Cautionnement et déclaration de créance

Cautionnement et déclaration de créance

Publié le : 05/10/2011 05 octobre oct. 10 2011

La caution n'est pas, par principe, déliée de son obligation envers le créancier lorsque ce dernier n'a pas déclaré sa créance à la procédure collective du débiteur principal.Arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation du 12 juillet 2011

Par un arrêt du 12 juillet 2011 (n° G 09-71.113) publié au Bulletin sous le n° 768 et ayant une diffusion FS +P+B+R+I (pour les initiés), la Chambre commerciale de la Cour de cassation rend une décision de principe, bien que de rejet, qui a une grande importance pratique.




1. Depuis l'entrée en vigueur de la Loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 dite de "sauvegarde des entreprises en difficulté" modifiant les règles des procédures collectives, le créancier qui ne déclare pas sa créance en temps utile dans la procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire de son débiteur, ne voit plus sa créance éteinte mais ne participera pas, sauf relevé de forclusion, aux répartitions et dividendes éventuellement versés dans le cadre de cette procédure (art. L. 622-26 du Code de commerce). Autant dire cependant qu'en fait, il ne récupérera pas grand-chose.

A l'égard de la caution, le créancier ne peut, en principe, agir contre elle pendant la période d'observation de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire (art. L. 622-28 du Code de commerce).

En effet, l'action en paiement contre la caution ne lui est ouverte qu'en cas de liquidation judiciaire ou à compter du jugement arrêtant le plan (de sauvegarde ou de redressement) sauf pour les créances non déclarées mais en cas de plan de sauvegarde uniquement (art. L. 622-26 al. 2 du Code de commerce - cf. pour la règle inverse en cas de plan de redressement, l'art. L.631-14 al. 6 du même Code).

Ainsi, selon les règles propres aux procédures collectives, l'action en paiement du créancier non déclarant contre la caution du débiteur principal en liquidation judiciaire ou bénéficiant d'un plan de redressement, demeure théoriquement possible.

Afin de s'y opposer, les cautions (comme dans le présent cas d'espèce) ont pu exciper de règles propres au cautionnement, notamment :

- la disposition selon laquelle, la caution peut opposer au créancier les exceptions inhérentes à la dette et qui appartiennent au débiteur principal (art. 2313 al.1 du Code civil) ;

- le principe de décharge (dit de subrogation) lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait du créancier, s'opérer en faveur de la caution (art. 2314 du Code civil).

A cette problématique, la Cour de cassation dans le présent arrêt du 12 juillet 2011 répond doublement :

• sur le fondement de l'article L. 622-26 du Code de commerce que :"la défaillance du créancier ayant pour effet non d'éteindre la créance, mais d'exclure son titulaire des répartitions et dividendes, cette sanction ne constitue pas une exception inhérente à la dette, susceptible d'être opposée par la caution, pour se soustraire à son engagement ;

• que: "si la caution est déchargée de son obligation, lorsque la subrogation dans un droit préférentiel conférant un avantage particulier au créancier pour le recouvrement de sa créance ne peut plus, par le fait de celui-ci, s'opérer en faveur de la caution, pareil effet ne se produit que si cette dernière avait pu tirer un avantage effectif du droit d'être admise dans les répartitions et dividendes, susceptible de lui être transmis par subrogation […] la cour d'appel qui, analysant sans la dénaturer, la lettre du liquidateur, a retenu qu'il était établi que les créanciers chirographaires n'avaient pas été réglés, a par ce seul motif faisant ressortir que les cautions n'auraient pas été désintéressées, légalement justifié sa décision ;".

Si une règle de fond se dégage du premier attendu: la sanction du défaut de déclaration du créancier ne constitue pas une exception inhérente à la dette, c'est une règle de preuve qui ressort du second attendu : le non règlement des créanciers chirographaires établit par lui-même que les cautions n'auraient pu leur être subrogés.


2. En pratique, compte tenu du nombre de cautionnements sollicités par les créanciers surtout professionnels et des risques de non déclaration qui constituent une forte probabilité, cette décision apporte une réponse nette et sécurisante notamment pour les institutionnels.

C'est surtout en cas de liquidation judiciaire et pour des créanciers chirographaires que les règles jurisprudentielles ici arrêtées prennent toute leur importance.

D'abord, parce que dans cette situation, les créanciers chirographaires ne sont le plus souvent pas payés.

Ensuite parce que de nombreuses liquidations finissent clôturer sans même qu'il y ait eu de vérification des créances chirographaires.

Dans ces circonstances, le créancier défaillant qui s'était fait consentir un cautionnement pourra espérer un éventuel paiement.

Ici, la Cour de cassation facilite même la situation des créanciers en leur fournissant les arguments à soutenir contre la caution.

Il risque bien entendu d'en être différemment en cas de plan de redressement et dans ce cas, le créancier devra démontrer que les conditions de l'article 2314 du Code Civil ne sont pas réunies si la caution excipe du défaut de subrogation par sa faute.

Nul doute cependant que cet arrêt fera couler beaucoup d'encre.



L'auteur de cet article:Stéphane ASENCIO, avocat à Bordeaux



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © mostafa fawzy - Fotolia.com

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