Le retrait dun associé de GAEC

Le retrait dun associé de GAEC

Publié le : 28/12/2010 28 décembre déc. 12 2010

Le retrait d’un GAEC n’est pas chose aisée au regard des délais, ni facile au regard de l’exigence d’un motif grave et légitime.

« Il ne faut pas confondre urgence et précipitation »


Le retrait d’un associé de GAEC ne peut pas être autorisé par une décision de référé.


Lorsque dans un GAEC les relations entre associés deviennent difficiles voire insupportables, l’un des associés peut être amené à envisager son retrait. L’article L 323-4 al 2 du code rural dispose que « Tout associé peut être autorisé par les autres associés ou, le cas échéant, par le tribunal à se retirer du groupement pour un motif grave et légitime… ».
Les choses paraissent simples. Elles ne le sont pas.

Il est vérifié en effet que les associés sont rarement disposés à autoriser le retrait de celui qui veut reprendre sa liberté alors qu’une telle autorisation peut entraîner des conséquences extrêmement dommageables pour l’exploitation agricole mise en valeur par le GAEC :
L’associé retrayant procède à la reprise de ses apports en nature, sauf convention contraire (R 323-38 al 3).
A défaut, il doit être procédé au rachat des parts sociales de l’associé retrayant.
Et surtout le retrait de l’associé entraine la fin des mises à dispositions auxquelles il a procédé au bénéfice du GAEC. (Article L 411-2)

Ce qui veut dire que les associés restant sont dans l’obligation de racheter des parts sociales dans le même temps où les capacités de production sont appelées à être réduites (la fin des mises à disposition c'est la perte de foncier et des quotas qui y sont attachés). Sans parler des investissements quelques fois importants qui ont été faits, précisément en considération de la présence de l’associé et des moyens de production qu'il apportait (regroupement de cheptel, extension des bâtiments a usage de production laitière, achat de robot de traite, pour produire un quota devenu important).

Les parties vont donc dans un premier temps discuter pour tenter de régler amiablement le problème, mais un certain nombre de dispositions sont de nature à retarder l’issue de cette tentative :

- L'Art. R 323-44 du Code Rural dispose en effet que les statuts d’un GAEC peuvent prévoir que tous les litiges survenant entre associés sont soumis pour conciliation à l’avis d'une personnalité désignée à l’avance, personne qualifiée dont le nom doit être communiqué au Comité Départemental d’Agrément des GAEC.

- Lorsque les statuts le prévoient, et c’est souvent le cas, ce préliminaire a un caractère obligatoire : la jurisprudence consacre l’irrecevabilité de la demande en justice, si la formalité n’as pas été respectée. Bien mieux, le moyen d’irrecevabilité peut être soulevé pour la première fois en cause d’appel.

Cour d’appel 7ème chambre – 19 novembre 1997 L’Hermite/Leroux Revue Droit Rural 1998 P.443

Il vient d’être fait référence à la tentative de conciliation organisée par le code rural et les statuts du GAEC, mais l’expérience montre que parallèlement, d’autres tentatives de conciliation sont opérées, notamment par l’entremise du centre de gestion en charge de l’exploitation.

Les semaines et les mois passent, la situation relationnelle entre associés se détériore, parfois gravement, et celui qui veut se retirer, estimant avoir déjà perdu beaucoup de temps inutilement, se résout à demander en justice l’autorisation de retrait qu’il n’a pas obtenue de ses associés.
Et parce qu’il a le sentiment d’avoir perdu beaucoup de temps, il veut désormais aller vite.
C’est ainsi qu'il saisit de sa demande le juge des référés du Tribunal de Grande Instance.


La compétence du juge des référés pose tout d’abord problème à la lecture des textes.

En effet, dans son alinéa 2nd, l’article L 323-4 du Code Rural, qui a été rappelé ci-dessus, parle du "tribunal" sans autre précision. S’agirait-il du Tribunal Paritaire ?

L’article R 323-38 al.1 écarte tout doute : « Tout associé peut être autorisé par les autres associés, ou le cas échéant, en cas de refus de ceux-ci, par le Tribunal de Grande Instance à se retirer du groupement pour motif grave et légitime. »

La tentation est grande alors d’invoquer les dispositions de l’article 808 du code de procédure civil « Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend »

Il peut y avoir urgence à séparer des associés qui ne se supportent plus et dont les relations n’ont cessé de se dégrader depuis les premières tentatives de recherche d’accord.


Il existe bien un différend entre les parties.

Reste que le juge des référés n’a pas compétence pour ordonner n’importe quelle mesure.

Au delà de la question de savoir si la demande d’autorisation de retrait se heurte ou non à une contestation sérieuse, il y a le principe de compétence du juge des référés, énoncé à l’article 484 du code de procédure civile :
« L'ordonnance de référé est une décision provisoire rendue à la demande d'une partie, l'autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n'est pas saisi du principal le pouvoir d'ordonner immédiatement les mesures nécessaires. »

Demander l’autorisation de se retirer d’un GAEC ce n’est pas demander une mesure provisoire. Ainsi que l’on a vu, le retrait de l’associé entraine des conséquences radicales et irréversibles.

Si le juge des référés avait compétence pour autoriser le retrait, jamais le tribunal de grande instance ne viendrait à être saisi puisque l’ensemble du contentieux aurait été purgé.

On rappellera, sur le terrain de l’article 808 du code de procédure civile, qu’il est de jurisprudence constante que ne peut pas être considérée comme une mesure ne se heurtant pas à une contestation sérieuse celle qui consisterait à prendre partie sur l’existence du droit invoqué par le demandeur, que seul le juge appelé à connaître du fond a à apprécier (Cassation Commerce 6/03/1985 Bulletin Civil IV n° 11 ; Gazette du Palais 1985 II PAM 206 ; Obs. GAINCHARD et MOUSSA).


En conclusion, nous retiendrons que le retrait d’un GAEC n’est pas chose aisée au regard des délais, ni facile au regard de l’exigence d’un motif grave et légitime. Cette constatation devrait faire réfléchir les postulants à la création ou à l’agrandissement d’un GAEC.

On voit trop de mariages de circonstance, souvent motivés par le seul fait que l’on souhaite valoriser la référence laitière dont on est titulaire, mais dont on ne veut plus assumer la production.





Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

DRUAIS Jacques

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