Quelles fautes peuvent entraîner une responsabilité médicale?

Quelles fautes peuvent entraîner une responsabilité médicale?

Publié le : 05/08/2009 05 août août 08 2009

La loi du 4 mars 2002 a repris l’héritage du droit positif antérieur en posant en principe que les professionnels de santé « ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic et de soin qu’en cas de faute ».

Nature et contours de la faute médicaleLa loi du 4 mars 2002 a repris l’héritage du droit positif antérieur en posant en principe dans le nouvel article L1142-1-I du Code de la Santé Publique, que les professionnels de santé « ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic et de soin qu’en cas de faute ».

Elle met également en place une procédure d’indemnisation de l’aléa thérapeutique qui remédie à un vide législatif dont l’absence conduisait les victimes, du seul fait de l’obtention du résultat attendu par le patient, à rechercher systématiquement la responsabilité du médecin pour tenter d’obtenir l’indemnisation d’un dommage causé exclusivement par un cas fortuit .

Ce vide législatif était de nature à multiplier les recours et favorisait la création d’une jurisprudence élargissant de façon extrême les conditions de mise en jeu de la responsabilité médicale.

Le législateur ne revient pas sur le droit positif antérieur en ce qu’il demeure attaché au principe d’une responsabilité médicale fondée sur la faute. Il definit les conditionds de la mise en jeu de la responsabilité du médecin pour la personne née avec un handicap dû à une faute médicale.

La mise en jeu de la responsabilité du médecin fondée sur la faute suppose toujours l’obligation de rapporter la preuve de la faute médicale et de sa une relation de cause à effet avec un préjudice.


1) La nature juridique de la faute

Faute contractuelle ou délictuelle ?

Les dispositions de l’arrêt de principe MERCIER rendu par la Cour de Cassation le 20 mai 1936 posent le principe d’une responsabilité contractuelle du médecin.

« il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant, pour le praticien, l’engagement, sinon (…) de guérir le malade (…) du moins de lui donner des soins consciencieux, attentifs, et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conforment aux données acquises de la science , (…) la violation, même involontaire, de cette obligation contractuelle est sanctionnée par une responsabilité de même nature, également contractuelle ».

Le législateur tend désormais à peu se soucier de la distinction entre une faute de nature contractuelle ou délictuelle puisque la loi du 4 mars 2002 ne donne aucune précision sur la nature de cette faute (les CRCI doivent seulement déterminer l’origine fautive ou non des dommages causés au patient afin d’orienter celui-ci vers la procédure adéquate en conformité avec les dispositions de l’article L1142-5 du Code de la Santé Publique).

De la même façon, la nature contractuelle de la faute est éludée par les tribunaux répressifs qui, depuis un arrêt de principe de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation en date du 15 juin 1923 (Cassation, criminelle 15 juin 1923 DP 1924, 1, page 135) le juge pénal ne peut faire application que des seules règles de la responsabilité délictuelle, même lorsqu’un contrat unissait le prévenu à la victime.

Il convient de rappeler pour mémoire la responsabilité délictuelle du médecin du travail ou de la sécurité sociale qui exerce son activité dans un cadre réglementaire et non conventionnel. La responsabilité de ce dernier est donc nécessairement délictuelle puisque aucun contrat médical n’a été conclu.

De la même façon, en application des principes du droit administratif, le médecin agent du service public hospitalier n’est en principe pas responsable personnellement des dommages causés au patient par sa faute, c’est la responsabilité de l’hôpital qui pourra seule être recherchée. La responsabilité du praticien ne sera engagée qu’en cas de faute personnelle détachable de ses fonctions.

Depuis, un important revirement de jurisprudence survenu le 9 novembre 2004 (Cassation, 1re Civile 9 novembre 2004 n°01-17.908, juris - data n°2004-025553) le médecin salarié de la clinique qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par l’établissement de santé privé, n’engage pas sa responsabilité à l’égard du patient.
Le praticien salarié bénéficie désormais, comme tout salarié, d’une immunité lorsqu’il reste dans le cadre de sa mission.

Le praticien libéral dispensant un acte médical en clinique demeure responsable de ses fautes( la Loi du 4 mars 2002 ne paraît pas remettre en question la jurisprudence de la Cour de Cassation considérant que le contrat unissant la clinique au patient englobe désormais tous les dommages résultant d’une exécution défectueuse des soins non médicaux et médicaux, sauf lorsque ces derniers sont dispensés par un médecin exerçant à titre libéral en son sein.)


