Temps partiel : les nouveautés 2014
Publié le :
27/03/2014
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2014
La loi du 14 juin 2013 a t-elle transcrit la volonté affichée de l’ANI du 11 janvier 2013, dont elle est issue, de trouver un équilibre, certes difficile, entre compétitivité de l’entreprise et sécurisation de l’emploi ?
La loi du 14 juin 2013 (loi sur la sécurisation de l’emploi L 2013-504, 14 juin 2013, JO 16 juin), a t-elle transcrit la volonté affichée de l’ Accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, dont elle est issue, de trouver un équilibre, certes difficile, entre compétitivité de l’entreprise et sécurisation de l’emploi ?
Bien qu’il soit encore prématuré de dresser un bilan, la réussite de cet objectif soulève des interrogations légitimes.
Cette loi a en effet tenté d’apporter une certaine flexibilité aux entreprises tout en garantissant une sécurisation de l’emploi aux salariés.
Ainsi, en matière de temps partiel, une certaine souplesse a été mise en place en offrant la possibilité pour les employeurs d’augmenter par avenant de manière temporaire la durée du temps de travail des temps partiels (« compléments d’heures »), en contrepartie d’un renforcement des garanties des salariés pour diminuer la précarité de ces derniers.
Mais si ce complément d’heures, une fois mis en place par accords de branche, sera une réelle avancée pratique pour les employeurs, le durcissement des règles engendre en revanche de nombreuses interrogations et des contraintes qui rigidifient la relation contractuelle à temps partiel (durée minimale, majoration dès la première heure complémentaire, réduction des coupures).
Et, hormis certaines dérogations, l’assouplissement de ces règles ne pourra se faire que dans le cadre d’accords de branche étendus.
1. Une obligation et une incitation de négocier pour la branche
La loi a imposé une obligation de négociation au niveau de la branche pour les secteurs dont au moins 1/3 de l’effectif est à temps partiel, et ce à compter du 13 septembre 2013.
Cette négociation doit porter sur les points suivants : la durée minimale, le nombre de coupures, le délai de prévenance des modifications et la rémunération des heures complémentaires.
Certaines branches ont déjà une durée minimale mais ne respectent pas forcément l’ensemble des obligations de la loi (garanties concernant l’organisation du temps de travail) ou ne prévoient cette durée minimale que dans certains cas précis.
Dans ce cas, ces dispositions conventionnelles doivent être étudiées avec soin afin d’éviter une application non conforme à la loi.
Au-delà de cette obligation, nombre de branches peuvent évidemment négocier sans être soumises à cette obligation, notamment pour permettre aux employeurs de s’affranchir – sous certaines conditions – du minimum légal de 24h00 ou pour pouvoir bénéficier de la possibilité des compléments d’heures.
Cette obligation – ou volonté - de négocier et le retard pris dans la négociation par la majorité des branches a incité le législateur à reporter l’application de la durée minimale au 1er juillet 2014 (loi du 2014-288 du 5 mars 2014 article 20-III JO 6 mars 2014), ce qui a d’importantes conséquences en pratique.
2. Une priorité pour les emplois à temps plein
La priorité des salariés à temps partiel d’une entreprise à se voir proposer des emplois de la même catégorie professionnelle ou emploi équivalent existe déjà et est bien connu des employeurs.
La nouveauté apportée par la loi de 2013 est la possibilité pour une convention collective ou un accord de branche étendu de prévoir que l'employeur pourra proposer au salarié à temps partiel un emploi à temps complet ne ressortissant pas de sa catégorie professionnelle ou un emploi à temps complet non équivalent.
Il est bien évident que l’esprit de la loi ne permettra pas à l’employeur (ni à l’accord de branche) de ne proposer en priorité au salarié à temps partiel que les postes à temps complet qui seraient inférieurs à celui occupé, si des postes équivalents sont disponibles à temps complet.
3. La durée minimale légale de travail
L’instauration d’un horaire plancher est l’apport principal de l’ANI de janvier 2013, repris par la loi de juin 2013.
Cette durée minimale est fixée à 24h00.
Mais l’obligation ou la volonté de négocier de nombreuses branches a incité le législateur à reporter l’application de la durée minimale au 1er juillet 2014 (loi du 2014-288 du 5 mars 2014, article 20-III JO 6 mars 2014).
Le principe est que tout contrat à temps partiel (CDI et CDD) doit fixer une durée minimale de travail de 24h00 par semaine ou le cas échéant, l’équivalent mensuel à cette durée soit 104 heures mensuelles ou annuel soit 1102 heures annuelles (code du travail art, L3123-14-1).
