La nouvelle saisie immobilière

Publié le : 19/03/2008 19 mars mars 03 2008

Au-delà d’un intitulé commode mais réducteur, il s’agit non seulement de la réforme de la reine des voies d’exécution mais encore de la distribution du prix de vente de l’immeuble.

Procédures et voies d'exécutionLes deux pans de la réalisation forcée et de l’ordre se rejoignent donc enfin dans des conditions imposant aux praticiens habituels de procédures jurisprudentiellement balisées une totale remise en cause de leurs stratégies et routines.

Les développements qui suivent ont donc été actualisés au vu des jugements ou arrêts dont le prononcé est survenu depuis la délivrance de mon propos et dont les veilles jurisprudentielles respectivement organisées par la Commission « Procédure et voies d’Exécution » d’EUROJURIS et les membres de l’AAPPE (Association des Avocats et des Praticiens des Procédures d’Exécution) ont assuré la diffusion dans un « Landerneau » en quête, sinon de certitudes, du moins de solutions de droit positif.

Les buts et les moyens
L'entrée en vigueur
L'essentiel de ce qui a changé
Le régime des voies de recours
Les effets de la vente
La distribution du prix de réalisation de l'immeuble

LES BUTS ET LES MOYENS :

Comparé aux objectifs poursuivis tels qu’ils ressortent du « Rapport du Ministère de la Justice au Président de la République relatif à l’ordonnance du 21 Avril 2006 (JORF du 22/04/2006) », l’appareil normatif apparaît approprié qui manifeste une confiance à laquelle les usagers de la matière sont d’autant moins insensibles que l’écueil de l’angélisme a été évité.

Les intentions affirmées étaient les suivantes:

- simplifier et accélérer la saisie immobilière
- développer les alternatives amiables à la vente forcée en y associant le débiteur
- faciliter la vente au meilleur prix de l’immeuble saisi
- accélérer la répartition du prix.

La coordination des textes (Ordonnance n°2006-461 du 21 Avril 2006, Décrets n°2006-936 du 27 Juillet 2006 et modificatif n°2006-1805 du 23 Décembre 2006, Circulaire très éclairante NOR JUS C 0620 848 du 14 Novembre 2006 du Ministère de la justice et Instruction B 0110D507 du 12 Octobre 2007, NOR BUDL 0700089J relative à la publicité foncière) correspond en regard à la mise en œuvre des moyens suivants :

- l’unification du contentieux de l’exécution par la suppression de la « Chambre des criées » au profit du JEX (que la pratique désigne déjà en ce domaine pour rendre compte de ses spécificités sous l’abréviation JEXI)
- l’assouplissement de la sanction des irrégularités formelles susceptibles d’affecter la poursuite de saisie et la déconnection des contentieux qu’elle génère d’avec le processus de réalisation de l’immeuble
- la faveur d’une vente amiable rapide mais dans un contexte demeurant judiciaire sous le contrôle du JEX
- l’anticipation et l’accélération de la distribution du prix
- l’accession de l’avocat poursuivant au rang d’organe de la procédure de distribution du prix
- l’accroissement des tâches dévolues au greffier du JEX

La rédaction initiale du décret du 27 Juillet 2006 avait pris le parti d’ignorer les contraintes pratiques découlant du contexte périphérique de la réalisation immobilière. Le modificatif de Décembre n’a apporté que des correctifs mineurs dont le plus notable est probablement le maintien final à 10 jours du délai de surenchère du dixième.

L’informatisation du fichier immobilier (plaisamment « FIDJI ») et la prochaine mise en œuvre de l’échange de données informatisées avec les greffes devraient justifier à terme ce parti-pris pour l’heure inconfortable.

L’ENTREE EN VIGUEUR :

Aux termes de l’article 168 du décret du 27 Juillet 2006, les nouvelles règles ne s’appliquent qu’aux saisies ayant donné lieu au dépôt d’un cahier des conditions de vente avant le 31 Décembre 2007 tandis que les actes régulièrement accomplis sous l’empire de la réglementation applicable avant l’entrée en vigueur restent valables.

Pour claire qu’elle semble, la règle a conduit certains ordres à inciter fermement leurs membres à s’abstenir de toute délivrance de commandement avant le 31 Décembre 2007 tandis que nombre de confrères ont « poussé les feux » de leurs procédures en cours afin de remplir les conditions d’application du texte nouveau.