Faute civile et (ou) faute Pénale

Toute infraction sanctionnée par le Code Pénal peut entraîner la responsabilité d’un médecin, notamment en cas d’omission de porter secours.

Les cas pratiques les plus fréquents sont cependant ceux résultant des atteintes involontaires à l’intégrité corporelle de la victime (homicide involontaire ou coups et blessures involontaires sanctionnés par les articles 221-6 du Code Pénal et 221-19 à 222-21 du même Code).

La responsabilité pénale du médecin devant une juridiction pénale ne peut être engagée désormais comme pour tout citoyen qu’en cas de « violation manifestement délibérée de l’obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par le loi ou le règlement » ou qu’en cas de « faute caractérisée et qui exposait, autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer » (Code Pénal article 121-3 al.4).

Ce texte a favorisé une atténuation de la rigueur de la jurisprudence pénale à l’égard des médecins.

La Cour de Cassation a rendu régulièrement des décisions censurant des juridictions du fond qui avaient engagé la responsabilité pénale des praticiens sur la base des anciens articles du Code Pénal définissant les délits non intentionnels (Cassation, criminelle 19 septembre 2000, juris-date n°2000-006305, juris-data n°2000-109780, juris-data n°2000-173044)

Le 10 janvier 2001, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation a cassé une décision de la Cour d’Appel de Versailles retenant la responsabilité d’un accoucheur du fait de négligences ayant entraînées le décès d’un enfant.

La Cour d’Appel de Paris a rendu un arrêt qui a été cassé au motif qu’il avait retenu la responsabilité pénale du chef du service des urgences du fait que ce dernier n’avait pas participé aux interventions médicales.

La Cour d’Appel de Nancy a été également censurée pour avoir retenu la responsabilité médicale d’un chef de service hospitalier pour le décès d’un malade survenu au cours d’un examen médical prescrit par le chef de service et exécuté par un interne

Les restrictions apportées à la mise en jeu de la responsabilité pénale des médecins sont le fruit de la rupture du principe d’unité de la faute civile et de la faute pénale mise en place par la Loi du 10 juillet 2000 stipulant qu’au terme du nouvel article 4-1 du Code de Procédure Pénale
« l’absence de faute pénale non intentionnelle au sens de l’article 121-3 du Code Pénal, ne fait pas obstacle à l’exercice d’une action devant les juridictions civiles afin d’obtenir la réparation d’un dommage sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil si l’existence de la faute civile prévue par cet article est établie ».

Ainsi, le juge civil, même en cas de relaxe du médecin, ne sera pas tenu par la décision pénale préalable et il devra apprécier la responsabilité du médecin sur le terrain de la responsabilité délictuelle pour faute.


2) Les contours de la faute :

Une Faute appréciée à la lumière des données acquises de la science à la date des soins :

Les données acquises de la science peuvent être entendues comme des données médicales avérées dont l’efficacité, face à la situation que rencontrent les médecins, a subi l’épreuve du temps

A la différence des données acquises, les données actuelles n’ont pas encore subi l’épreuve du temps. Les données sont celles qui existaient à la date des soins et les magistrats s’appuieront sur les observations d’un expert judiciaire pour définir des données acquises de la science à la date des soins prodigués (Cassation, 1re civile 19 décembre 2000 juris-date n°2000-007494 : responsabilité d’un chirurgien dentiste pour avoir posé une prothèse mobile à la place d’une prothèse fixe).

Les magistrats comparent le comportement de l’auteur de l’acte médical litigieux à celui qu’aurait du avoir un médecin normalement avisé, diligent et compétent placé dans la même situation.

Ces principes généraux étant posés, il convient de donner un aperçu à titre purement indicatif des fautes retenues par la jurisprudence pouvant entraîner une responsabilité médicale :


Faute pour manquement par le médecin au devoir d’information

La jurisprudence retient régulièrement la responsabilité du médecin lorsqu’il n’a pas informé le patient des risques de l’acte médical ou n’a pas sollicité son consentement et lorsqu’il est établi que le patient n’aurait pas accepté l’acte médical après avoir reçu cette information.

Il incombe au médecin, débiteur de cette obligation, de rapporter la preuve du respect de cette obligation, un simple un écrit ou une notice d’information ne suffit pas, il doit s’assurer des facultés de compréhension du patient et ce dernier devra prouver le lien de causalité entre ce défaut d’information et son préjudice

La violation des données acquises de la science peut intervenir à chacune des étapes de l’acte médical :


Faute de technique médicale dans l’élaboration du diagnostic

La définition du diagnostic proposé par Monsieur Emmanuel SAVATIER (fascicule 440-40 juris-classeur Responsabilité civile et assurance) peut être retenue par sa précision :

«Acte par lequel le médecin identifie une maladie déclarée, ou établit les risques de survenance d’une maladie à venir en fonction des prédispositions du patient ».


