Bail commercial et clause d'indexation réputée non écrite

La clause d’indexation réputée non écrite au sein des baux commerciaux - évolution de la jurisprudence

Publié le : 16/07/2025 16 juillet juil. 07 2025

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 19 juin 2025, n° 23-18.853
La clause d’indexation réputée non écrite au sein des baux commerciaux continue d’alimenter la Cour de cassation. 
Ce sujet a commencé à intéresser bailleurs et locataires lorsque pour la première fois au cours du premier trimestre 2009, l’indice des loyers commerciaux a connu une baisse. 

C’est à la fin de l’année 2011 que la situation s’est rétablie, et elle était due à la crise financière de 2008 qui a traumatisé les bailleurs et leurs conseils. 

Depuis cette date, seule l’année 2020 a fait connaître une autre baisse de l’indexation des loyers due à l’épidémie Covid-19. 

Cependant, traumatisés par l’année 2009, les rédacteurs des baux commerciaux ont imaginé rédiger des clauses d’indexation annuelle de loyer permettant uniquement une indexation du loyer à la hausse, neutralisant toute possibilité d’indexation à la baisse. 

C’est et ce fut le ton qui a occupé la Cour de cassation pendant une dizaine d’années, jusqu’à un arrêt du 14 janvier 2016 ou la Cour de cassation a posé le principe selon lequel une clause d’indexation qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut être révisé qu’à la hausse doit être réputée non écrite

Les conséquences sont sévères pour le bailleur qui doit restituer le montant des augmentations encaissées durant les 5 dernières années, délai de la prescription. 

L’évolution de la Cour de cassation l’a amenée à considérer et à valider le raisonnement consistant à considérer que seule la stipulation prohibée devait être réputée non écrite et non l’ensemble de la clause d’indexation

Ainsi, une clause qui ne prévoit une indexation qu’à la hausse sans prévoir la baisse sera réputée non écrite, mais la clause d’indexation en elle-même pourra avoir ses effets.

Entre 2016 et 2020, un certain nombre de tribunaux ont déclaré ce type de clause non écrite, infligeant aux bailleurs une sanction aussi disproportionnée qu’imméritée.

A partir d’un arrêt de la Cour de cassation remarqué du 29 novembre 2018 et poursuivi par des arrêts des 19 décembre 2019 et 6 février 2020, la position de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a commencé à évoluer sur l’étendue de la sanction qui frappe les clauses d’indexation contraires aux articles L 112-1 du Code monétaire et financier ou L 145-39 du Code de commerce.

Dans deux arrêts du 30 juin 2021 (n° 20-11.685 et n° 19-23.038), la Cour de cassation a affirmé désormais très clairement que seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée par la loi devait être réputée non écrite et non l’intégralité de la clause, quel que soit le caractère essentiel ou pas de la clause.

Dans le second arrêt rendu par la Cour de cassation le 30 juin 2021 (n° 19-23.038), les juges avaient à se prononcer sur une clause d’indexation prévoyant qu’elle ne jouerait qu’à la hausse, mais dans la limite d’un plafond annuel de 3 % pendant les 3 premières années.

Le locataire a assigné le bailleur aux fins de voir déclarer non écrite cette clause d’indexation et de le voir condamner au remboursement de toutes les sommes perçues en sus du loyer contractuellement exigible.

La Cour d’appel de REIMS avait dans un premier temps déclaré l’intégralité de la clause non écrite en considérant que cette clause d’indexation était indivisible.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 30 juin 2021, a refusé cette analyse d’indivisibilité de la clause.

Elle a considéré que seule la stipulation prohibée devait être réputée non écrite et non l’ensemble de la clause.

Elle a affirmé également que le caractère essentiel de la clause n’était plus un obstacle à son effacement partiel.

Le 12 janvier 2022, la 3ème chambre de la Cour de cassation avait encore à se prononcer sur une clause d’indexation annuelle du loyer stipulant qu’elle ne pourrait s’appliquer qu’en cas de variation à la hausse de l’indice de référence.

Dans cette affaire particulière, la Cour d’appel avait considéré que la clause d’indexation dans son entier devait être réputée non écrite.

