Gestation pour le compte d’autrui et refus de la transcription d’actes de naissance «frauduleux»

Gestation pour le compte d’autrui et refus de la transcription d’actes de naissance «frauduleux»

Publié le : 15/10/2013 15 octobre oct. 10 2013

Deux arrêts du 13 septembre 2013 pour interdire une transcription de naissance suivant une prétendue convention de gestation pour autrui.

Les deux affaires portées devant la 1re Chambre civile de la Cour de cassation ont été jugées par elle le même jour, les deux décisions faisant l'objet de la plus grande diffusion.

Les deux cas concernaient des enfants nés en Inde de père français, préalablement reconnus par leurs pères respectifs, lesquels demandaient la transcription des actes de naissance sur les registres d'état civil français. Dans la seconde affaire jugée (la première l'a été dans un contexte identique) : l'acte de naissance établi en Inde d'Emilie Sanjana Lauriane Y, née le 31 juillet 2009 à Mumbai, énonce que M. Y est le père de l'enfant ; en cause d'appel, n'étaient contestées ni la régularité formelle de cet acte, ni la conformité à la réalité de ses énonciations. Les parents auteurs du pourvoi ont relevé que la circonstance selon laquelle M. Y aurait eu recours à "un contrat de mère porteuse prohibé par la loi française" ou encore à l' "achat d'enfant" n'était pas de nature à enlever toute force probante à l'acte de naissance au regard de la filiation paternelle de ce dernier à l'égard de l'enfant qui était incontestable et incontestée ; aussi, selon eux, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'était pas saisie de la validité d'un contrat de gestation pour autrui, mais de la transcription d'un acte de l'état civil, a violé les articles 47 et 332 du Code civil, ensemble l'article 423 du Code de procédure civile.

Dans les deux affaires, la Cour de cassation a statué aux mêmes motifs, mais dans une seule des affaires au visa des articles 16-7, 16-9, et 336 du Code civil. Elle a rejeté la transcription de l'acte d'état civil établi en Inde constatant la naissance dans ce pays d'un enfant dont le père est de nationalité française, sur les registres de l'état civil français et de fait a approuvé la nullité de la reconnaissance de paternité que contestait le ministère public.

Pour la Haute juridiction, en l'état du droit positif, est justifié le refus de transcription d'un acte de naissance fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays lorsque la naissance est l'aboutissement, en fraude à la loi française, d'un processus d'ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d'autrui, convention qui, fût-elle licite à l'étranger, est nulle d'une nullité d'ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du Code civil.

Elle relève que les éléments réunis par le ministère public caractérisaient l'existence d'un processus frauduleux comportant une convention de gestation pour le compte d'autrui conclue entre le père et la mère de l'enfant, ce dont il résultait que les actes de naissance des enfants ne pouvaient être transcrits sur les registres de l'état civil français.


Le droit du ministère public
Dans l'une des espèces, la Cour de cassation confirme ainsi le droit pour le ministère public de s'opposer à la transcription de l'acte de naissance : l'action en contestation de paternité exercée par le ministère public pour fraude à la loi, fondée sur l'article 336 du Code civil, n'est pas soumise à la preuve que l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père au sens de l'article 332 du même code. Elle ajoute qu'en présence de cette fraude, ni l'intérêt supérieur de l'enfant que garantit l'article 3, par. 1, de la Convention internationale des droits de l'enfant, ni le respect de la vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) ne sauraient être utilement invoqués.

Ceci étant, il faut noter que la Cour de cassation n'a fait que confirmer un arrêt bien antérieur de la Cour d'appel de Paris, selon lequel il y a lieu d'annuler la transcription, sur les registres du service central d'état civil français, des actes de naissance américains, ces derniers ayant été établis sur le fondement d'un arrêt rendu le 14 juillet 2000 par la Cour supérieure de l'État de Californie, qui est en contrariété avec la conception de l'ordre public international en ce qu'il a validé indirectement une convention de gestation pour autrui (C.A. Paris, 18 mars 2010).


Ordre public Vs Repos des familles
L'intérêt, juridique, des deux décisions est qu'elles donnent un coup d'arrêt à la réserve résultant de l'arrêt Bodin (Cour de cassation, 17 décembre 1913), selon laquelle la défense de l'ordre public ne doit léser aucun intérêt rival ; cette réserve par exemple a été appliquée pour repousser l'action d'office du ministère public en nullité de la reconnaissance d'un enfant adultérin car "la matière concerne moins l'ordre public que le repos des familles dont la protection doit être assurée contre toute atteinte" (Cass. 1re civ., 10 juin 1953 ; Cass. 1re civ., 29 mars 1955).

L'article 336 du Code civil, au visa duquel l'un des arrêts a été rendu (12-30.138) et qui donne au ministère public la possibilité de contester la filiation légalement établie quand des indices tirés des actes eux-mêmes rendent invraisemblable la filiation déclarée ou en cas de fraude à la loi, permet la levée de cette réserve et c'est ce que la Cour de cassation a fait. Ce même texte est visé de façon implicite dans l'autre espèce.

Toutefois cette utilisation généralisée de l'article 336 du Code civil est assez inquiétante, dans des affaires où l'objet des litiges est la transcription des actes de naissance sur les registres d'état-civil français et non la nullité d'une convention de gestation pour autrui dès lors qu'il est statué selon les "éléments réunis par le ministère public (qui) établissent effectivement l'existence d'un contrat prohibé par les dispositions de l'article 16-7 du Code civil", sans que ces éléments soient connus (sauf bien entendu si les requérants les ont reconnus comme dans l'une des affaires jugées).

Ce n'est pas la vague référence à l'état du droit positif qui apaisera cette inquitéude.



Cet article a été rédigé par l’Office Notarial de Baillargues



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Kirill Zdorov - Fotolia.com

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