Le diagnostic prénatal

Selon l’article L2131-1 du Code de la Santé Publique « le diagnostic prénatal s’entends des pratiques médicales ayant pour but de détecter in utero chez l’embryon ou le fœtus, une affection d’une particulière gravité ».

L’erreur consiste souvent à déclarer sain un embryon en réalité porteur de la maladie génétique recherchée.

La mère aura alors le choix entre recourir à une Interruption Volontaire de Grossesse pour motif médical ou mener la grossesse à son terme en mettant au monde un enfant anormal. La Cour de Cassation a retenue la responsabilité du médecin qui n’avait pas prescrit, chez une femme enceinte, un examen de dépistage de la rubéole (Cassation, 1re civile 16 juillet 1991) ou qui a tardé à prescrire cet examen.

La faute peut également consister à ne pas avoir prescrit une échographie morphologique au cours de la période comprise entre la vingtième et la vingt-quatrième semaine de la grossesse.
Elle peut également consister à prescrire un examen alors que le respect des données acquises de la science impose de s’abstenir d’une telle prescription.

Dans trois arrêts rendus le 13 juillet 2001, l’assemblée plénière de la Cour de Cassation a approuvé les juges du fonds d’avoir retenu une faute de technique médicale dans la pratique et l’interprétation d’échographies qui n’avaient pas été menées conformément au données acquises de la science et n’avaient pas permis de déceler les anomalies dont étaient atteint le foetus (Cassation 13 juillet 2001, juris-data n°2001-010621, 01062,010623).

Les magistrats apprécient l’existence ou non d’une faute en fonction des moyens techniques dont disposait le médecin à l’époque de l’examen échographique.

La faute commise lors du diagnostic prénatal qui n’a pas décelé l’affection dont souffre le fœtus va entraîner un préjudice pour les parents qui doit être différencié du préjudice dont souffre personnellement l’enfant.

L’article 1 de la Loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades, exige dans ce cas pour qu’il y ait réparation, l’existence d’une faute technique médicale caractérisée qui doit être appréciée par les tribunaux ,il stipule que :

«.Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance.
La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé ,ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer .

Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. »

La jurisprudence PERRUCHE antérieure à la loi du 4 mars 2002 a privé l’enfant de la possibilité d’obtenir réparation du préjudice consistant dans le fait de naître handicapé.

Il est probable que l’enfant ne puisse obtenir en cas d’action en responsabilité que l’indemnisation du préjudice résultant de l’absence de sois ou de traitement dont il aurait pu bénéficier in utero s’il parvient à prouver que ces soins in utero pouvaient lui procurer le bénéfice d’une absence ou d’une atténuation de son handicap.


La faute commise lors de l’établissement d’un diagnostic postnatal

Chaque cas doit être apprécié dans le contexte dans lequel il s’est déroulé et la jurisprudence fournit de nombreux exemples :

Certains auteurs proposent de différencier la faute qui même légère est source de responsabilité de l’erreur dont la commission n’engendre aucune responsabilité. Cette frontière est particulièrement difficile à mettre en évidence.

La faute est écartée si l’état comateux du patient rendait dangereuse des investigations radiographiques qui auraient permis de détecter la fracture des vertèbres cervicales.

De la même façon, l’erreur du diagnostic peut être considérée comme non fautive lorsque les symptômes peuvent être confondus avec ceux d’une autre affection, lorsque la pathologie est très évolutive de sorte qu’elle ne pouvait être diagnostiquée le jour de l’examen radiographique (Cassation, 1re civile 22 janvier 2002, juris-data n°2002-012743).

Le plus souvent la faute est retenue par la mise en œuvre de moyens d’investigation insuffisants ou lorsque le médecin n’a pas veillé à s’entourer de l’avis éclairé d’autres médecins, si possible spécialisés dans le domaine considéré (par exemple :

- responsabilité d’un médecin confronté à un patient atteint de douleurs thoraciques et ne faisant pas appel à un cardiologue susceptible de diagnostiquer un infarctus du myocarde (Cour d’Appel Pau 16 octobre 1996, juris-data n°1996-045736)

- responsabilité d’un laboratoire d’analyses médicales qui, chargé d’un test de confirmation d’une contamination au VIH a conclu à tort à une contamination et qui a été condamné à réparer le préjudice moral subi par le patient et sa famille En revanche, le médecin qui avait suivi pendant trois ans le patient, sans remettre en cause le diagnostic de contamination n’a pas vu sa responsabilité engagée (Cour d’appel Paris 28 février 2002, juris-data n°2002-10171806).


