Une Collectivité peut-elle exercer une compétence transférée à un EPCI ?

Une Collectivité peut-elle exercer une compétence transférée à un EPCI ?

Publié le : 01/04/2011 01 avril avr. 04 2011

Dans une décision du 21 février 2011, le Conseil d'Etat, tout en confirmant le principe d'exclusivité applicable aux EPCI, opère une distinction inédite entre exercice de la compétence et gestion de la compétence.

DE LA DISTINCTION SUBTILE ENTRE L'EXERCICE DE LA COMPÉTENCE ET SA GESTION


Dans une décision du 21 février 2011 (n° 337349), le Conseil d'Etat, tout en confirmant le principe d'exclusivité applicable aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), opère une distinction inédite entre exercice de la compétence et gestion de la compétence.

Ce faisant, la Haute Juridiction prend le parti d'un courant doctrinal et jurisprudentiel conjuguant rigorisme juridique et exigences de sécurité juridique.

En effet, l'immédiateté du transfert de compétence d'une autorité à une autre s'accommode parfois difficilement de son pendant opérationnel et concret (transfert de services, transfert d'infrastructures, etc.).

Le litige dont était saisi le Conseil d'Etat portait sur la distinction entre la compétence de l'autorité nouvellement habilitée statutairement, en l'espèce le Syndicat pour la valorisation et le traitement des déchets ménagers et assimilés du Puy-de-Dôme - VALTOM et, d'autre part, la compétence de l'autorité jusqu'alors gestionnaire qui demeurait propriétaire des infrastructures, en l'espèce la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION CLERMONT-COMMUNAUTE.

Par une délibération du 29 février 2008, le conseil de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION CLERMONT-COMMUNAUTE approuvait le choix de la société Onyx Auvergne-Rhône-Alpes (Onyx-Ara), aux droits de laquelle est venue la SOCIETE OPHRYS, en tant que délégataire du service public pour l'extension et l'exploitation du centre d'enfouissement technique du Puy-Long.

Ce faisant, la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION CLERMONT-COMMUNAUTE se prévalait de l'article 2 des statuts du VALTOM, autorité bénéficiaire du transfert de compétence en matière de déchets ménagers, prévoyant une période transitoire au cours de laquelle la gestion du centre d'enfouissement technique du Puy-Long restait entre ses mains.

Un recours était alors introduit par le VALTOM qui estimait que la compétence en matière de traitement des déchets lui avait été intégralement transférée ainsi que par la société Sita Mos, concurrent évincé de la procédure.
Par deux décisions du 10 juillet 2009, confirmées par la cour administrative d'appel de Lyon, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la délibération et a enjoint à la communauté d'agglomération de résilier la convention ou de saisir le juge du contrat pour en constater la nullité.

Saisi des pourvois formés par la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION CLERMONT-COMMUNAUTE et la société OPHRYS, délégataire, le Conseil d'Etat a rejeté ces pourvois en considérant que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand et la Cour administrative d'appel de Lyon n'avaient commis aucune erreur de droit en considérant que la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION CLERMONT-COMMUNAUTE, était incompétente pour décider de l'attribution de la délégation à la Société OPHRYS, ce, nonobstant l'article 2 des statuts du VALTOM et la période transitoire instaurée.

La Haute Juridiction administrative confortait ainsi l'analyse selon laquelle une compétence transférée ne peut plus être exercée qu'exclusivement par l'autorité bénéficiaire du transfert et, en l'espèce, que le VALTOM était l'établissement détenteur exclusif de la compétence "déchets ménagers" :

"Considérant, en premier lieu, que, d'une part, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales que dès lors qu'une collectivité a transféré ses compétences en matière de traitement, de transport, de tri et de stockage des déchets ménagers et assimilés, elle ne peut plus exercer directement les attributions dont l'exercice est ainsi immédiatement dévolu à la personne publique bénéficiaire de ce transfert ; Et que, d'autre part, l'existence d'une phase transitoire, prévue à l'article 2 du statut du VALTOM, prévoyant que la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION reste gestionnaire du centre d'enfouissement technique du Puy-Long dont elle est propriétaire, n'a pas eu pour effet de conserver à la communauté la compétence pour étendre les capacités de traitement de ce centre, compétence exclusivement dévolue au VALTOM".

Parallèlement, une brèche était néanmoins ouverte permettant la gestion du service transféré par la collectivité antérieurement compétente :
"La cour a pu ainsi, sans entacher sa décision de contradiction de motifs, tout à la fois retenir que le VALTOM bénéficiait de l'exclusivité de la compétence de traitement dès la date d'adhésion de la communauté d'agglomération au syndicat et que la communauté d'agglomération restait gestionnaire du centre d'enfouissement technique du Puy-Long dont elle est propriétaire pendant la phase transitoire prévue à l'article 2 du statut du syndicat".

Le Conseil d'Etat a, par ailleurs, pris le soin de préciser qu'une telle possibilité de gestion ne s'expliquait pas par son caractère transitoire lequel n'"a pas eu pour effet de reporter le transfert de compétence au VALTOM" mais par la circonstance qu'il s'agissait d'un choix, en réalité, opéré par le titulaire de la compétence lui-même.
Le VALTOM aurait ainsi exercé la compétence dont il est le titulaire exclusif en décidant, dans le cadre de ses statuts, de laisser entres les mains de ses membres et propriétaires des installations la gestion - temporaire - du service.

Demeurait cependant en suspens la question de la définition et de la délimitation d'un noyau dur constitutif de l'exercice d'une compétence par opposition à ce qui pourrait relever de sa simple gestion.
Dans le cas d'espèce, "la délégation de service public autorisée par la délibération litigieuse avait pour objet d'augmenter significativement la quantité de déchets pouvant être traités par le centre de stockage de déchets ultimes de Puy Long", "comportait la création d'une nouvelle capacité de stockage et modifiait les techniques d'exploitation de cette unité".

Par-là-même, "dans ces conditions, le contrat en cause ne pouvait être assimilé à la gestion des capacités existantes prévue par l'article 2 des statuts du VALTOM autorisant les collectivités adhérentes à gérer leurs propres installations durant la phase transitoire précédant la mise en service industrielle des nouvelles unités de traitement".

Ainsi, la décision aurait probablement été toute autre dans l'hypothèse d'une délégation de service public portant sur les seules capacités existantes.
En tout état de cause, la décision commentée confirme la pérennité du principe d'exclusivité, principe qui ressort, dans une certaine mesure, d'autant plus renforcé qu'il pourrait davantage être respecté en pratique.

 

 

Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

TISSOT Sarah

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