Le renouveau du harcèlement moral au travail

Publié le : 19/06/2009 19 juin juin 06 2009

Il incombe dorénavant aux juridictions de premier et second degrés de rechercher si la qualification de harcèlement est encourue et surtout de justifier de cette démarche avant de prendre leur décision.

Le harcèlement moralLa qualification de harcèlement moral, résultant de la loi de modernisation sociale du17 janvier 2002, suscite des interprétations.

Malgré une divergence sur les peines encourues, le code du travail et le code pénal s’accordent pour reconnaître que constituent un harcèlement moral « des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Cette unité de présentation n’a pour autant pas engendré pareille unité dans l’interprétation des faits susceptibles de relever de cette qualification.

Désireux d’emporter la nullité des licenciements, certains se sont trouvés face à des juges sensibles à la qualification pendant que d’autres affrontaient la résistance de juges refusant d’ouvrir trop largement la notion.

Le 27 octobre 2004, la Chambre sociale de la Cour de Cassation s’en remettait à « l’interprétation souveraine des juges du fond », faisant ainsi le choix de ne jouer aucun rôle dans l’interprétation des textes issus de la loi du 17 janvier 2002, alors que, dans le même temps, la Chambre criminelle refusait de se contenter d’une telle interprétation.

La loi du 03 janvier 2003 est venue instaurer un régime de preuve favorable au salarié obligeant celui-ci à établir les faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement pendant que l’employeur restait tenu de démontrer que ses agissements se justifiaient par des éléments objectifs.

Or, les faits de harcèlement moral peuvent s’avérer impossibles à prouver pour le salarié. Le juge peut estimer en effet que les seuls indices apportés restent insuffisants pour emporter la qualification et qu’ils révèlent davantage une sensibilité particulière du salarié. Le caractère subjectif de la notion de harcèlement moral aura donc laissé toute latitude aux juges du fond pour donner à la qualification une ampleur plus ou moins importante.

Quatre arrêts de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation en date du 24 septembre 2008 sont venus mettre un net coup d’arrêt à cette liberté laissée aux juges du fond. Ces décisions ont été, pour la Cour de Cassation, l’occasion de reprendre une place centrale dans l’interprétation de la qualification de harcèlement moral et d’imposer ainsi une ligne de conduite bien définie aux juges du fond.
La juridiction suprême impose désormais de rechercher si les faits dont le salarié a prouvé la matérialité permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.
Il incombe donc dorénavant aux juridictions de premier et second degrés de rechercher si la qualification de harcèlement est encourue et surtout de justifier de cette démarche avant de prendre leur décision.

Ce revirement jurisprudentiel engendrera certainement une motivation plus complète des jugements rendus au fond sans cependant exclure une interprétation extensive de la qualification de harcèlement moral. Le renouveau de cette dernière notion apparaît alors comme tout à fait relatif.

Dans le même temps, le harcèlement moral subissait certaines évolutions jurisprudentielles passées bien plus inaperçues alors que leur impact pourrait s’avérer non négligeable.

Ainsi, l’employeur était interdit de se fonder sur des faits de harcèlement moral ou sur la dénonciation de tels faits pour prononcer une mesure disciplinaire.
En revanche, le salarié qui, de mauvaise foi, dénonçait faussement des agissements de harcèlement moral pouvait faire l’objet d’un licenciement.

Tel est l’enseignement de l’arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation rendu le 10 mars 2009 lequel considère avec exactitude que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut pas être licencié pour ce motif, « sauf mauvaise foi » est-il désormais ajouté.
Il revient maintenant aux juridictions statuant sur pareille hypothèse de déterminer si le harcèlement moral est effectivement inexistant et si le salarié a dénoncé faussement de manière volontaire ou parce qu’il pensait, de manière tout à fait erronée, que de véritables agissements constitutifs de harcèlement moral avaient eu lieu.

Le recours à un professionnel membre du réseau Eurojuris permettra à tout salarié ou à tout employeur de savoir comment exploiter au mieux de ses intérêts cette nouvelle jurisprudence.


Sabrina SCARAMOZZINO , Elève avocate
& Loïc CONRAD, Avocat associé






Cet article n'engage que son auteur.

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