Quand la régularisation d’un contrat illégal implique la transformation d’un CDI en CDD

Quand la régularisation d’un contrat illégal implique la transformation d’un CDI en CDD

Publié le : 27/07/2012 27 juillet juil. 07 2012

Dans un arrêt du 15 juin 2012, le Conseil d’Etat rappelle les règles de régularisation des contrats de recrutement d’agents publics irrégulièrement conclus et les conséquences parfois surprenantes qui peuvent en découler.

Régularisation d'un contrat d'un agent public et transformation du CDI en CDD Madame Bernard-Ferrero avait conclu en 1994 avec l’Etablissement public local d’enseignement agricole de Lavaur un contrat de formateur à durée indéterminée, avant d’être licenciée en 2001. A la suite de l’annulation de cette décision par jugement du Tribunal administratif de Toulouse, la Directrice de l’Etablissement public a proposé à Madame Bernard-Ferrero sa réintégration sur un poste d’ingénierie de formation sur la base d’un contrat à durée indéterminée d’un an.

Face au refus de l’intéressée, l’établissement a résilié son contrat de travail à compter du 3 novembre 2004. La Cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé cette décision, estimant que la Directrice de l’établissement, qui était tenue de n'apporter au contrat que les modifications strictement nécessaires afin que son exécution puisse se poursuivre régulièrement, n’était pas compétente pour substituer au CDI un CDD d’une durée d’un an.

En cassation, le Conseil d’Etat censure ce raisonnement, en faisant application de la désormais traditionnelle jurisprudence Cavallo, décision dans laquelle le Conseil d’Etat a exposé à l’administration la conduite à tenir face à un contrat de recrutement irrégulier en jugeant que :

« Considérant que, sauf s'il présente un caractère fictif ou frauduleux, le contrat de recrutement d'un agent contractuel de droit public crée des droits au profit de celui-ci ; que, lorsque le contrat est entaché d'une irrégularité, notamment parce qu'il méconnaît une disposition législative ou réglementaire applicable à la catégorie d'agents dont relève l'agent contractuel en cause, l'administration est tenue de proposer à celui-ci une régularisation de son contrat afin que son exécution puisse se poursuivre régulièrement ; que si le contrat ne peut être régularisé, il appartient à l'administration, dans la limite des droits résultant du contrat initial, de proposer à l'agent un emploi de niveau équivalent, ou, à défaut d'un tel emploi et si l'intéressé le demande, tout autre emploi, afin de régulariser sa situation ; que, si l'intéressé refuse la régularisation de son contrat ou si la régularisation de sa situation, dans les conditions précisées ci-dessus, est impossible, l'administration est tenue de le licencier » (CE Sect. 31 décembre 2008, Monsieur Cavallo, req. n° 283256, RFDA 2009, p. 89, concl. E. Glaser).

Le raisonnement du juge administratif s’exprime en quatre temps :

  • le contrat de recrutement d’un agent public contractuel crée des droits aux profits de celui-ci, sauf s’il présente un caractère fictif ou frauduleux,
  • en présence d’un contrat irrégulier, l’administration est tenue de proposer une régularisation du contrat, afin qu’il se poursuive régulièrement,
  • si le contrat ne peut être régularisé, l’administration doit proposer à l’intéressé un emploi équivalent, ou à défaut, si l’intéressé le demande, tout autre emploi,
  • si la régularisation est impossible ou si l’agent la refuse, l’administration est tenue de le licencier.

Si l’arrêt Cavallo du Conseil d’Etat, en conférant un caractère créateur de droits au contrat de recrutement des agents publics, a contribué à restreindre l’écart entre les agents titulaires et les agents non titulaires, confortant la formule du Président Bruno Genevois selon laquelle : « derrière le contrat, il y a en fait un statut qui se dessine », (concl. sur CE Sect. 25 mai 1979, Rabut, p. 231), la décision du 15 juin 2012 vient rappeler les limites de ce rapprochement, les agents contractuels ne bénéficiant définitivement pas de garanties similaires à celles des agents titulaires.

Dans l’affaire qui était soumise au Conseil d’Etat, l’agent avait été recrutée sur le fondement de l’article 4 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d’Etat, qui permet l’embauche d’un agent contractuel de catégorie A lorsque la nature des fonctions ou les besoins du service le justifient. Or, dans un tel cas de figure, la loi prévoit que les agents sont recrutés par contrat d’une durée maximale de trois ans renouvelés par reconduction expresse.

Une fois constatée l’irrégularité du contrat, qui tenait à sa durée, laquelle ne pouvait être supérieure à trois ans, le Conseil d’Etat déroule le raisonnement de l’arrêt Cavallo en précisant que :

  • la régularisation impliquait nécessairement la transformation du CDI en CDD, dans la mesure où le maintien de l'intéressée sur son emploi demeurait par ailleurs possible dans le respect des autres prescriptions législatives et réglementaires relatives aux agents contractuels,
  • à défaut, l’établissement était tenu de proposer à l’agent un autre emploi susceptible d’être pourvu par voie de contrat à durée déterminée,
  • le refus de l’intéressée d’accepter soit la modification de son contrat, soit un nouvel emploi, obligeait l’administration à la licencier.
Dès lors en l’espèce, le refus de Madame Bernard-Ferrero d’accepter la régularisation de son contrat, c’est-à-dire en pratique la transformation de son CDI en CDD, a justifié la décision de l’Etablissement d’enseignement de la licencier.

Si cette solution est conforme aux principes dégagés par la jurisprudence, l’on ne peut que déplorer le fait que si l’administration avait, dès 1994, régulièrement embauché Madame Bernard-Ferrero sur le fondement d’un CDD, cette dernière aurait probablement pu prétendre, sur le fondement des dispositions de l’article 13 de la loi n°2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique, à la transformation de son CDD en CDI.


CE 15 juin 2012, EPLEA de Lavaur, req. n° 335398.





Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Bank-Bank - Fotolia.com

Auteur

COUETOUX DU TERTRE Adeline
Avocate Collaboratrice
CORNET, VINCENT, SEGUREL NANTES
NANTES (44)
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