Conditions générales de vente et clause attributive de compétence

Conditions générales d’utilisation (CGU) : quelles sont les conditions d'opposabilité d'une clause attributive de compétence ?

Publié le : 03/05/2021 03 mai mai 05 2021

Un arrêt récent de la Cour d’Appel de PARIS, (6 janvier 2021, n° 20/08857), nous donne l’occasion de rappeler quelques grands principes quant à la rédaction et la mise en œuvre des conditions générales, et plus particulièrement des clauses attributives de compétence qu’elles peuvent stipuler. 


La clause attributive de compétence est l’un des atouts des conditions générales qu’elles soient d’utilisation, de vente, d’achat ou de fourniture de prestations de service (que nous identifierons ici par les termes de « conditions générales » par simplicité). 

A quoi sert une clause attributive de compétence ?

Classiquement, cette clause prévoit qu’en cas de contentieux entre les parties, le litige devra être soumis à un tribunal déterminé, en général celui du lieu du siège social du titulaire des conditions générales. 

L’intérêt de cette clause attributive de compétence est double pour ce dernier.  

Tout d’abord, la clause permet de déterminer à l’avance et de manière dérogatoire les règles de compétence en cas de litige afin d’écarter tout débat que pourrait susciter la mise en œuvre des règles légales de compétence. Cette clause permet également de fixer le litige devant une juridiction choisie afin de réduire les frais de procès à supporter (frais de déplacement, frais d’avocats, de traduction, etc…) et de voir le dossier plaidé devant un tribunal dont on connaît les usages et le fonctionnement.  

La clause attributive peut ainsi permettre de retenir un litige transfrontalier afin qu’il ne soit pas dépaysé dans un autre pays que celui où le prestataire à son siège social. 
Civ. 1ère, 2 septembre 2020, n° 19-15.377  

A l’inverse, la partie à laquelle les conditions générales sont opposées supporte davantage de frais de justice, si son conseil doit se déplacer ou avoir recours à un postulant. Cette augmentation du coût de la procédure peut l’inciter à y renoncer ou à négocier une solution amiable. 

L’intérêt stratégique est donc évident et pèse nécessairement sur la suite de la procédure, voir même sur la décision de l’intenter ou non.  

C’est la raison pour laquelle de telles clauses ont parfois pu être qualifiées d’abusives par les juridictions que ce soit sur le fondement de l’article L. 212-1 de la Code de la consommation ou de l’article 1171 du Code civil, comme créant un « déséquilibre significatif entre les parties ». 

Cour d'appel PARIS, 12 février 2016, n° 15/08624

Quelles sont les conditions d'opposabilité des conditions générales ?

La question de l’opposabilité des conditions générales à une partie constitue donc souvent le premier point de débat lors d’un contentieux, avant même que le fond du litige ne soit abordé. 

Pour que les conditions générales puissent être opposées à un cocontractant, l’article 1119 du Code civil, créé par l’Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, impose qu’elles aient été « portée à la connaissance » de la partie à laquelle elles sont opposées et que celle-ci les ait acceptées. 

Le texte n’impose cependant ni l’existence d’un écrit ni la signature des conditions générales. 
La communication et l’acceptation des conditions générales peuvent ainsi être déduites des faits ou du comportement des parties. 

La Cour de Cassation a pu déduire qu’un acquéreur avait adhéré aux conditions générales de vente « dès lors qu’il avait, sur le bon de commande, apposé sa signature sous une mention imprimée précisant qu’il reconnaissait en avoir pris connaissance et les accepter ». 

Cass. Civ. 1ère 3 décembre 1991 n°89-20856 – Publié au Bulletin

Les conditions générales de vente peuvent également être opposées à la partie à laquelle a été adressée « pendant plus de quinze ans » « des factures contenant une référence claire à des conditions générales de vente mises expressément à sa disposition ». 
Cass. Civ. 1ère 20 Novembre 2019 n°18-21854

A l’inverse, la Cour de Cassation a considéré que le fait d’avoir communiqué des conditions générales lors de la souscription d’un abonnement ne valait pas acceptation de ces conditions pour la souscription de deux autres abonnements, dès lors que les trois contrats étaient « sans lien ».  

Cass. Civ. 1ère 11 mars 2014, 12-28.304 - Publié au bulletin

Dans un arrêt récent de la Cour d’Appel de PARIS, celle-ci a même considéré que la clause attributive de compétence figurant au verso d’un bon de commande, et rappelée au recto sous la mention « toutes les contestations seront de la compétence exclusive du tribunal de Paris. La signature de ce bon de commande impliquera l’acceptation des CGV qui figurent au dos », n’était pas opposable au client qui avait signé ledit bon de commande non pas sous cette mention (à l’endroit prévu) mais plus à droite.