Les juges de la Cour d’appel avaient retenu que l’intention du bailleur était d’en faire, sans distinction de ses différentes parties, une condition essentielle et déterminante de son consentement, que toutes les stipulations de cette clause revêtaient un caractère essentiel conduisant à l’indivisibilité et empêchant d’opérer un choix entre elles pour n’en conserver que certaines.

La Cour de cassation a considéré que cette motivation de la Cour d’appel ne pouvait pas caractériser l’indivisibilité de la clause et que seule la stipulation prohibée devait être réputée non écrite, c’est-à-dire celle qui prévoyait uniquement l’indexation à la hausse sans prévoir la baisse.

Cet arrêt de janvier 2022 est un message très clair de la Cour de cassation aux différentes Cours d’appel pour leur demander de cesser de rechercher si les clauses ont un caractère essentiel ou pas, si elles sont indivisibles ou pas, en permettant un effacement partiel des clauses permettant du coup à celles-ci de jouer à la fois à la hausse et à la baisse et de revenir à l’équilibre contractuel.

Nous pensions que tous les raisonnements sur le caractère essentiel et indivisible de la clause n’étaient plus retenus par la Cour de cassation qui avait pourtant ouvert la voie à ce raisonnement dans son arrêt du 14 janvier 2016.

Nous avions écrit plusieurs articles sur ce sujet pour EUROJURIS.

Qu’en est-il de l’arrêt rendu le 19 juin 2025 ? 

En l’espèce, un locataire avait contesté l’application d’une clause d’indexation qui, à ses yeux, devait être considérée comme réputée non écrite puisqu’elle excluait toute réciprocité de la variation du loyer.

En effet, elle était susceptible de varier uniquement à la hausse et non à la baisse.

La Cour d’appel de RIOM, dans son arrêt du 24 mai 2023, avait rejeté les demandes en constatation du caractère réputé non écrit de la clause d’indexation et en restitution des loyers versés.

Le débat avait tourné à nouveau sur l’indivisibilité de la clause.

La Cour d’appel de RIOM avait considéré que l’obligation d’indexer le loyer tel que convenu entre les parties n’apparaissait pas indivisible.

Le locataire motivait son pourvoi sur l’argument selon lequel la clause litigieuse était une stipulation unique caractérisant justement son indivisibilité.

La Cour de cassation ne suit pas ce raisonnement.

Elle confirme l’appréciation de la Cour d’appel de RIOM.

La Cour d’appel de RIOM a considéré qu’il pouvait être fait abstraction du seul membre de phrase « uniquement à la hausse » en laissant subsister la clause générale d’indexation à la hausse ou à la baisse.

L’obligation de ne faire varier le loyer que dans le seul sens de l’augmentation était divisible et dissociable de la simple obligation de faire varier le loyer dans un sens ou dans l’autre.

La Cour de cassation a relevé que la clause d’indexation exclusivement à la hausse n’avait pas été mise en œuvre par les parties, la bailleresse ayant appliqué une indexation à la baisse lors des variations à la baisse de l’indice.

Ainsi, la divisibilité de la clause d’indexation a été démontrée, de sorte qu’elle n’est pas réputée non écrite en son entier.

Ainsi, la notion de divisibilité et d’indivisibilité reste à l’appréciation souveraine du juge du fond.

Cette notion et ce débat ne sont pas à exclure d’emblée.

Certes, les exemples de jurisprudence démontrent que rapporter la preuve du caractère indivisible de la clause sera compliqué.

C’est ce qui m’avait conduit à conclure après l’arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 12 janvier 2022 que cette notion n’était plus d’actualité.

Visiblement, ce débat sur la divisibilité reste d’actualité, mais les possibilités de conclure à une clause d’indexation indivisible paraissent tellement ténues que les bailleurs pourraient être tranquillisés sur les risques de ce débat.

Cependant, force est de constater que ce débat existe encore et qu’il n’est pas totalement enterré.


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

MEDINA Jean-Luc
Avocat Associé
CDMF avocats , Membres du conseil d'administration, Arbitres
GRENOBLE (38)
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