Licenciement pour inaptitude

Licenciement pour inaptitude : le manquement à l’obligation de sécurité ayant conduit à l’inaptitude est imprescriptible

Publié le : 12/09/2024 12 septembre sept. 09 2024

Si la Cour de cassation décide de manière constante que le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsque celle-ci trouve sa cause dans un manquement préalable de l’employeur à son obligation de sécurité, elle ne s’était encore jamais prononcée sur le point de départ du délai de prescription imparti au salarié pour invoquer ce moyen, au soutien de la contestation de son licenciement. 
C’est donc à cette question que la Chambre sociale a répondu pour la première fois dans son arrêt en date du 24 avril 2024 (Cour de cassation, Chambre sociale, 24 avril  2024, N°22-19.401), dans un cas d’espèce où une salariée avait été placée en arrêt de travail le 20 février 2013, puis déclarée inapte à l’issue d’une visite de reprise en date du 5 octobre 2015 avant d’être licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 23 décembre suivant. 

Estimant que son inaptitude avait pour cause un manquement de son employeur à son obligation de sécurité, ayant consisté à l’exposer au port de charges lourdes, sans matériel ni suivi adaptés, et à des cadences de travail excessive, cette salariée avait saisi le Conseil de prud’hommes de la contestation de son licenciement en date du 18 mai 2016. 

Pour déclarer ses demandes à ce titre irrecevables car prescrites, la Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE avait toutefois retenu qu’il convenait de fixer le point de départ du délai de prescription de cette action en contestation au jour de l’arrêt de travail initial, soit le 20 février 2013, étant précisé que le délai alors applicable était de deux ans, l’article L. 1471-1 du Code du travail ne distinguant pas, à l’époque des faits entre les action portant sur l’exécution du contrat de travail, et celles relatives à sa rupture. 

Cette analyse des juges d’appel a néanmoins été censurée par la Chambre sociale, laquelle a d’abord rappelé sa jurisprudence constante, aux termes de laquelle « le point de départ du délai de prescription de l’action en contestation du licenciement pour inaptitude est la date de notification du licenciement », avant d’énoncer que « lorsqu’un salarié conteste, dans le délai imparti, son licenciement pour inaptitude, il est recevable à invoquer le moyen selon lequel l’inaptitude est la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ». 

En définitive, il résulte de cet arrêt que dès lors que le salarié a contesté son licenciement dans le délai imparti (aujourd’hui douze mois) à compter de la notification de son licenciement, il peut valablement invoquer les manquements de son employeur ayant provoqué son inaptitude, et ce peu importe la date à laquelle ces manquements seraient intervenus. 

En d’autres termes, cette décision revient à donner un caractère imprescriptible aux manquements de l’employeur ayant conduit à l’inaptitude du salarié. 

En effet, seul compte le délai de contestation du licenciement, peu important que le salarié ait eu connaissance du manquement commis par son employeur dès son arrêt de travail initial. 

Un tel raisonnement s’explique par le fait que si les manquements de l’employeur devaient commencer à se prescrire au jour où le salarié en a eu connaissance, cela reviendrait à tenir en échec la jurisprudence selon laquelle le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsque l’inaptitude est consécutive à un manquement de l’employeur, puisque le plus souvent l’avis d’inaptitude n’a pas encore été rendu. 

C’est donc une décision emprunte de pragmatisme qui a été rendue par la Chambre sociale, mais néanmoins lourde de conséquences pour l’employeur. 


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Eloïse GRAS-PERSYN
Avocate
CORNET VINCENT SEGUREL LILLE
LILLE (59)
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