Responsabilité du professionnel de santé

Faute du professionnel de santé et perte de chance : des données statistiques ne suffisent pas

Publié le : 22/03/2023 22 mars mars 03 2023

En 2010, une femme a accouché, par césarienne, d’un enfant présentant une infirmité motrice cérébrale causée par un manque d’oxygénation du cerveau (Anoxo-ischémie). 

La patiente a reproché au médecin anesthésiste, sur le fondement de l’article 1147 du Code civil dans sa rédaction antérieure à 2016 et L.1142-1 du Code de la santé publique, d’avoir commis une faute à l’origine de l’infirmité de son enfant.

Selon elle, des données statistiques établissaient un lien de causalité entre l’anesthésie pratiquée pouvant entraîner une hypotension artérielle sévère qui elle-même serait à l’origine de la survenue de la privation d’oxygène de son enfant.

En l’espèce, la patiente estimait que les manquements de l’anesthésiste avaient fait perdre une chance à son enfant de naître sans infirmité motrice cérébrale.

Pour rappel, afin que la responsabilité pour faute des professionnels de santé puisse être engagée, il convient de démontrer l’existence d’une faute, d’un préjudice réel et certain et enfin de façon cumulative un lien de causalité entre la faute et le dommage.

Quant à la perte de chance, elle est définie comme étant « la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable » (Civ. I, 21 novembre 2006, n°05-15.674). 

Selon la Cour d’appel de Versailles, le médecin anesthésiste avait été négligeant en omettant de consigner certains éléments de surveillance de la tension artérielle.

Toutefois, si l’hypothèse d’une hypotension est admissible sur le plan statistique, cela n’était pas, en l’espèce, étayé par les données cliniques recensées et les éléments décrits au cours de l’intervention.

Les juges du fond ont donc estimé que les manquements du médecin n’ont pas fait perdre à l’enfant la chance d’éviter l’anesthésie.

S’il y avait en l’espèce bien une faute et un dommage, le lien de causalité n’est pas établi par la patiente. 

Aussi, les manquements de l’anesthésiste n’étant pas en lien direct avec le dommage subi par l’enfant, le médecin ne saurait être condamné sur le fondement de la perte de chance.

La patiente a alors formé un pourvoi en cassation.

Selon elle, la détermination de la cause exacte du dommage de son enfant importait peu tant que rien ne permettait d’écarter, avec certitude, un éventuel lien de causalité entre les manquements du médecin et la perte de chance de son enfant de ne pas subir de dommage en raison de l’anesthésie pratiquée. 

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi. 

En effet, il incombe à la demanderesse de prouver ce lien de causalité et non pas au médecin de démontrer l’absence de causalité entre ses manquements et le préjudice subi par l’enfant.

En l’espèce, la disparition d’une éventualité favorable n’était pas certaine au regard des éléments rapportés. 
Par conséquent, dans son arrêt du 8 février 2023, la Cour de cassation a rappelé que la faute d'un professionnel de santé n'implique pas nécessairement une perte de chance et qu’il est impossible d’indemniser un préjudice hypothétique.


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

VUCHER-BONDET Aurélie
Avocate Associée
CORNET, VINCENT, SEGUREL PARIS
PARIS (75)
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