La loi du 6 mars 2014 a suspendu les dispositions de la loi sur la sécurisation de l’emploi relatives à cette durée minimale, pour la période comprise entre le 21.01.2014 et le 30.06.2014.
Or, du fait de ce report, il est nécessaire de distinguer plusieurs types de contrats selon notamment leur date de conclusion, ce qui complexifie les relations contractuelles avec les salariés :
- Les contrats qui n’auront pas d’horaire plancher
- Les contrats conclus avant le 01.01.2014
- Les contrats conclus entre le 21.01.2014 et le 01.07.2014
- Les contrats conclus entre le 01.01.2014 et le 21.01.2014 et les contrats conclus après le 01.07.2014
- Les dérogations
a. Les contrats qui n’auront pas d’horaire plancher
Certains contrats ne sont pas soumis à une durée minimale, quelle que soit leur date de conclusion.
Il s’agit :
- des contrats pour lesquels l’employeur est une entreprise de travail temporaire d’insertion ou une association intermédiaire (article L 5132-6 et L 5132-7 du code du travail)
- des contrats conclus par un particulier employeur (article L 7221-2)
- des contrats conclus avec un étudiant de moins de 26 ans (article L 3123-14-5 du code du travail)
Ces contrats bénéficient d’un régime transitoire jusqu’au 01.01.2016 : ils continuent ainsi à s’appliquer sans modification, même si la durée prévue à ces contrats est inférieure à 24h00.
A compter du 01.01.2016, ces contrats devront en revanche être régularisés, et devront donc respecter la durée minimale légale de 24h00, ou la durée minimale qui aura été négociée au niveau de la branche.
Mais le salarié – sous contrat antérieur au 01.01.2014 - a néanmoins la possibilité de demander à son employeur à bénéficier de la durée minimale, et ce à tout moment avant l’expiration de la période transitoire.
L’employeur peut refuser en justifiant d’une impossibilité lié à l’activité économique de l’entreprise.
Du fait de la suspension des dispositions de la loi de sécurisation sur la durée minimale, l’employeur peut refuser l’horaire plancher sans cette justification du 21.01.2014 au 01.07.2014.
En revanche, pour les demandes formulées entre le 1er janvier et le 21 janvier 2014, et pour l’ensemble des demandes qui seront formulées entre le 1er juillet 2014 et le 31 décembre 2015, le refus devra être justifié par l’impossibilité lié à l’activité économique de l’entreprise
c. Les contrats conclus entre le 21.01.2014 et le 01.07.2014
La loi 2014-288 du 6 mars 2014 a prévu, dans son article 20-III, la suspension des dispositions de la loi sur la sécurisation de l’emploi relatives à la durée minimale et à la justification du refus de l’employeur d’augmenter le temps de travail d’un salarié à 24h00.
Ainsi, pour ces contrats, la loi de 2013 ne s’applique pas : il n’existe pour l’employeur aucune obligation de respecter la durée minimale de 24H00 ni de justifier d’un motif tenant à l’activité économique.
Mais quid de ces contrats après le 01.07.2014?
Plus précisément, ceux des contrats qui prévoient une durée inférieure à 24h00 ou une durée inférieure aux accords qui auront pu être conclus jusqu’au 31.06.2014, devront-ils être régularisés?
Seront-ils considérés comme des contrats « transitoires » ou comme des contrats « 2014 » ?
La plus grande prudence s’impose donc pour ces contrats conclus jusqu’au 30 juin prochain.
d. Les contrats conclus entre le 01.01.2014 et le 21.01.2014 et les contrats conclus après le 01.07.2014
La durée minimale légale de 24h00 s’applique à tous ces contrats.
Il existe néanmoins 2 types de dérogations, permettant de conclure des contrats avec une durée inférieure à ce seuil:
- si un accord de branche étendu autorise une durée de travail inférieure (avec des garanties)
- si le salarié demande à fixer une durée de travail inférieure pour cumuler plusieurs emplois ou pour des contraintes familiales
• Un accord de branche étendu peut prévoir une durée minimale inférieure à 24H00
Mais cet accord doit comporter des garanties :
- quant à la mise en œuvre d’horaires réguliers ou permettant au salarié de cumuler plusieurs activités afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou au moins égal à 24h00 hebdomadaires (ou équivalent mois ou année) (article L 3123-14-3 du code du travail)
- et l’employeur qui utilise cette dérogation doit regrouper les horaires de travail du salarié sur des journées ou demi-journées régulières ou complètes (article L 3123-14-4 )
• Une demande écrite et motivée du salarié de travailler moins de 24H00 (article L 3123-14-3):
- Pour faire face à des contraintes personnelles (article L 3123-14-3)
- Pour cumuler plusieurs activités afin d’atteindre un temps plein ou au moins une durée de 24H00 (article L 3123-14- 3)
Dans ces deux derniers cas, l’employeur peut refuser d’accéder à la demande du salarié.