Ces derniers ne se sont pas trompés à la lecture de cette « loi nouvelle plus douce » quant à la sanction des irrégularités formelles affectant éventuellement leur procédure pendant que les premiers appliquaient le « principe de précaution ».

Mais que recouvre l’expression « actes régulièrement accomplis » ? La prudence des ordres et la précipitation des praticiens confirment que chacun s’est interrogé quant à l’aune de la vérification de la régularité des actes antérieurs : la loi ancienne et particulièrement son article 715 ou la loi nouvelle et la faculté de régularisation qu’elle réserve ?

Assurément les textes applicables à leur date bien qu’ultérieurement abrogés (TGI Versailles 6 Février 2008, Montanier c/ SG n° 2004/211). Il est statistiquement fatal que dorment dans certains dossiers hybrides des cas de déchéance dont il ne peut être affirmé (même si l’esprit des textes semble y inviter) que la survenance de l’audience d’orientation les a purgés puisque l’audience éventuelle n’avait pas un tel effet.

Mais il faut bien qu’un régime succède à un autre sans paralyser ou retarder les saisies en cours, d’autant que l’essentiel du propos tient en l’accélération de la procédure.

La coexistence en une même audience (éventuelle ou d’orientation, ou encore de vente), devant un même magistrat porteur de qualités alternatives, de procédures soumises à des régimes différents est de ce fait inévitable et différemment traitée mais toujours dans un esprit très pragmatique. La matière est tout à la fois technique et réservée à une fraction du barreau et, dans la plupart des tribunaux, à un seul magistrat. La concertation permanente y est aisée et le consensus obtenu permet d’arrondir les angles éventuellement trop aigus d’un texte.

C’est ainsi que l’examen des contestations soulevées par conclusions en vue de ou à l’audience d’orientation est généralement mis en continuation sans pour autant que l’audience elle-même soit reportée et que se trouve reconduite une pratique souvent discutée mais indispensable au respect du contradictoire. Le JEXI de BOBIGNY quant à lui, plus formellement mais tout aussi justement renvoie par jugement (cf. TGI BOBIGNY, 18 Septembre 2007, Bochut / Crédit Financier Lillois, n° 07/09432).

En dépit de l’article 78 du décret, la « guerre des feux » est loin d’être achevée. Le « moyen visuel ou sonore » dont les tribunaux se sont respectivement dotés à l’effet de signaler au public chaque seconde écoulée depuis la dernière enchère s’est souvent monté défaillant ou mal commode. La tentation était d’autant plus grande de revenir aux bonnes vieilles bougies que celles-ci rythmaient encore les enchères des « vieilles ventes » appelées à la même audience. Certains juges y ont cédé avec la bénédiction et parfois même à l’instigation des avocats et nul ne s’en porte plus mal. Il n’est rien de plus visuel qu’un feu qui s’éteint en produisant sur l’instant une fumée révélatrice. Le mouvement qui a présidé à la réduction du temps passé lequel l’enchère est définitive (3 minutes dans le décret du 27 Juillet ramenées à 90 secondes dans le correctif du 23 Décembre) aurait plus opportunément dû faire fi d’un modernisme résolu et lui préférer la recette éprouvée de l’extinction de trois feux successifs (d’environ une minute selon l’article 705 du code de procédure civile ancien) sans enchère sur la mise à prix ou de deux feux successifs après une enchère non couverte.

Ici ou là, pour éviter tout risque de confusion du public ou de schizophrénie des acteurs, l’audience est divisée en deux périodes : l’une consacrée aux anciennes procédures et l’autre aux nouvelles.


L’ESSENTIEL DE CE QUI A CHANGE :

Les tableaux qui suivent (élaborés au sein de la « Commission procédure et voies d’exécution » d’EUROJURIS) n’ont d’autre objet que de fixer les idées quant au déroulement idéal de la procédure nouvelle et de dispenser intervenant et lecteur d’un fastidieux exposé descriptif.

Voir les tableaux en annexe :

• Annexe I : Schéma de la procédure jusqu’à l’audience d’orientation
• Annexe II : Cas de la demande de vente amiable avant ‘audience d’orientation
• Annexe III : De l’audience d’orientation à la vente

Les nullités obéissent désormais au droit commun, d’où la disparition des déchéances qui faisaient la joie (et éventuellement la fortune dans un contexte de hausse effrénée des prix du marché immobilier) des débiteurs saisis et vendus dans des conditions prêtant le flanc à l’application de l’article 715 du Code de Procédure Civile Ancien. En effet, l’article 11 du décret renvoie expressément à la Section IV du Chapitre II du Titre V du Livre Ier du Nouveau Code de Procédure Civile, désormais Code de Procédure Civile.

