Traitement automatisé des excès de vitesse: quels moyens de défense?

Traitement automatisé des excès de vitesse: quels moyens de défense?

Publié le : 11/09/2009 11 septembre sept. 09 2009

L’automobiliste français peut voir annuler son permis de conduire sans qu’à aucun moment de la chaine de décision un homme, qu’il soit fonctionnaire ou juge, ne prenne de décision.

Contester un excès de vitesseLa politique de sécurité routière mise en place par les pouvoirs publics a conduit à une très forte diminution du nombre de blessés et de tués sur les routes de France au cours de la dernière décennie.

Cette politique est très largement fondée sur le système du permis à points, d’une part, la mise en place de contrôles accrus puis le traitement automatisé des infractions relevées, d’autre part.

C’est le choix d’un système dont la gestion est exclusivement confiée à des ordinateurs qui a été arrêté.

L’automobiliste français peut, ainsi, voir annuler son permis de conduire sans qu’à aucun moment de la chaine de décision un homme, qu’il soit fonctionnaire ou juge, ne prenne de décision.

Les informations sont transmises par voie numérique au Centre de contrôle automatisé, lequel en fonction des informations reçues émet des lettre-types à destination du contrevenant supposé, sous une signature en fac-similé.

Ces informations alimentent le système de traitement des points des permis de conduire et génère l’émission des lettres notifiant les retraits de points et une éventuelle annulation du permis de conduire.

Ce système automatisé repose sur le document administratif que constitue le certificat d’immatriculation, dite carte grise, et le lien fait entre le numéro d’immatriculation du véhicule et l’identité du propriétaire apparaissant sur la carte grise, lequel est présumé être coupable de l’infraction commise en utilisant ce véhicule.

Toutefois, il présente une faille en ce que rien n’impose que l’utilisateur soit également le propriétaire dont l’identité apparait sur la carte grise.


1/ Les contestations auprès de l’Officier du Ministère Public près le Contrôle Automatisé

Lorsqu’une infraction est constatée à l’occasion de la conduite d’un véhicule sans que ledit véhicule soit arrêté et l’identité du conducteur vérifiée, le numéro d’immatriculation du véhicule à bord duquel la contravention d’excès de vitesse a été commise est communiqué au Centre automatisé de constatation des infractions routières, lequel effectue un rapprochement avec la personne au nom de laquelle a été établi le certificat d’immatriculation.

Un avis de contravention est édité et adressé au titulaire de la carte grise, accompagné d’une requête en exonération susceptible d’être retournée par le destinataire de l’avis de contravention dans 3 situations :

1. Vol, destruction du véhicule ou usurpation de plaque, cas où il est sollicité de l’auteur de la requête de justifier d’un dépôt de plainte
2. Prêt, location ou cession du véhicule à un tiers, pour lequel le destinataire de l’avis est appelé à la délation et doit fournir l’identité, la date de naissance, l’adresse du conducteur supposé,
3. Autres motifs ou absence des justificatifs demandés, il convient alors d’exposer sur papier libre la contestation.

Cette requête en exonération doit être adressée dans les 45 jours qui suivent la date d’envoi de l’avis de contravention à Monsieur l’Officier du Ministère Public, contrôle automatisé, CS 41101, 35911 RENNES CEDEX 9, après signature.

Les deux premiers cas ne posent pas de difficulté, le titulaire de la carte grise devant justifier d’une infraction commise à son préjudice et de la dénonciation de celle-ci auprès des autorités ou de l’identité du supposé auteur de l’infraction.

Il convient toutefois de s’interroger sur la situation ou plusieurs titulaires apparaissent sur une carte grise, par exemple des époux sous la mention : Monsieur et Madame X.

Dans ce cas, l’avis de contravention est adressé à la première personne figurant sur le certificat d’immatriculation sans qu’il n’existe aucune raison de penser que celle-ci soit le conducteur du véhicule plutôt que le co-titulaire de la carte grise.

En pratique, cette cotitularité devrait entrainer des recours très fréquents puisque, au moins en théorie, 50 % des avis de contravention seraient mal dirigés dans le cas ou deux noms apparaissent sur la carte grise.

Si le second titulaire de la carte grise se voit désigner par le premier comme étant l’auteur de l’infraction, l’Officier du Ministère Public émet un second avis de contravention à destination du cotitulaire (Cas n°2).

