Diagnostic immobilier

Diagnostic de performance énergétique (DPE) erroné : quelles sanctions ?

Publié le : 16/01/2020 16 janvier janv. 01 2020



 

​L’accumulation de diagnostics techniques nécessaires pour vendre ou louer due au principe de précaution a chargé les transactions d’une lourdeur monotone.
Les années 2000 et suivantes ont vu fleurir en sus des précédents diagnostics celui de performance énergétique à la suite d’une prise de conscience tardive du gaspillage d’énergie causée par les passoires thermiques qu’étaient (et sont encore) de nombreux logements. 

Une ordonnance du 8 juin 2005 a quand même créé un dossier de diagnostics les regroupant tous, y compris ceux à venir (mérules par exemple) ce qui ne les rend pas homogènes pour autant.

Le diagnostic de performance énergétique :

Tous les diagnostics sont énumérés à l’article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation (CCH).

Celui de performance énergétique a été rajouté au Code de la Construction et de l’Habitation qui recense toutes les obligations de diagnostics et leurs sanctions par l’article L. 134-1 dudit code qui prescrit quel est le but et le contenu de ce document, un article L. 134-3 qui impose de joindre le diagnostic à toute vente et de le présenter à tout candidat à un achat ou une location et un article L. 134-3-1 qui prescrit qu’il soit joint à tout contrat de location : législation peu logique.

Un arrêté du 21 septembre 2007 précise les éléments que dit comporter le diagnostic :
L'identification de la maison et sa surface habitable, un descriptif des principales caractéristiques thermiques et géométriques de la maison et de ses équipements énergétiques, y compris les équipements utilisant des énergies d'origine renouvelable produites par les équipements installés à demeure ; les quantités annuelles d'énergies finales nécessaires au chauffage, à la production d'eau chaude sanitaire et au refroidissement calculées suivant une utilisation standardisée de la maison, diminuées de la quantité d'énergie électrique produite à demeure ; la quantité annuelle indicative de gaz à effet de serre émis dans l'atmosphère du fait des quantités d'énergies finales pour le chauffage, l'eau chaude sanitaire et le refroidissement des locaux ; et, encore, la part de la quantité d'énergie primaire d'origine renouvelable produite par les équipements installés à demeure.

On notera que le document recommandera à l'occupant du logement l'installation d'un équipement produisant de l'énergie d'origine renouvelable.

A noter que le 15 mai 2008 un décret a supprimé l’obligation pour la location d’une liste de biens non destinés à l’habitation ou à foyer ouvert (R. 134-1 modifié).

En revanche les copropriétés sont soumises à l’obligation d’établissement d’un tel diagnostic de plus de cinquante lots et dans les bâtiments équipés d’un chauffage collectif (L. 134-4-1 CCH).

Mais par contre le diagnostic doit être affiché à l’intention du public par le propriétaire ou le gestionnaire de certains bâtiments (art. L. 134-4 et R. 134-4-1 du CCH qui indique ces bâtiments) avec une amende administrative de 1.500€ maximum. 

Le diagnostiqueur doit répondre aux conditions prévues par l’article L. 271-6 du même code auxquels il faut se reporter car ce n’est pas le sujet de cet article. 

Quant à la durée de validité elle est fixée à dix ans par R. 134-4-2.

La nature du diagnostic :

Mais quelle est la nature de ce diagnostic ? Est-il contraignant ? Donne-t-il des prescriptions de travaux à faire ? A qui est-il destiné ?
C’est ce qu’il faut voir avant d’aborder la sanction.

Il s’agit (pour le moment voir ci-dessous) d’un document informatif seulement qui comporte des indications, un classement dans une grille et de simples recommandations (R. 134-2 CCH et article 3-3 de la loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs). Voir à ce sujet : « La faute du diagnostiqueur immobilier par-delà la norme » par Ségolène Ringler, Maître de Conférences en droit privé à l’Université de Valenciennes et du Haut-Cambrésis, (Lexbase Hebdo Edition privée n° 716 du 19 octobre 2017 : Responsabilité) : « Cette solution ne s’étend pas au diagnostic performance énergétique erroné ou encore au contrôle des installations d’assainissement qui ont seulement vocation à informer sur la qualité de l’immeuble. »

Informatif c’est le cas également pour l’article celui L. 111-6-2 du CCH) qui se borne à énoncer de façon laconique, que les mises en copropriété d’immeubles datant depuis plus de quinze ans doivent faire l’objet d’un diagnostic portant sur l’état apparent de l’immeuble. 

Le diagnostic est remis au vendeur et au locataire et mis à disposition de tout candidat acheteur ou locataire mais il doit aussi être envoyé à l’ADEME : Agence de maîtrise de l’environnement et de l’énergie), aux collectivités territoriales et à l’Agence nationale de l’Habitat.

La nécessité d’information et de protection des acquéreurs et locataires aurait pu faire penser à une simplification de la législation avec l’instauration de sanctions pénales et/ou civiles similaires en cas de défaut ou d’erreur d’un diagnostic, mais la spécificité de l’objet de chacun a fait incliner vers un renvoi vers la jurisprudence de cette tâche.

Dans notre cas la DGCRF peut infliger 300.00€ d’amende et deux ans de prison maximum ce qui peut être dissuasif. L’agent immobilier encourt lui une amende de 1.500€.

Le Dpe doit figurer dans toute annonce immobilière et si l’annonce ne le comporte pas le service des fraudes peut le relever auquel cas la sanction du chef de publicité de nature à induire en erreur est de deux ans de prison maximum et 37.500€ d’amende. 

Au plan civil peut-il y avoir dol de l’article 1116 du code civil : la question est celle de la preuve de l’intention frauduleuse.