La caducité vient en revanche sanctionner l’absence ou la tardiveté d’un acte compris dans l’énumération de l’article 12 du décret. Si l’on est tenté d’y voir commodément la sanction remplaçant la déchéance du régime ancien, force est de constater qu’elle n’a pas vocation à s’appliquer avec la même rigueur. Elle est en effet susceptible d’être tempérée par un mécanisme préventif ou a posteriori permettant au juge d’en relever le poursuivant.

C’est naturellement de l’usage que les JEXI feront de ce pouvoir que découleront les limites de l’analogie.

Les seuls exemples connus se rapportent à l’hypothèse dans laquelle le poursuivant ne requiert pas l’adjudication à la date fixée dans le jugement d’orientation. Il ne s’agit naturellement jamais d’un oubli mais d’un propos délibéré découlant soit de la prise en compte de l’aléa découlant de l’appel pendant dudit jugement, soit d’un accord d’échelonnement dont le régime ancien permettait de contrôler le respect par la menace d’une reprise des poursuites interrompues. La Cour de cassation avait certes encadré cette dernière pratique en imposant de sommer itérativement le débiteur d’assister à l’audience pour laquelle la publicité était relancée et en imposant la motivation spéciale des dires tendant à la prorogation de validité des commandements expropriatifs. L’appel des contestations avait en outre, en droit ou de fait suivant leur nature, un effet suspensif de l’adjudication.

Tout a changé sur ce terrain. La saisie est un train dont le créancier peut siffler le départ sans pouvoir ensuite en ralentir la course sauf à le faire irrémédiablement dérailler. Il découle nécessairement de l’article 7 du décret et de la dissociation qu’il opère entre le traitement des contestations et demandes incidentes et le cours de la procédure que l’appel du jugement d’orientation ne constitue pas une cause de report de l’adjudication.

C’est ce qu’a estimé la Cour d’appel d’Aix en un arrêt récent (CA Aix-en-Provence, 15ème Ch. A, 2 Novembre 2007, Holmstom c/ France, Juris-data n°2007-345626) et commenté (Anne Leborgne, Sem. Jur. Ed. G n°51, 19 Décembre 2007) dont l’intérêt est d’autant plus grand qu’il écarte successivement l’application de l’article 1244-1 du code civil invoqué par le saisi, et la violation alléguée de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme pour rappeler que l’appel du jugement d’orientation n’a aucun caractère suspensif et juger qu’il ne constitue ni le motif légitime de l’article 12 du décret permettant au créancier d’être relevé de la caducité prévue à l’article 60, ni la force majeure susceptible de fonder le report d’adjudication prévu à l’article 61 du même décret.

Il n’est probablement pas inutile de rappeler qu’aux termes des articles 50 et 53 du décret du 27 Juillet 2006, indiscutablement contraires au droit commun du JEX et à la faculté qui lui est offerte de faire application de l’article 1244-1 du code civil, la procédure de saisie immobilière ne peut être suspendue qu’en raison d’une situation de surendettement ou pour la mise en œuvre d’une vente amiable (TGI Bobigny 29 Mai 2007, NACC c/ Marchino, n° 07/02064).

L’abrégement du délai de péremption du commandement (3 ans dans le régime ancien et 2 dans le nouveau) comme l’impossibilité d’en proroger les effets viennent tordre définitivement le cou d’une approche laxiste de l’introduction ou du suivi de la saisie.

En revanche et fort heureusement, la péremption du commandement n’a plus pour conséquence inéluctable d’empêcher la publication de l’adjudication survenue avant qu’elle ne soit acquise, pour autant qu’elle s’opère avant toute contestation (art. 34 du Décret), alors qu’auparavant, une telle irrégularité ne pouvait être couverte.


LE REGIME DES VOIES DE RECOURS :

C’est sur ce terrain que la pratique révèle les changements les plus radicaux et que se vérifie une effective et parfois impressionnante accélération de la réalisation forcée.

Aux termes de l’article L 311-12-1, devenu L 213-6, du Code de l’organisation judiciaire, compétence exclusive est donnée au Juge de l’exécution en matière de saisie immobilière.