Une telle dénonciation, si elle n’est pas conforme à la réalité et est réalisée sciemment serait constitutive de l’infraction pénale de dénonciation calomnieuse punissable de 5 ans d’emprisonnement.

Toutefois, l’auteur ne peut s’empêcher de penser que les vérifications quant à la sincérité de cette désignation sont très incertaines dans une situation ou le Ministère Public dispose d’un auteur désigné de l’infraction, ou l’Etat inflige une amende et une sanction administrative de retrait de point, et qu’un procédé permettant, de fait, la constitution d’un capital point global majoré sur les permis de conduire puisse prospérer malgré son illicéité.

Le cas n°3 nécessite quelques développements. Il s’agit de la situation ou le titulaire de la carte grise entend contester être l’auteur de l’infraction, sans dénoncer qui que ce soit et ne conteste pas la « possession » administrative du véhicule.

Il convient de préciser que l’article L 121-3 du Code de la Route instaure le principe selon lequel le titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule est redevable pécuniairement de l’amende encourue pour un certain nombre d’infractions à savoir : la vitesse maximale autorisée, le respect des distances de sécurité entre les véhicules, l’usage des voies et chaussées réservées à certaines catégories de véhicules, signalisation imposant l’arrêt du véhicule, à moins qu’il n’établisse l’existence d’un vol ou de tout évènement de force majeure, ou qu’il n’apporte tous éléments permettant d’établir qu’il n’est pas l’auteur véritable de l’infraction.

Il s’agit d’une présomption de culpabilité. Toutefois, cette présomption est simple et susceptible de preuve contraire.

Dès lors, le titulaire de la carte grise peut adresser une contestation sur papier libre à l’Officier du Ministère Public auprès du Contrôle automatisé, de préférence par voie de LRAR aux fins de se ménager la preuve de la contestation, recours dans lequel il expose contester être l’auteur de l’infraction.

L’Officier du Ministère Public auprès du Contrôle automatisé n’a alors pas d’autre choix que d’enregistrer la contestation, laquelle bloque temporairement le système répressif puisque cet officier ne dispose pas de la compétence pour statuer sur le bien fondé du recours.

Ledit Officier du Ministère Public doit alors saisir une juridiction pour statuer sur la contestation qui lui est soumise. La plupart du temps la juridiction compétente sera celle de proximité du domicile du titulaire du certificat d’immatriculation, ou du lieu de commission de l’infraction, ou de la constatation de la contravention, c’est-à-dire la Juridiction de Proximité de RENNES puisque lorsque l’infraction a donné lieu à un traitement informatisé la constatation de l’infraction est présumée avoir été réalisée à RENNES (Cass. Crim. 13 février 2008).



2/ Les contestations devant la juridiction de proximité

Ainsi qu’il a été exposé précédemment le système automatisé fonctionne sur le lien effectué à partir du certificat d’immatriculation entre un véhicule et une personne.

Le caractère automatique de ce lien constitue la limite de ce système de contrôle puisque, d’une part, il entraine la condamnation du titulaire d’un certificat d’immatriculation négligent ou passif qui, même s’il n’est pas l’auteur d’une infraction reste taisant ou fait le choix de protéger le véritable auteur de l’infraction poursuivie, d’autre part, il ouvre la possibilité à de multiples contestations qui, plus ou moins organisées, permettront souvent au titulaire du certificat d’immatriculation diligent et informé d’être exonéré de sa responsabilité pénale et/ou pécuniaire.

Si la personne titulaire du certificat d’immatriculation conteste être l’auteur de l’excès de vitesse, trois situations sont envisageables.

1. Le destinataire de l’avis de contravention apparaissant sur le certificat d’immatriculation est identifié, à l’occasion de la procédure devant la Juridiction de Proximité comme étant le conducteur de véhicule.

Il est alors condamné pénalement, à une amende qui ne pourra être inférieure au montant de l’amende forfaitaire majorée.

2. L’auteur de l’infraction n’est pas identifiable et le titulaire du certificat d’immatriculation ne peut prouver qu’il n’est pas l’auteur de l’infraction.