La faute dans le choix du traitement

Si le médecin jouit d’une grande liberté dans le choix du traitement mis en œuvre, cette liberté est donnée sous la seule réserve de respecter les données acquises de la science.

Les prescriptions non conformes à l’état de santé du patient sont régulièrement sanctionnées :

• application d’un simple antiseptique sur une blessure infectée alors que le patient était exposé au risque de tétanos compte tenu de sa profession d’horticulteur,
• retard dans la pratique d’une hystérectomie alors qu’une hémorragie utérine massive était déclarée depuis plus d’une demi-heure,
• prescription d’un antalgique à une patiente souffrant d’une péritonite,
• pratique tardive d’une césarienne en présence de souffrances fœtales constatées au cours d’un accouchement provoqué,
• prescription d’une cœlioscopie pour dresser un bilan de stérilité secondaire alors qu’il s’agit d’un acte présentant un risque de décès en raison de la morphologie de la patiente,
• utilisation d’une méthode de réanimation totalement insuffisante par simple ventilation au masque pour traiter un nouveau né en état de mort apparente,…

La faute dans la prescription d’un médicament peut être retenue avec la précision que le médecin peut être amené à prescrire un médicament dépourvu d’autorisation de mise sur le marché en France, mais qui pouvait être prescrit compte tenu de « l’opinion de la communauté scientifique internationale ».


La Faute dans la réalisation de l’acte médical

La faute peut résulter d’une erreur sur l’objet de l’intervention (erreur sur la partie du corps à opérer, opération de l’oreille droite du patient alors que le patient souffrait de l’oreille gauche, erreur sur la personne du fait d’une interversion de dossiers,…).

Il convient de se pencher plus particulièrement sur les conséquences dommageables d’un geste chirurgical.

De façon traditionnelle, la Cour de Cassation avait fait preuve d’une extrême rigueur dans l’appréciation du geste chirurgical qui doit être accompli d’une manière quasi parfaite.

Dans deux arrêts en date du 23 mai 2000, la Cour de Cassation a posé le principe que le chirurgien ne peut s’exonérer de sa responsabilité que s’il prouve que le dommage était inévitable en raison d’une particularité physique du patient. (responsabilité d’un chirurgien au cours d’une opération du genou qui a sectionné l’artère poplité de sa patiente et responsabilité d’un stomatologiste qui avait au cours de l’extraction d’une dent de sagesse, provoqué un traumatisme du nerf sublingual.

De la même façon, alors que la première chambre civile jugeait en cas de lésion d’un organe, d’une artère ou encore d’un nerf lors d’une intervention chirurgicale que « toute maladresse d’un praticien engage sa responsabilité était, par la même, exclusive de la notion de risque inhérent à un acte médical (Cassation, 1re civile 30 novembre 1997, juris-data n°1997-003765)

Ces décisions pouvaient s’expliquer par compassion envers les victimes privées de l’absence de prise en charge par la collectivité de l’indemnisation des accidents médicaux non fautifs.

Depuis la Loi du 4 mars 2002, il existe désormais un assouplissement de la jurisprudence qui a tendance à exclure la faute au profit d’une prise en compte plus fréquente de l’aléa thérapeutique .

Plusieurs décisions considèrent que la lésion d’un organe voisin de celui opéré relève de l’aléa thérapeutique et excluent de ce seul fait l’indemnisation du patient sur le terrain de la responsabilité (lésion du nerf récurant lors de l’ablation d’un nodule situé sur la glande tyroïde relevant d’un aléa thérapeutique exclusif de la faute, Cassation, 1re civile 13 novembre 2002, juris-data n°2002-016297 ou perforation de l’utérus et du rectum au cours d’une hystérocopie faisant partie de l’aléa thérapeutique (Cour d’Appel Poitiers 8 octobre 2002, juris-data n°2002-187437)

De même, le 29 novembre 2005, la Cour de Cassation (juris-data n°2005-031018) a approuvé une Cour d’Appel d’exonérer un chirurgien de toutes responsabilité alors que lors d’une intervention sous endoscopie réalisée sur le canal carpien d’une patiente présentant une anomalie, l’atteinte du nerf sectionné pouvait être considérée comme inévitable en l’absence d’erreur, manque de précaution ou d’imprudence du praticien.