L’article 1er du décret du 27 Juillet 2006 dispose quant à lui que la procédure est régie par les dispositions du décret du 31 Juillet 1992 qui ne lui sont pas contraires.

Il en découle que les jugements rendus en la matière, et tout particulièrement le jugement d’orientation, bénéficient de l’exécution provisoire de droit (alors que le régime ancien ne connaissait que l’exécution provisoire ordonnée, à laquelle le juge des criées ne recourait que très exceptionnellement).

Il en découle également que l’appel, comme précisé en toute hypothèse à l’article 8 du même décret du 27 Juillet 2006, s’interjette par déclaration d’avoué au greffe de la Cour dans les 15 jours de la notification.

L’article 31 du décret du 31 Juillet 1992 organisant l’arrêt de l’exécution provisoire des décisions du JEX frappées d’appel a-t-il alors vocation à s’appliquer ?

On serait tenté de répondre négativement en ce qu’un tel dispositif est de nature à contrarier l’objectif assigné à la réforme (accélérer la réalisation du bien saisi), et peut ne pas s’accorder avec l’article 7 du décret du 27 Juillet 2006 (l’examen des contestations et des demandes incidentes ne suspend pas le cours de la procédure).

La jurisprudence actuellement connue n’est cependant pas en ce sens qui met néanmoins à néant ce qui pouvait être, tant pour le créancier hésitant que pour le débiteur désireux de retarder la vente par hypothèse ordonnée, un excellent moyen de temporiser.

Il pouvait même se révéler d’une redoutable efficacité dilatoire dans le cas d’un usage pervers de l’effet suspensif attaché à la simple saisine du Premier Président.

Beaucoup ont imaginé astucieux de la différer jusqu’à quelques jours de la date fixée pour l’adjudication et certains ont cédé à la tentation. C’était sans compter sur la jurisprudence déjà ancienne selon laquelle, bien que le texte ne comporte pas une telle restriction, échappent au sursis à exécution les décisions qui statuent sur des demandes dépourvues d’effet suspensif, à moins qu’elles n’ordonnent la mainlevée d’une mesure (cass. Civ. 2ème, 15 Décembre 1996). La Cour d’appel d’Aix-en-Provence en fait régulièrement application en « droit commun » de l’exécution (cf pour une illustration en matière de référé 1er Président consécutif à l’appel d’un jugement du JEX rejetant la contestation de validité d’un commandement avant saisie-vente : ordonnance du 30 Novembre 2007, rôle 07/00489, Riccobono / Hidoux) qui précise que, dés lors qu’il n’y a pas lieu à référé, l’assignation n’a elle-même pas d’effet suspensif.

Elle a inauguré l’application de cette solution en matière de saisie immobilière et s’y tient au motif que l’article 7 du décret du 27 Juillet 2006 exclut de reconnaitre aux contestations et demandes incidentes formées devant le JEXI un caractère suspensif (cf Aix-en-Provence, 13 Décembre 2007, SLB / Zubanovic ou encore 6 Février 2008, Bernard c/ CCF, n° 08/00062 ou encore 13 Février 2008 n° 08/00070 MAHIEU /CECAZ). Il découle de cette jurisprudence que la demande d’autorisation de vendre à l’amiable constitue une demande incidente au sens de l’article 7 précité.

Il ne s’en infère en revanche pas que l’article 31 ne trouve jamais à s’appliquer. Le premier exemple d’une probable occurrence venant à l’esprit serait celui de la saisine du Premier Président parallèlement à l’appel d’un jugement du JEXI ordonnant radiation du commandement valant saisie au fichier immobilier. Du côté du saisi, l’imagination est davantage mise à contribution. Peut-être faudra-t-il attendre l’appel d’un jugement du JEXI écartant la suspension des poursuites bénéficiant à un débiteur déclaré éligible au dispositif de désendettement des rapatriés (cf sur le sujet Ph. BARBIER et J. TURNER : « Le décret du 22 Novembre 2006 ou la mise en conformité du dispositif de désendettement des rapatriés avec la Convention Européenne des Droits de l’Homme », doc. URL «www. Eurojuris.fr » et Var Information).