Ce dernier sera redevable de l’amende. Par contre, il sera relaxé pénalement et ne verra pas en conséquence de condamnation inscrite à son casier judiciaire et de retrait de point affecté son permis de conduire (pour ex. Cass. Crim. 1er oct. 2008, Jurisprudence automobile n°801 p.659).

3. Le titulaire du certificat d’immatriculation n’est pas identifiable et il peut prouver qu’il n’est pas l’auteur de l’infraction. Il sera alors relaxé et ne sera pas tenu de l’amende (pour ex. Cass. Crim. 5 sept. 2007 ; Jurisprudence automobile n°790 p.636).

Cette preuve négative peut résulter de celle d’être à un autre endroit au temps de l’infraction, alors que le temps et le lieu de celle-ci figure sur l’avis de contravention, ou simplement en produisant la copie d’une pièce d’identité ou en se présentant à l’audience lorsque une photographie du conducteur figure au dossier de la juridiction.

Le caractère systématique du lien fait par le système de contrôle automatisé entre le numéro d’immatriculation du véhicule et le nom d’une personne apparaissant sur le certificat d’immatriculation peut aussi être la source de contestation devant la juridiction de proximité.

Une obligation d’assurance concerne toute personne dont la responsabilité peut être engagée en raison de la mise en circulation d’un véhicule terrestre à moteur (articles L211-1 et L211-2 du code des assurances). Toutefois, le contrat d’assurance ne désigne pas nécessairement en qualité de conducteur le propriétaire du véhicule, ou peut désigner plusieurs conducteurs dont le titulaire de la carte grise.

On peut imaginer que soient désignés plusieurs conducteurs à un contrat d’’assurance, et que le titulaire de la carte grise ne corresponde pas à l’utilisateur le plus assidu du véhicule.

Cette situation permettra une contestation quasi systématique des poursuites devant la juridiction de proximité, notamment si un système de chassé-croisé entre le titulaire de la carte grise et l’utilisateur le plus fréquent du véhicule est mis en place, ceci en toute légalité puisque tant les obligations en matière d’immatriculation que d’assurance du véhicule auront été respectées.

Le Ministère Public ne sera jamais en mesure d’établir que l’auteur de la contravention est le titulaire du certificat d’immatriculation ; alors qu’aucune déclaration mensongère ne peut être reprochée au prévenu, la contestation étant fondée en son principe, la personne poursuivie automatiquement n’étant pas l’auteur de l’infraction.

Même lorsque l’auteur de l’infraction est la personne apparaissant sur le certificat d’immatriculation, une contestation peut prospérer pour les raisons suivantes :

Il arrive que l’officier du ministère public néglige de saisir la juridiction compétente.

En cas de saisine de ladite Juridiction dans une majorité des cas, en particulier depuis le développement des radars fixes prenant par l’arrière aux fins d’identifier les deux roues, le conducteur ne peut être reconnu sur la photographie adressée à la Juridiction. La situation n°2 évoquée ci-dessus trouve alors à s’appliquer et le prévenu, tenu du paiement de l’amende, ne doit pas être condamné pénalement et se voir retirer de point sur son permis de conduire.

Le principal obstacle à la multiplication de ces contestations résidait jusqu’à une période récente dans le coût en temps et/ou en argent que peuvent présenter ces recours notamment si le contrevenant souhaite faire appel à un avocat, coût disproportionné au regard de l’enjeu financier de chacune des contraventions, et des conséquences sur le permis de conduire, sauf à se trouver dans une situation ou la conséquence de la condamnation ou du paiement de l’amende est la perte des derniers points restant affectés au permis du destinataire de l’avis de contravention.

Toutefois, une décision récente de la chambre criminelle de la Cour de Cassation semble modifier de manière importante cette situation (Cass. Crim. 14 octobre 2008 ; Jurisprudence automobile n° 803 p. 25). La haute juridiction a retenu que les contestations adressées à la Juridiction saisie peuvent l’être par écrit, cassant une décision de la Juridiction de Proximité de ST SEVERE ayant refusé de répondre aux protestations du prévenu qui lui avaient été adressées par télécopie.

La possibilité d’adresser une argumentation écrite, déjà ouverte très largement par le Code de Procédure Pénale aux parties civiles, semble être étendue désormais par la Cour de Cassation au prévenu qui n’aurait plus besoin de se présenter par devant son Juge.