Un arrêt récent en date du 22 novembre 2007 de la première chambre civile de la Cour de Cassation révèle également un infléchissement de la sévérité traditionnelle de la Haute Juridiction (cassation, 1re civile 2 novembre 2007, juris-data n°2007-041473) pour prendre en compte un aléa thérapeutique lié à une prédisposition inconnue et imprévisible de la victime.

Le chirurgien avait pratiqué une intervention chirurgicale au cours de laquelle le patient a présenté une réaction allergique imputée au contact de ses muqueuses avec les gants chirurgicaux utilisés par le praticien. La Cour d’Appel avait retenu la responsabilité du praticien au motif que ce dernier était débiteur d’une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les matériels tels que des gants chirurgicaux qu’il utilise pour l’exécution d’un acte médical et qui avaient provoqué une allergie grave de conséquences sur la parturiente.

Dans cette espèce, la faute du médecin fut exclue, le dommage provenant d’une prédisposition de la victime ou plus précisément d’une réaction exceptionnelle du patient au contact d’un produit (allergie au latex qui composait les gants du chirurgien), inconnue et imprévisible à l’époque de l’intervention.

Cette décision qui a entraîné le recours exceptionnel à une Cassation sans renvoi en application de l’article 627 alinéa 2 du NCPC rappelle une solution désormais classique : la réparation des conséquences de l’aléa thérapeutique n’entre pas dans le champ des obligations dont le médecin est contractuellement tenu (Cassation, 1re civile 8 novembre 2000 n°99-11.735 juris-data n°2000-006741).


La faute pour défaut de surveillance.

La jurisprudence donne de nombreux exemples :

• responsabilité de l’anesthésiste jusqu’au parfait réveil du patient.
• responsabilité du chirurgien qui a procédé à l’opération, débiteur d’une obligation générale de surveillance qui ne met en œuvre aucune surveillance particulière pour prévenir une hémorragie intra abdominale chez une patiente soumise depuis plusieurs mois à un traitement anticoagulant),
• responsabilité du chirurgien qui malgré les doléances du patient hospitalisé pour des douleurs à la jambe, ne s’aperçoit pas de l’absence de circulation artérielle, ce qui a entraîné une amputation,
• responsabilité du chirurgien qui autorise un patient à regagner son domicile en dépit de l’apparition de fièvre, signe de complication post-opératoire.

La jurisprudence rappelle couramment, indépendamment de la responsabilité de l’établissement spécialisé en psychiatrie public ou privé, celle du médecin exerçant dans le secteur privé en cas de suicide d’un patient qui a fait l’objet d’une surveillance insuffisante compte tenu de ses antécédents, de son état actuel et des renseignements fournis par son entourage.



3) La perte d’une chance et l’obligation de rapporter la preuve du lien de causalité entre la faute et le préjudice .

Pendant de nombreuses années, la jurisprudence a utilisé la notion de perte de chance pour retenir la responsabilité du médecin et permettre ainsi implicitement aux victimes d’être dispensées de rapporter la preuve du lien causal entre la faute et le dommage. Les fondements classiques de la responsabilité étaient ainsi mis à rude épreuve.

Depuis un arrêt de principe en date du 17 novembre 1982, la Cour de Cassation avait pourtant rappelé avec raison que si la perte de chance désigne une catégorie de préjudice réparable elle ne peut en aucun cas servir à contourner les incertitudes existant sur le lien de causalité (Cassation, 1re civile, 17 novembre 1982, Dalloz 1984 page 305).

Par souci d’indemniser la victime, les tribunaux ont fait preuve d’un certain laxisme dans l’appréciation de l’exigence du caractère certain du lien de causalité entre la faute invoquée et le préjudice lié à la perte d’une chance.

Loi du 4 mars 2002 permet désormais d’espérer qu’il soit mis fin à cette jurisprudence puisque la victime pourra désormais, lorsque son dommage est dû à la réalisation d’un aléa thérapeutique, obtenir réparation au titre de la solidarité nationale.

La prise en charge de l’aléa thérapeutique au titre de la solidarité nationale doit être désormais étendue pour que toutes les victimes d’un accident médical non fautif puissent obtenir réparation sans se voir opposer l’obligation de rapporter la preuve d’un dommage présentant un caractère de gravité particulièrement élevé.





Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

DESARNAUTS Bertrand

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