Si l’employeur accepte, c’est à la condition de regrouper les horaires de travail sur des journées ou demi-journées régulières ou complètes (article L 3123-14-4).
Enfin, l’employeur est tenu d’une obligation d’information annuelle du CE ou des DP (article L 3123-14-2) sur le nombre de dérogations individuelles accordées pendant l’année.
e. Il reste encore beaucoup d’inconnues…
Il reste encore, à l’heure actuelle, nombre d’interrogations sur l’application de ce seuil minimal :
* Quel régime pour le CDD de remplacement quand le CDI est à moins de 24h00 en période transitoire : si le CDI à temps partiel, signé avant le 1er.01.2014, est d’une durée inférieure à 24h00 (et donc bénéficiant de la possibilité de rester à moins de 24h00 jusqu’au 31.12.2015), le CDD de remplacement de ce CDI doit il s’aligner sur le CDI ou respecter la durée minimale dans la mesure où le CDD est quant à lui est signé après la date d’application de la loi ? Il semble qu’il serait prudent, en l’absence d’éléments, de respecter la durée minimale légale de 24h00.
* L’étudiant qui fête ses 26 ans ou qui termine ses études et qui bénéficiait de la dérogation spécifique doit-il voir son contrat passer à 24h00 ? La logique juridique plaide pour une modification de son contrat dans le respect de la loi (24h00).
* Le mi-temps thérapeutique : le salarié dont l’état de santé nécessite un temps de travail réduit, en deçà des 24h00, bénéficie-t-il d’une dérogation ? Sur ce point, l’état de santé, et le temps partiel thérapeutique qui en découle, peut raisonnablement être considéré comme une contrainte personnelle et donc constituer l’une des dérogations sollicitées par le salarié, justifiant un temps de travail moindre. Et ce d’autant plus que l’employeur est tenu de respecter les prescriptions du médecin du travail qui interviendra lors de la reprise.
* Que recouvrent les termes « impossibilité du fait de l’activité économique » qui justifie le refus de l’employeur de passer à 24h00 (pour un contrat « transitoire ») ? Sans précision particulière, ces termes paraissent -pour l’heure - suffisamment larges pour permettre de considérer qu’il ne s’agit pas uniquement de difficultés économiques.
* Hormis les charges de familles et l’état de santé du salarié, que recouvrent les contraintes personnelles permettant une dérogation au taux minimum? Peut-on considérer qu’une activité sportive ou associative soit une contrainte personnelle ? Et lorsqu’elles cessent, la dérogation disparait - elle et un contrat à 24h00 est-il nécessaire? Là encore, la prudence et la logique juridique plaident pour une modification du contrat aux fins de respecter la durée minimale.
* Cette même question vaut également pour la dérogation concernant le cumul d’activité : quid du contrat du salarié qui cesse l’une des activités?
* Un salarié dont le contrat est un contrat en période transitoire doit-il – s’il veut demander une baisse de la durée du temps de travail – remplir les conditions des dérogations « contraintes personnelles » ou « cumul d’activités » ? Ou peut-il s’affranchir de ces conditions puisque son contrat bénéficie d’un régime transitoire ?
* Quelles seront les sanctions en cas de non-respect ? Ainsi, et hormis des dommages et intérêts et les rappels de salaires, peut-on imaginer qu’un salarié puisse procéder à une prise d’acte et que la violation de la durée minimale soit une violation suffisamment grave permettant la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse ?