Les fluctuations de la jurisprudence civile et l’étude des demandes et arguments des acquéreurs ou locataires « victimes » de diagnostics erronés seraient fastidieux et trop longs à énumérer ici mais le droit civil de la responsabilité est assez riche pour avoir permis de trouver des solutions.

Quelle sanction si le diagnostic n’est pas fourni ?

D’abord le non-respect de l’obligation de fournir le diagnostic par le propriétaire vendeur entraine l’inapplicabilité de toute clause d’exonération en cas de vices cachés au moins pour les documents relatifs au risque d'exposition au plomb, la présence d'amiante, termites, l'état de l'installation intérieure d'électricité ou d'assainissement.

Ensuite pour d’autres diagnostics comme celui des risques naturels et technologiques on se tourne vers la résolution de la vente ou la diminution de prix

Enfin pour le diagnostic d’assainissement non-collectif s’il n’y pas conformité le nouveau propriétaire doit effectuer les travaux dans l’année de son acquisition (L. 271-4 CCH).

Mais la sanction peut, si les désordres constituent un vice caché, que le diagnostiqueur aurait dû déceler par des moyens correspondant à des règles de l’art allant au-delà des normes, consister en la réparation intégrale due par lui (travaux nécessaires à la mise en conformité). Cela a été jugé pour des termites et xylophages (Cass. Ch. Mixte,8 juillet 2015, n°13-26.686). Cela l’a été aussi pour l’amiante.

Le propriétaire qui s’est borné à transmettre le diagnostic n’est pas responsable et une clause d’exonération en cas de vices cachés reste applicable même si le diagnostic est erroné (Cass. civ. 3, 6 juillet 2011, n° 10-18.882). L’agent immobilier dans le même cas, non plus.

Quelle sanction si le diagnostic est erroné ?

La responsabilité du diagnostiqueur est engagée lorsque les diagnostics techniques sont erronés (parasites et termites, amiante, voire mérules)

Et la sanction peut être la réparation intégrale par la prise en charge des travaux nécessaires pour faire disparaitre les parasites ou l’amiante ou les mérules.

Pour le diagnostic de performance énergétique qui est informatif on ne peut envisager une elle solution ?

Reste que s’il faute il y a et lien de causalité démontré le préjudice consiste bien en une perte de chance à évaluer (l’acquéreur n’aurait pas acheté ou le locataire n’aurait pas loué).

La cour de cassation l’a jugé le 20 mars 2013 en première chambre (n° 12-14711) : « ... alors que les conséquences d’un devoir d’information et de conseil ne peuvent s’analyser qu’en une perte de chance dès lors qu’il n’est pas certain que mieux informé, le créancier ce l’obligation d’information se serait trouvé dans une situation différente et plus avantageuse, la cour d’appel, qui n’a pas recherché si mieux informé les époux V. auraient renoncé à acquérir le bien litigieux ou l’auraient acquis à ces conditions plus avantageuses, n’a pas donné de base légale à sa décision ».

Cela tranche avec la condamnation à réparation et travaux qui est généralement prononcée en matière de parasites et termites et d’amiante (mérules aussi).

Mais un arrêt du 21 novembre 2019 de la 3° chambre de la Cour de cassation (18-23251) reprend cette sanction en confirmant le caractère informatif du diagnostic de performance énergétique : « Mais attendu que, selon le II de l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation, le DPE mentionné au 6° de ce texte n'a, à la différence des autres documents constituant le dossier de diagnostic technique, qu'une valeur informative ; qu'ayant retenu que M. G... avait commis une faute dans l'accomplissement de sa mission à l'origine d'une mauvaise appréciation de la qualité énergétique du bien, la cour d'appel en a déduit à bon droit que le préjudice subi par les acquéreurs du fait de cette information erronée ne consistait pas dans le coût de l'isolation, mais en une perte de chance de négocier une réduction du prix de vente. »

Il n’est pas question de condamner le diagnostiqueur fautif et son assureur au coût des travaux nécessaires pour assurer une bonne isolation thermique.

Au passage notons qu’une bonne sanction de mauvaise performance énergétique consiste en matière de bail, depuis le décret 2019-802 du 26 juillet 2019 pris en application de l’article 18 la loi du 6 juillet 1989, à soumettre la possibilité d’augmentation du loyer à la réalisation de travaux aboutissant à une consommation énergétique inférieure à 331 KWh par m2 et par an (article 3 du décret modifiant l’article 7 en rajoutant en son article 3 modifiant l’article 7 de la loi un 3°).

Mais cela est le seul droit positif car la règlementation va changer.

Vers un durcissement de cette sanction ?

La législation va se durcir au niveau de l’obligation du diagnostic, de l’effet et cela influera sur la sanction.

En effet, la loi du 23 novembre 2018 supprime le caractère informatif du DPE pour rendre ses informations opposables au vendeur et au bailleur à partir du 1er janvier 2021.

Par ailleurs, la loi du 8 novembre 2019 prévoit d'accompagner le DPE d'un audit énergétique pour les logements ayant une consommation énergétique d'au minimum 331 kilowattheures par m² et par an, à partir du 1er janvier 2022.
 
Contenu opposable veut dire que le propriétaire vendeur ne pourra s’exonérer des vices cachés et que le propriétaire loueur sera également sanctionné par la nullité du bail.
Contenu opposable veut dire responsabilité du diagnostiqueur en cas d’erreur et donc réparation intégrale comme à l’heure actuelle pour les termites et l’amiante par exemple. 


Cet article n'engage que son auteur.
 

Auteur

PROVANSAL Alain
Avocat Honoraire
Eklar Avocats
MARSEILLE (13)
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