Cette décision ouvre la porte à des contestations écrites adressées pour le prévenu ou par un Conseil, lesquelles seraient déchargées des sujétions que représentent un déplacement à l’audience.

Si cette jurisprudence se confirmait, et même si des contestations écrites ne peuvent avoir la pertinence d’une plaidoirie, laquelle peut être adaptée en fonction du déroulement de l’audience, il serait possible, après avoir obtenu une copie des pièces du dossier, d’adresser une argumentation écrite type adaptée aux pièces selon que le prévenu se trouve dans l’une ou l’autre des situations précitées.


3/ La responsabilité des dirigeants d’entreprise

Il est fréquent que l’application conjuguée des articles L121-3 de la Route relatif à la présomption de responsabilité pénal et de l’article 121-2 du code pénal relatif à la responsabilité des personnes morales entraine des poursuites à l’égard du dirigeant de l’entreprise disposant d’une flotte de véhicules utilisés par des salariés. Le dirigeant est poursuivi pénalement et risque un retrait de point sur son permis de conduire alors qu’il n’est pas l’auteur de l’infraction, en sa qualité de représentant légal de l’entreprise.

Le dirigeant est alors amené à communiquer les informations en sa possession sur l’identité du salarié qui était à bord du véhicule contrôlé, lorsqu’il en connaît l’identité, ce qui peut être à l’origine de difficultés sociales ou relationnelles dans l’entreprise, soit à contester l’infraction lorsqu’il ne peut ou ne veut dénoncer le salarié pour se voir exonérer de sa responsabilité pénale et/ou de sa responsabilité pécuniaire dans les conditions rappelées aux 1° et 2° ci dessus.

Toutefois, l’automaticité du lien fait entre l’identité du propriétaire apparaissant sur le certificat d’immatriculation et le conducteur supposé du véhicule est d’autant plus inefficient pour les personnes morales qu’il ne correspond pas à la réalité et que la contestation formulée doit conduire systématiquement à la relaxe sur le plan pénal, voire à l’exonération de la responsabilité pécuniaire lorsque le conducteur véritable est identifiable.

De plus, la simplicité du ressort du système de contrôle et de sanction automatisé s’arrange mal de la complexité de la vie économique.

Il en est ainsi lorsqu’une société a recours à la location de véhicule auprès d’une autre entreprise pour une durée inférieure à deux ans, location pour laquelle aucun renseignement sur le locataire n’est transmis à l’autorité administrative. Si le véhicule de location est contrôlé comme étant conduit à une vitesse excessive, le premier avis de contravention est adressé à la société de location, laquelle, de manière systématique, donne l’identité de son client.

Toutefois, si l’identité de ce client correspond soit à une société, soit au dirigeant d’une entreprise, lequel ne serait pas le conducteur effectif du véhicule, les contestations émises par le dirigeant devraient, en toute logique, faire échapper celui-ci à toute responsabilité.

En effet, dans cette hypothèse, il n’est ni le conducteur effectif, ni le titulaire du certificat d’immatriculation et la présomption de l’article L121-3 du code de la route ne peut jouer le Ministère Public devant alors établir la preuve de l’identité du contrevenant.

* * *

Le système de contrôle et de répression automatisée des infractions à la législation routière est sans nul doute dissuasif en ce que sa complexité apparente écarte la majeure partie des velléités de contestation. Il est néanmoins approximatif en ce qu’il entraîne la condamnation de citoyens négligents ou peu aptes à faire valoir leurs droits et permet à la personne informée ou bien conseillée d’échapper dans une large mesure à la répression.

Si ce système connaît, globalement, un succès jusqu’à ce jour ceci apparaît essentiellement dû non pas à son efficacité propre, mais au fait qu’il traite d’infractions dont les conséquences pécuniaires et sociales sont généralement faibles, dissuadant le citoyen d’émettre des contestations longues et peut être coûteuses.

Il semble néanmoins que les recours puissent se développer dans les mois et années à venir si la possibilité d’émettre des contestations écrites est confirmée par la jurisprudence, contestations simples et peu onéreuses.





Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

VILLESECHE Jean-Marc
Avocat Associé
HAINAUTJURIS
AVESNES SUR HELPE (59)
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