Reste à savoir ce que sera la position de la Cour appelée à statuer au fond sur l’appel d’un jugement d’orientation rejetant une demande d’autorisation de vente amiable alors que l’adjudication est entretemps intervenue. Si l’appel tend exclusivement à la réformation du rejet susvisé, la Cour devrait constater qu’il est devenu sans objet.


LES EFFETS DE LA VENTE :

Amiable ou par adjudication, elle demeure judiciaire et emporte purge pour autant que prix et frais taxés aient été réglés.

En cas de vente amiable qu’il a autorisée, le JEXI le vérifiera a priori, avant de rendre un jugement constatant la vente et ordonnant la radiation des inscriptions (cf pour l’annulation d’une vente passée au mépris de la procédure : TGI Boulogne s/ mer 14 Décembre 2007, Financière Régionale de Crédit Immobilier du Nord Pas de Calais c/ Bournisien, N° 07/01996). L’intervention du Notaire est ainsi ponctuelle, réduite à la rédaction d’un acte authentique aux conditions fixées dans le jugement d’orientation. Il n’est en aucune façon séquestre du prix ni des frais et doit adresser le tout à l’avocat poursuivant, généralement désigné séquestre répartiteur dans le cahier des conditions de vente.

En cas d’adjudication, le contrôle s’opère a posteriori à peine de réitération des enchères aux frais et risques de l’adjudicataire défaillant, ce dans des conditions reprises de l’ancienne folle enchère. Si l’adjudication transmet immédiatement la propriété du bien à l’adjudicataire, ce dernier ne peut cependant jusqu’au paiement des frais taxés et du prix accomplir aucun acte de disposition ni constituer sur le bien d’autre sureté que celle garantissant le remboursement du prêt contracté pour l’acquisition. Ce n’est que sur la justification de l’acquit des frais que l’adjudicataire recevra du Greffe son titre de propriété.

Simplification oblige, le jugement d’adjudication vaut en lui-même titre d’expulsion contre le saisi dés la consignation du prix et des frais taxés.

La surenchère du 10ème s’opère par avocat du ressort dans les 10 jours (et non 15 comme dans le texte initial) et donne lieu comme par le passé à une remise en vente sur nouvelle publicité et mise à prix surenchérie. L’article 95 du décret impose à l’avocat surenchérisseur d’attester s’être fait remettre par son mandant un chèque de banque ou une caution bancaire du 10ème du prix d’adjudication. Le JEXI de Bobigny statuant sur une contestation de validité de surenchère fondée sur l’imprécision de l’attestation a estimé que s’il était souhaitable que soient précisés l’établissement émetteur et le numéro du chèque de banque, l’absence de ces mentions ne permettait pas de remettre en cause l’effective détention du chèque de banque requis et n’emportait donc pas nullité de la surenchère (TGI BOBIGNY, 8ème Ch, 8ème section, 4 Décembre 2007, N°07/15111).
On ne devra probablement pas s’arrêter à la lettre du texte de l’article 98 al. 1er qui dispose que la publicité de la revente s’opère à la diligence du surenchérisseur pour en déduire que le poursuivant doive nécessairement se dessaisir. Le texte doit s’interpréter à la lumière de la pratique comme destiné à vaincre l’éventuelle inertie du poursuivant.


LA DISTRIBUTION DU PRIX DE REALISATION DE L’IMMEUBLE :

Exit le Juge aux ordres, qu’il s’agisse des adjudications mais aussi des ventes amiables soumises au nouveau régime et encore des adjudications soumises au régime ancien n’ayant pas donné lieu à l’ouverture d’un ordre avant l’entrée en vigueur de la réforme.

Il est remplacé par le tandem que constituent l’avocat poursuivant, séquestre répartiteur généralement désigné dans le cahier des conditions de vente (ou sur requête par le JEXI dans la dernière hypothèse) et le JEXI.

Le premier établit et dépose au greffe 15 jours avant l’audience de vente et à peine de nullité un « état ordonné des créances » (pour une caducité de la procédure à défaut : TGI Versailles, 28/11/2007 SCI La Foret c/ GE MONEY BANK, n° 2007/50). Il le dresse sur le vu des déclarations de créance déposées par les avocats constitués des créanciers inscrits.

Passée l’adjudication ou la vente définitive, il somme les créanciers d’actualiser leurs créances et dresse un projet de distribution qu’il leur notifie à charge de régler amiablement en les réunissant les contestations qui s’élèvent en réponse. Le JEXI ne sera saisi qu’ensuite, soit pour trancher les difficultés non résolues, soit pour donner force exécutoire à l’accord pris.