Tableaux récapitulatifs :
CONTRATS CONCLUS AVANT LE 1ER.01.2014 ET DATE DE DEMANDE DU SALARIE EN REGIME TRANSITOIRE DE BENEFICIER DE LA DUREE MINIMALE
Date de la demande du salarié de passer à 24h00Conditions de refus de l’employeurEntre le 01. 01 et le 21.01.2014Refus possible mais justifié par l’activité économiqueEntre le 22.01 et le 30.06.2014Suspension: refus possible sans justificationEntre le 01.07 et le 31.12.2015Refus possible mais justifié par l’activité économiqueA compter du 01.01.2016Dérogations :
- Accord de branche
- Demande écrite et motivée du salariéDate de conclusion du contratEntrée en vigueur de la durée minimale
APPLICATION DE LA DUREE MINIMALE :
Contrat conclu du 1er au 21.01.2014Durée de 24h00 obligatoire sauf:
- Accord collectif + garanties
- Demande écrite et motivée du salariéContrat conclu entre le 22.01 et le 30.06.2014Pas de durée minimale à respecter
Mais quid de ce contrat après le 1er juillet 2014?Contrat conclu à compter du 1er.07.2014Durée de 24h00 obligatoire sauf:
Accord collectif + garanties
Demande écrite et motivée du salariéContrat avec un étudiant de moins de 26 ansPas de durée minimale à respecter
4. L’encadrement des interruptions d’activités
La loi prévoit que l’horaire de travail à temps partiel ne peut comprendre plus d’une coupure par jour et que cette coupure ne peut pas être supérieure à 2h00.
Un accord de branche peut y déroger mais cette dérogation doit s’accompagner de contreparties: l’accord doit définir les amplitudes horaires pendant lesquelles les salariés doivent exercer leur activité et leur répartition dans la journée de travail, moyennant des contreparties spécifiques et en tenant compte des exigences propres à l’activité exercée.
Ainsi, certains accords ne s’appliquent plus car il n’y a pas (ou plus) de contreparties (ex: HCR). Il convient là encore d’être particulièrement attentif concernant les accords et/ou conventions antérieures à la loi.
5. La rémunération des heures complémentaires
A compter du 1er janvier 2014, les heures complémentaires doivent être majorées à 10% dès la première heure (aucun report n’est prévu en la matière).
Pour les secteurs qui sont autorisés à faire exécuter jusqu’à 1/3 d’heures complémentaires, la majoration des heures complémentaires comprises entre 10% et 1/3 est de 25%.
Des accords pourront prévoir un taux de majoration moindre pour ces heures au-delà du 1/10eme mais au moins égal à 10%.
Cette majoration est d’application pour tous les contrats à temps partiels, conclus avant ou après le 01.01.2014.
6. La possibilité de complément d’heure
Il s’agit de la bonne nouvelle de la loi de juin 2013, bien qu’il faille attendre qu’une convention ou un accord de branche étendu prévoie cette possibilité.
Un accord de branche peut donc prévoir la possibilité – par un avenant au contrat de travail - d’augmenter temporairement la durée de travail prévue au contrat sans avoir à respecter le régime des heures complémentaires (article L 3123-25 du code du travail).
On rappelle en effet que cette augmentation par avenant (ou par CDD) n’était pas autorisé auparavant, la Cour de cassation estimant qu’il s’agissait d’un détournement du régime juridique des heures complémentaires. La situation actuelle constitue un réel handicap pour les employeurs, qui souhaitent confier à un salarié connu et compétent un accroissement des tâches ou le remplacement d’un salarié absent.
Le complément d’heures pourra donc désormais être prévu par avenant, et s’effectuer sur le poste occupé par le salarié mais également sur un autre poste (remplacement).
L’accord doit fixer le nombre maximal d’avenants possibles par an et par salarié en respectant le seuil maximal fixé par la loi à savoir 8 avenants par an et par salarié.
L’accord doit fixer les modalités de ce complément d’heures.
Le complément d’heures ne pourra être prévu que par un avenant et en aucun cas par le contrat initial.
Les heures prévues par le complément seront rémunérées au taux normal; les heures au-delà seront majorées à 25%.
Les heures du complément d’heures n’ouvrent pas droit à une réévaluation du temps partiel (à l’issue d’une période 12 semaines consécutives ou non consécutives sur une période de15 semaines).
7. Les secteurs ayant déjà négociés
Quelques secteurs ont d’ores et déjà réussi à trouver un accord :
- Restauration rapide
- Foyers de jeunes travailleurs
- Assurances : agences générales
- Habitat social
- Sanitaire et social à but non lucratif
- Enseignement privé
- Agriculture
***
Les dispositions législatives et le report dont elle font l’objet, les incertitudes et interrogations qui en découlent, laissent ainsi présager quelques points de contentieux pour l’avenir, mais aussi des frictions dans le climat social des entreprises, une inégalité risquant de s’établir entre les différentes « catégories » de salariés à temps partiel qui seront – au choix - en heures complémentaires, en complément d’heures, en période transitoire, sous régime d’ avant ou d’après le 21 janvier 2014, d’avant ou d’après le 1er juillet 2014....
Le sujet est loin d’être clos…
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © granata68 - Fotolia.com
Auteur
HORNY Caroline
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