La loi de rénovation de la démocratie sociale et le droit syndical
Publié le :
30/04/2009
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La présomption irréfragable de représentativité conférée aux 5 organisations syndicales est supprimée; La loi du 20 août 2008 modifie les règles de désignation du délégué syndical.
Salariés mis à disposition, représentativité syndicale et accords collectifsLa formation droit social du 27 mars 2009, animée par Monsieur le Professeur Paul-Henri ANTONMATTEI (Professeur à la faculté de droit de Montpellier, Président de la Conférence des Doyens) était consacrée au volet "rénovation de la démocratie sociale" de la loi n°2008-789 du 20 août 2008, qui comporte également une partie consacrée "au temps de travail. Monsieur le Professeur Paul-Henri ANTONMATTEI a énuméré les nombreuses innovations de cette loi en illustrant son intervention par de nombreux exemples pratiques qui nous ont permis de mieux appréhender les enjeux et les conséquences de cette loi.
Monsieur le Professeur Paul-Henri ANTONMATTEI a également commenté une circulaire de la Direction Générale du Travail du 13 novembre 2008 (circulaire DGT N° 20 ) qui apporte des précisions sur les nouvelles règles instaurées par la loi du 20 août 2008.
Parmi les nombreux thèmes abordés, nous reviendrons sur les 4 points suivants :
- Les salariés mis à disposition:
Les salariés mis à disposition par une entreprise extérieure sont intégrés dans les effectifs de l'entreprise utilisatrice s'ils sont présents dans les locaux de l'entreprise utilisatrice et s'ils y travaillent depuis au moins un an (article L1111-2 2° du Code du travail).
La rémunération des salariés mis à disposition qui sont compris dans les effectifs de l'entreprise d'accueil est donc inclue dans la masse salariale de cette entreprise pour le calcul de la subvention annuelle de 0,2 %, destinée au fonctionnement du comité d'entreprise (CE), ce qui peut intéresser les membres du CE.
Les salariés mis a disposition qui sont inclus dans les effectifs de l'entreprise utilisatrice disposent désormais du choix d'exercer leur droit de vote aux élections des DP et du CE au sein de l'entreprise utilisatrice ou dans celle qui les emploie, sous réserve de remplir les conditions pour être électeur et d'avoir une durée de présence dans l'entreprise utilisatrice d'au moins 12 mois continus.
En outre, les salariés mis a disposition qui sont inclus dans les effectifs de l'entreprise utilisatrice peuvent également se présenter comme candidat aux élections de DP de l'entreprise utilisatrice (mais pas aux élections du CE) s'ils remplissent les conditions pour être éligible et s'ils ont une durée de présence dans l'entreprise utilisatrice d'au moins 24 mois continus.
- La représentativité syndicale :
La présomption irréfragable de représentativité conférée aux 5 organisations syndicales : (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT et FO) est supprimée. Chaque organisation syndicale doit désormais faire la preuve de sa représentativité qui est conditionnée par la réunion de 7 critères cumulatifs (art. L 2121-1 du Code du travail) parmi lesquels un critère essentiel celui de l'audience électorale : seules seront considérées comme représentatives, au niveau de l'entreprise, les organisations syndicales qui auront recueilli au moins 10 % (8% au niveau interprofessionnel et au niveau de la branche) des suffrages au 1er tour des dernières élections professionnelles des titulaires au CE ou de la délégation unique du personnel (DUP) ou à défaut, des délégués du personnel (DP). La loi du 20 août 2008 remet en cause la jurisprudence ADECCO (Cass.soc.20/12/2006 n°05-60.345) selon laquelle il n'y a pas lieu de décompter les suffrages en faveur de chaque liste syndicale en l'absence de quorum au 1er tour des élections professionnelles. Il est désormais impératif de dépouiller le 1er tour même en l'absence de quorum puisque l'audience électorale s'apprécie sur les résultats du 1er tour.
Cette nouvelle règle de représentativité dans l'entreprise est applicable à compter des résultats des premières élections professionnelles dont la date de négociation du protocole préélectoral est postérieure au 21 août 2008 (date de publication de la loi).
La représentativité des organisations syndicales interviendra dans les entreprises à chaque nouvelle élection professionnelle, soit, en principe tous les 4 ans.
Monsieur le Professeur Paul-Henri ANTONMATTEI conseille à l'employeur de constater par écrit les syndicats représentatifs et d'afficher les résultats du 1er tour des élections ou de les communiquer par intranet. Si cette information n'est pas obligatoire, elle permet d’informer la communauté de travail et de rassurer les organisations syndicales qui vont ainsi avoir le « feu vert » de l'employeur pour désigner leur délégué syndical.
Dans l'hypothèse d'une entreprise composée de plusieurs établissements distincts, la représentativité du syndicat au niveau de l’entreprise se calcule par l’addition de l’ensemble des suffrages (et non pas les pourcentages) obtenus par syndicat dans chacun des établissements. Monsieur le Professeur Paul-Henri ANTONMATTEI conseille d’organiser toutes les élections professionnelles le même jour afin de connaître la représentativité dans les établissements dans l’entreprise au même moment ou de déterminer une période électorale d’une durée de trois mois, par exemple.
Au niveau interprofessionnel et au niveau de la branche : les 5 confédérations syndicales présumées représentatives bénéficient d'une présomption simple de représentativité jusqu'au 21 août 2013. Dans les 4 ans qui viennent vont être totalisées les résultats des élections professionnelles branche par branche. En 2013, nous connaîtrons la nouvelle représentativité des organisations syndicales au niveau interprofessionnel et au niveau de la branche.