Cour d’appel PARIS 24 février 2021, n° 20/11068 

La jurisprudence est donc de plus en plus exigeante et procède avec prudence dans son analyse du comportement de la partie à laquelle les conditions générales sont opposées. 

La Cour d’Appel de PARIS, par un arrêt du 6 janvier 2021, en apporte une nouvelle illustration. 

L'arrêt de la Cour d’appel de PARIS du 6 janvier 2021, n° 20/08857

Cet arrêt opposait la société de droit américain TRIPADVISOR à la société française VIATICUM

La société VIATICUM reprochait aux sociétés TRIPADVISOR FRANCE et TRIPADVISOR LLC d’avoir sur le site www.tripadvisor.fr, détourné sa clientèle

La société VIATICUM avait créé un compte utilisateur sur ce site, dont les CGU contenaient une clause attributive de compétence au profit des « tribunaux du MASSACHUSETTS ».  

La première question soumise aux juges, déterminant leur compétence, était donc de savoir si la société VIATICUM pouvait ou non se voir opposer les CGU du site Internet, en qualité d’utilisatrice.

Pour cela, la société TRIPADVISOR soutenait en premier lieu que les CGU de son site étaient acceptées par un processus classique de fenêtres de dialogue avec une case à cocher et un lien hypertexte vers les CGU. 

Subsidiairement, elle prétendait que le seul fait pour la société VIATICUM d’avoir créé un compte utilisateur sur le site emportait à lui seul acceptation des CGU. 

De son côté, la société VIATICUM soutenait la compétence des juridictions françaises au motif que les CGU ne lui auraient pas été communiquées au moment de la souscription en 2013, qu’elle ne les avait donc pas acceptées, et que la clause attributive de juridiction qu’elles contenaient n’était pas stipulée en caractère suffisamment apparent. 

Avant tout débat sur la responsabilité des défenderesses, la première question était donc de déterminer si, en 2013, le site TRIPADVISOR conditionnait effectivement l’inscription des utilisateurs à l’acceptation préalable des CGU, ce qui supposait leur communication préalable, et à défaut si la seule utilisation du site Internet pouvait valoir acceptation.  

Pour répondre, la Cour a retenu en premier lieu un défaut de force probante des pièces produites par TRIPADVISOR. Elle a considéré que la procédure d’acceptation décrite par TRIPADVISOR « n’a pas de date certaine et qu’aucun élément n’est apporté par ces dernières permettant de confirmer que cette procédure était bien celle soumise au processus de création d’un compte utilisateur en 2013, et à défaut de quelle manière les CGU 2013 étaient mises à disposition sur le site ». 

La Cour d’Appel de PARIS a souligné que les CGU de 2013 ne prévoyaient pas de processus particulier d’acceptation mais stipulaient au contraire que celle-ci se matérialisait par la seule « utilisation » du site Internet.  

Il s’agit ici d’une formule, très classique, intégrée par les rédacteurs dans bon nombre de CGU. 

La Cour a cependant relevé, qu’en 2018, cette formule n’était plus utilisée dans les CGU qui exigeaient cette fois d’être expressément acceptées pour pouvoir continuer à utiliser le compte utilisateur. 

La Cour a donc considéré que cette évolution rédactionnelle des CGU contredisait l’affirmation de la société TRIPADVISOR selon laquelle le processus d’acceptation sous la forme de pop up était déjà applicable en 2013.  

La Cour a en conséquence débouté la société TRIPADVISOR de son exception d’incompétence, considérant qu’elle ne démontrait pas que les CGU avaient en 2013 été communiquées à la société VIATICUM et acceptées par cette dernière. 

Se faisant, la Cour invalide implicitement la clause selon laquelle la seule utilisation d’un site Internet par les internautes vaut acceptation des CGU du site. 

Cette décision s’inscrit donc dans la lignée de la position de la Cour de Cassation. 

Cass. Civ. 1ère 31 octobre 2012, 11-20480
 
Au regard des exigences jurisprudentielles, les processus de communication puis d’acceptation des conditions générales doivent donc être réfléchis et définis juridiquement comme techniquement, ne serait-ce qu’aux fins de datation et de conservation de la preuve. Une incohérence ou leur irrégularité ne pourront être suppléées a posteriori par la rédaction des conditions générales, aussi fine, exhaustive et inventive soit-elle.  


Cet article a été rédigé par Me Arnaud BOUTON. Il n'engage que son auteur.
 

Auteur

Lyon Cornet Vincent Ségurel
Cabinet(s)
LYON (69)
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