érosion côtière

La zone des 50 pas géométriques face à l’érosion côtière

Publié le : 02/10/2023 02 octobre oct. 10 2023

La zone des 50 pas géométriques est une bande littorale soumise à un régime juridique particulier dans les départements d’Outre-mer. La complexité de ce régime risque de s’accroître, 29 communes étant listées par le décret du 31 juillet 2023 n°2023-698 comme étant menacées par l’érosion et dont l’action en matière d’urbanisme doit être adaptée. 

Qu’est-ce que la zone des 50 pas géométriques ? 

Pour rappel, le domaine public maritime (DPM par la suite) naturel est défini à l’article L2111-4 du CGPPP : il est constitué du rivage de la mer et du sol et sous-sol de la mer jusqu’à la limite des eaux territoriales, ainsi que des lais et relais de la mer. L’étendue du DPM naturel dépend largement de l’action de la nature (élévation du niveau de la mer, recul du trait de côte, etc.). Il se caractérise par son inaliénabilité.

La zone des 50 pas géométriques (ZPG par la suite) est une bande littorale appartenant au domaine public maritime naturel de l’Etat, dans les départements d’Outre-mer. À défaut de délimitation, la bande présente une largeur de 81,20 mètres à compter de la limite haute du rivage. Elle est une extension terrestre du domaine public maritime naturel de l’Etat (article L5111-1 du CGPPP). 

Quel régime juridique s’y applique ? 

La ZPG, réserve domaniale instaurée dès le XVIIème siècle, fait aujourd’hui l’objet de très nombreuses occupations illégales et pose une large problématique de maîtrise foncière par la puissance publique. Son régime a été modifié de nombreuses fois pour faire face à la tension immobilière de ces îles : domaine privé de l’Etat en 1955 et perte de son caractère inaliénable, avant de retrouver son appartenance au DPM en 1986 par la Loi Littoral. Les occupants irréguliers disposent désormais de la possibilité d’acquérir les biens qu’ils occupent, en zone urbaine. L’Agence des 50 pas géométriques de Martinique est chargé de gérer cette régularisation foncière. 

La loi du 14 octobre 2015 n° 2015-1268 (article 27) prévoit le transfert de la propriété des terrains urbanisés situés sur la ZPG du domaine public de l’Etat vers le domaine public des conseils régionaux de Martinique et Guadeloupe au 1er janvier 2025.

Ces dernières se substitueront donc à l’Etat dans l’ensemble des droits et obligations afférents à ces biens, ainsi que pour l’exercice des compétences foncières associées. 
La loi Climat et Résilience n°2021-1104 a poursuivi cette réforme et le décret du 4 juillet 2022 n° 2022-988 a précisé les conditions fiscales permettant aux occupants de bénéficier d’une décote sur la valeur du terrain dont ils se portent acquéreurs.

L’articulation de la zone des 50 pas avec le nouveau régime applicable aux communes menacées par l’érosion

La loi Climat et Résilience de 2021 a institué un nouveau régime applicable aux communes menacées par l’érosion, complété par l’ordonnance du 6 avril 2022 et concrétisé par la liste des communes concernées (décret du 31 juillet 2023 n°2023-698).

A ce jour, 29 communes de Guadeloupe, Martinique, Guyane, Mayotte et de la Réunion sont concernées. Les communes non-listées restent soumises au régime « classique » de la Loi Littoral et notamment aux dispositions particulières applicables dans les départements d’Outre-mer (articles L121-38 à L121-51 du Code de l’urbanisme).

L’ordonnance du 6 avril 2022 n° 2022-489 prévoit des aménagements pour la zone des 50 pas géométriques en Outre-mer.  Deux mesures ont été prises :
 
  • Sur la prise en compte du recul du trait de côte dans l’évaluation des biens dans le cadre de la régularisation des occupants sans titre
Pour rappel, si la zone des 50 pas est affectée au domaine public maritime de l’Etat et est donc à ce titre en principe inaliénable, la cession de certains biens est autorisée pour permettre la régularisation de nombreux occupants irréguliers. La dépendance du domaine public sera alors déclassée en vue de son aliénation (article R5111-1 du CGPPP).

En Guadeloupe et en Martinique, les terrains de la ZPG situés dans les espaces urbains ou à urbanisation diffuse peuvent être déclassés aux fins de cession à titre onéreux aux occupants qui ont édifié des constructions à usage professionnel ou d’habitation. Le prix de cession est déterminé d’après la valeur vénale du terrain nu et est fixé selon les règles applicables à l’aliénation des immeubles du domaine privé (Article L5112-5 et L5112-6 du CGPPP).

L’article 8 de l’ordonnance ajoute que l’évaluation du prix du bien cédé doit tenir compte du niveau d’exposition du bien au recul du trait de côte lorsqu’il est situé dans une zone exposée au recul du trait de côte dans un horizon de 30 ans. Cette zone doit être déterminée par une carte locale ou par le PPRL en vertu de l’article L121-22-1 du Code de l’urbanisme.

Cela est également valable à Mayotte dans le cas décrit à l’article L5114-7 du CGPPP.
 
  • Sur la constructibilité des espaces non urbanisés 
L’ordonnance, par son article 9, remplace le II de l’article L.121-22-4 du Code de l’urbanisme, concernant le régime de constructibilité des espaces menacés par l’érosion sous 30 ans. Cette disposition tend à rendre plus clair le régime juridique applicable dans les espaces non urbanisés de la zone 0-30 ans des communes d’outre-mer exposées au recul du trait de côte.

Ainsi, dans les espaces non urbanisés ou à urbanisation diffuse au sens de la Loi Littoral en Outre-Mer, situés dans la zone menacée à 30 ans, seules certaines constructions et installations sont autorisées. Ce sont celles nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau, en dehors des espaces et milieux remarquables et à condition qu’elles soient démontables.

Au-delà de ces 2 points spécifiques, les communes listées par le décret du 31 juillet 2023 disposent de nouveaux outils de gestion patrimoniale pour faire face à l’érosion de leurs côtes : droit de préemption ; réserves foncières ; bail réel d’adaptation à l’érosion côtière ; possibilité de déroger à la Loi Littoral dans le cadre d’un projet partenarial d’aménagement (PPA), etc. 


Cet article a été rédigé par Julie Gervais de LAFOND, en apprentissage en droit public au sein du cabinet DROUINEAU 1927. Il n'engage que son auteur.

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