2007 p. 166, juris-data n° 2007-071301).

Toutefois, contrairement à ce que laisse entendre le Ministre dans sa réponse, à notre connaissance la jurisprudence n’a jamais à ce jour précisé que le pouvoir détenu par le Maire au titre de la police des déchets serait, lorsque ces déchets sont situés sur un site relevant de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement, subsidiaire au pouvoir du Préfet.

Au contraire, la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX dans un arrêt du 18 mai 2009 (n° 08BX02028 Sté Pedarre Pneus Bayonne) a pu considérer « que les dispositions précitées ont créé un régime juridique destiné à prévenir ou à remédier à toute atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement causée par des déchets, distinct de celui des installations classées pour la protection de l'environnement ; qu'à ce titre, l'article L. 541-3 confère à l'autorité investie des pouvoirs de police municipale la compétence pour prendre les mesures nécessaires pour assurer l'élimination des déchets dont l'abandon, le dépôt ou le traitement présentent de tels dangers ; que la circonstance que ces déchets se trouvent, comme en l'espèce, sur le site d'une ancienne installation classée n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à l'exercice, par le maire, des pouvoirs qu'il tient desdites dispositions. »

Si un principe de subsidiarité existait comme le sous-entend le Ministre dans réponse, la Cour aurait nécessairement dû vérifier que l’arrêté pris par le Maire faisant injonction d’avoir à supprimer 141 tonnes de pneumatiques usagés, justifiait bien de l’absence de décision préalable de l’autorité préfectorale quant à la prise de mesure pour la suppression desdits pneumatiques.

Le parallèle peut ainsi être fait avec l’arrêt précité (Sté Barbazanges, 11 janvier 2007) où la Cour relève que le Préfet, lorsqu’il s’est substitué au Maire dans l’application de la police des déchets sur le fondement de l’article L 541-3 du Code de l’environnement précité, n’avait pas justifié de la carence de l’autorité municipale dans l’exercice de ses pouvoirs de police, ni même ne l’avait alléguée.

Ainsi, et contrairement à ce que soutient le Ministre dans sa réponse, le pouvoir du Maire en matière de déchets n’est absolument pas subsidiaire à celui du Préfet lorsque les déchets sont situés dans une installation classée pour la protection de l’environnement.

On comprend que le Ministre cherche à donner le plus de cohérence possible en réservant au Préfet la possibilité d’intervenir dans les installations classées, mais il est de notre devoir de rappeler au Maire qu’il dispose d’un pouvoir, y compris dans cette « chasse gardée préfectorale » pour obtenir du détenteur des déchets une élimination de ceux-ci.

L’expérience prouve que malheureusement les services de l’Etat n’ont pas toujours les moyens d’intervenir pour prévenir tous les risques de pollution, et qu’en cette matière il n’est aucune préséance à respecter au profit du Préfet, seule doit compter la solution à apporter à la pollution : il peut donc arriver que le Maire soit le plus à même de faire usage de ses pouvoirs pour obtenir la dépollution.





Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Beboy - Fotolia.com

Auteur

NAUX Christian
Avocat Associé
CORNET, VINCENT, SEGUREL NANTES
NANTES (44)
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