C’est dans cette perspective de répartition que s’inscrit le débat opposant pour l’heure non les créanciers poursuivants et les débiteurs mais plus souvent les premiers au JEXI quant à la portée de l’article 51 du décret du 27 Juillet 2006 disposant : « Le jugement d’orientation mentionne le montant retenu pour la créance du poursuivant en principal, frais, intérêts et autres accessoires ».

Si fixer le montant d’une créance constitue à coup sûr un acte juridictionnel, en va-t-il de même s’agissant de le « mentionner », fut-ce en un jugement ? Il est patent que la terminologie est intentionnelle alors que le vocabulaire était jusqu’ici calqué sur celui relevé dans les textes relatifs à la vérification du passif en procédure collective. Les créanciers inscrits doivent « déclarer » leur créance et peuvent être « relevés » de caducité au cours du processus qui va s’achever par l’établissement du projet de distribution. On est donc tenté de n’y voir qu’un acte préparatoire, révélateur d’un simple contrôle minimum auquel le poursuivant serait soumis de la part du JEXI alors que son conseil va se trouver investi du pouvoir de collationner, ordonner et vérifier les créances déclarées par les autres créanciers s’il en est. Le JEXI doit par ailleurs vérifier, à l’audience d’orientation, que les conditions de la saisie immobilières sont bien réunies : une créance liquide et exigible portée par un titre exécutoire (l’arrêt de réformation d’une condamnation honorée comme exécutoire provisoirement en est un : TGI Aix-en-Provence 21 Janvier 2008 n° 07/06441, CEPAP c/ Roger) .

Le JEXI du TGI de Bobigny s’est estimé investi d’un pouvoir de fixation même en l’absence de contestation en fondant son analyse sur les termes « montant retenu » (10 Juillet 2007, GE Money Bank c/ Koloko, n° 07/06131).

En un arrêt du 14 Février 2008, la Cour d’appel de Paris amorce une solution contraire et pragmatique (8ème B GE MONEY BANK / Rahman, comm. G-A SILLARD sur le site AAPPE). En l’absence de contestation, le JEXI ne peut d’office réduire le montant de la créance du poursuivant dont la mention doit en revanche figurer dans le dispositif du jugement d’orientation (ce que la banque critiquait également) dés lors que l’autorité de la chose jugée s’y attache exclusivement. Il s’agit donc bien d’un acte juridictionnel et le dispositif en rendant compte aura autorité de chose jugée. La question vient nécessairement à l’esprit : jusqu’à quel point ? Est-ce à dire que l’audience d’orientation purge toute contestation du quantum de la créance du poursuivant alors même que, comme c’est le cas en l’espèce, aucune contestation n’a été élevée que le JEXI aurait eu à trancher ? Ce serait aller bien vite en besogne au regard des conditions et limites connues de l’autorité de la chose jugée.

Mais s’il y a contestation, le JEXI doit-il, contrairement à ce qu’il en était devant la chambre des criées qui laissait ce soin au juge aux ordres, faire le compte précis de la somme effectivement due ? Il semble bien que tel soit le cas sauf à renoncer en une telle hypothèse à apposer dans le jugement la mention imposée par l’article 51.

Les années à venir vont se révéler passionnantes tant elles permettront d’éprouver l’efficacité des choix opérés dans chaque ressort, et le plus souvent au terme d’une concertation mise en œuvre à l’échelle de celui de la Cour d’appel entre magistrats, greffiers, notaires et avocats spécialisés. Au terme d’une année d’application, le premier constat qui s’impose est celui de l’effective appropriation de ce nouvel outil par des utilisateurs qui n’avaient à tort ou à raison pas le sentiment que son concepteur ait été à leur écoute. L’absence d’évocation des conditions de la rémunération des missions nouvelles confiées à l’avocat parait cependant vénielle au regard de la confiance qui leur est ainsi manifestée.

Liens- Voir l'article de Philippe BARBIER sur : "Comment acheter un bien immobilier aux enchères publiques?"
- Procédure
- Décret du 27 juillet 2006
- Décret du 31 juillet 1992
- Nouveau code de procédure civile
- Code de l'organisation judiciaire
- Le juge de l'exécution (JEX) Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

BARBIER Philippe
Avocat Associé
BARBIER, Invités permanents : anciens présidents
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