- La désignation du délégué syndical:
La loi du 20 août 2008 modifie les règles de désignation du délégué syndical qui doit être choisi par son organisation syndicale parmi les salariés qui se sont présentés aux élections et qui ont obtenu au moins 10 % des voix au 1er tour des dernières élections professionnelles sur son nom, en tant que membre titulaire ou suppléant.
Tous les résultats des élections professionnelles peuvent être pris en compte : élection du CE, des DP ou de la DUP.
Il n’y a pas à faire primer les élections du CE. Le but de la loi est de donner une légitimité au délégué syndical.
Les anciennes règles de désignation demeurent jusqu'aux résultats des premières élections professionnelles dont la date de négociation du protocole préélectoral est postérieure au 21 août 2008 (date de publication de la loi). Les délégués syndicaux conservent leur mandat jusqu'aux premières élections professionnelles dont la date de négociation du protocole préélectoral est postérieure au 21 août 2008 (date de publication de la loi). Ainsi, les "anciens" délégués syndicaux doivent obligatoirement se porter candidat s’ils veulent être maintenus dans leur mandat.
La loi du 20 août 2008 a prévu une solution dans l’hypothèse où une organisation syndicale se retrouve sans candidat ayant recueilli plus de 10 % des suffrages exprimés au 1er tour entre deux élections professionnelles.
Exemple : le délégué syndical désigné quitte l’entreprise ou change de syndicat entre deux élections professionnelles.
La loi prévoit que l’organisation syndicale puisse désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement (art L2143-3 alinéa 2 du code du travail).
- Les règles de validité des accords collectifs:
Le poids d'une organisation syndicale dans une entreprise est important car depuis le 1er janvier 2009 il existe de nouvelles règles de négociation.
Un accord collectif ou d’établissement est valablement signé par une organisation syndicale ou plusieurs organisations syndicales qui ont recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au 1er tour des élections professionnelles des titulaires du CE, ou de la DUP, ou, à défaut, des DP. (Article L2232-12 du Code du travail)
3 cas de figure peuvent se présenter :
a) une ou plusieurs organisations syndicales signent l'accord, mais représentent moins de 30 % des suffrages exprimés au 1er tour des élections professionnelles : l’accord ne vaut rien
b) les signataires représentent entre 30 % et 50 % des suffrages exprimés au 1er tour des élections professionnelles : la première condition est remplie, mais la barre des 50% n’étant pas passée, le droit d’opposition peut s’exercer
c) les signataires représentent plus 50% des suffrages exprimés au 1er tour des élections professionnelles : l’accord est valable d’emblée, il n'y a pas de droit d’opposition possible
Monsieur Le Professeur Paul-Henri ANTONMATTEI attire notre attention sur la difficulté suivante : dans certaines entreprises, il y a eu carence de candidatures syndicales au premier tour ou absence de quorum et donc de dépouillement. Il est donc impossible de mesurer les seuils de 30 % et de 50 %, ce qui peut bloquer la validité d’un accord et peut être préjudiciable aux salariés.
Une proposition de loi dite " de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures" non encore adoptée est en cours de discussion à l'Assemblée Nationale pour combler ce vide juridique. La proposition de loi serait la suivante: permettre aux entreprises, jusqu’aux prochaines élections, de procéder à un référendum de validation. Cette solution du référendum semble contraignante et risque de ne pas favoriser la conclusion d'accords collectifs.
Monsieur Le Professeur Paul-Henri ANTONMATTEI a également évoqué les conséquences de la perte de représentativité d’une ou de la totalité des organisations signataires sur les accords conclus.
Le législateur a instauré les deux règles suivantes :
- lorsqu'une des organisations syndicales de salariés signataires de l'accord perd la qualité d'organisation syndicale représentative, la dénonciation de l'accord n'emporte effet que si elle émane d'une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli 50 % des suffrages exprimés (art. L2261-10).
- la perte de la qualité d'organisation représentative de toutes les organisations syndicales signataires d'un accord collectif n'entraine pas la mise en cause de l'accord (article L2261-14-1 du Code du travail). La loi a voulu éviter la jurisprudence selon laquelle la disparition des organisations syndicales représentatives entraînait la mise en cause de l’accord, afin de ne pas déstabiliser le tissu conventionnel.
- Possibilité de conclure des accords collectifs sans délégué syndical :
La loi du 20 août 2008 a cherché à favoriser le dialogue social en prenant en compte la situation des entreprises dans lesquelles il n’y a pas de délégué syndical et donc pas de possibilité de négocier.
La loi innove à partir du 1er janvier 2010 en offrant la possibilité aux entreprises de moins de 200 salariés, en l’absence de délégué syndical, de négocier avec les représentants élus du CE ou des DP, des accords collectifs, sans qu’il soit besoin de recueillir l’autorisation de la branche.
La négociation en l’absence de délégué syndical ne pourra porter que sur des mesures qui sont exclusivement prévues par un accord collectif (sauf accord de méthode). Ex : l’intéressement.
En outre, l’accord doit être subordonné à l’accord de la commission paritaire de branche qui aura 4 mois à compter de sa transmission pour le valider. La commission paritaire de branche devra vérifier si l’accord d’entreprise respecte la loi, les règlements, les règles conventionnelles….ce qui risque d’être difficile et de ne pas favoriser le dialogue social. Aucune voie de recours n’est prévue contre la non validation de l'accord par la commission.
Enfin, il a été annoncé pour le 30 juin 2009 la conclusion par les partenaires sociaux au niveau national d'un accord sur les moyens de renforcer la négociation dans les petites entreprises qui n'ont ni délégué syndical, ni représentant élu du personnel.
Alexandra PEYRACHE
Cet article n'engage que son auteur.