L’obligation alimentaire des grands-parents

L’obligation alimentaire des grands-parents

Publié le : 09/09/2014 09 septembre sept. 09 2014

L’obligation alimentaire que le code civil met à la charge des parents au bénéfice de leurs enfants, n’est pas une obligation limitée à la seule parentalité des père et mère.Plaidoyer en faveur d’une action commune du créancier d’alimentEn réalité, l’obligation alimentaire qui nait de la parenté en ligne directe, se conjugue sans limite de degrés et passe autant aux ascendants, qu’aux descendants, ce que consacrent les articles 205 et 206 du Code Civil ; les « valeurs ajoutées » ou « pièces rapportées » n’y échappant que lorsque « celui de époux qui produisait l’affinité » et les enfants issus du mariage avec l’autre époux sont décédés.

Cette conjugaison verticale de l’obligation alimentaire conduit donc à inviter les grands-parents à contribuer à l’entretien et l’éducation de leurs petits-enfants en cas de défaillance du parent débiteur d’aliment.
Car il est clair que l’obligation alimentaire des grands-parents ne peut être que subsidiaire, c’est-à-dire actionnée qu’à la condition que soit démontrée la carence totale ou partielle du parent débiteur.

Dans un arrêt rendu le 28 mai 2014, la Cour de Cassation a traité le problème sous un jour nouveau (Cass. 1ère civ. N° de pourvoi 12-29803).

Ainsi, un Juge aux Affaires Familiales avait condamné des grands parents, à payer à la mère de leur petite fille, l’arriéré de pension alimentaire dû par leur fils.
La Cour d’Appel de Nîmes, dans un arrêt en date du 18 janvier 2012, avait confirmé cette décision sur le fondement des dispositions des articles 205, 208 et 207 du Code Civil en expliquant que la mère de l’enfant était fondée à solliciter de la part des grands-parents de l’enfant le paiement des aliments auxquels leur fils avait été condamné par plusieurs décisions de justice dès lors qu’elle justifiait, antérieurement à l’introduction de l’instance :

  • de réclamations formulées à leur encontre,
  • de deux décisions de condamnation au paiement d’aliments,
  • de plusieurs actes de poursuites.
En statuant ainsi, la Cour d’Appel confirmait une jurisprudence constante depuis des années de la Cour de Cassation qui jugeait que « l’obligation que l’article 203 du Code Civil met à la charge des père et mère de nourrir, entretenir et élever leurs enfants, n’exclut celle que les articles 205 et 207 du même Code imposent en leur faveur aux autres ascendant, que dans la mesure où les parents peuvent y faire face ».
En l’espèce, la démonstration avait été faite par la mère de l’enfant que le débiteur d’aliment ne pouvait faire face à son obligation alors que des décisions de justice et mesure d’exécution, avaient rendu impossible le recouvrement de l’arriéré.

Dans les moyens exposés au soutien de leur pourvoi, les grands-parents avaient soulevé deux arguments principaux :

  • Le premier était de dire que si les grands-parents pouvaient être débiteurs d’aliments envers leurs petits-enfants, ils ne pouvaient être débiteurs des arriérés résultant de plusieurs jugements de condamnation auxquels ils n’avaient pas été partie,
  • Le second était de rappeler que « les aliments ne s’arréragent pas » et qu’en conséquence, les débiteurs d’aliments ne pouvaient être condamnés à payer une pension pour la période antérieure à l’assignation en justice.
Dans un second moyen développé de manière subsidiaire, les grands-parents rappelaient en outre que leur obligation alimentaire ne pouvait être que subsidiaire et invoquaient les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 207 du Code civil, la grand-mère estimant avoir été privée de son rôle à l’égard de l’enfant.

A propos du second moyen développé à titre principal par les grands-parents, il n’est pas inutile de rappeler que cette règle « aliments ne s’arréragent pas », issue d’une jurisprudence ancienne de la Cour de Cassation (Chbre des Requêtes 30 janvier 1933 DH 1933 114 ; S 1933 1. 104), repose sur une double présomption simple de renonciation ou d’absence de besoin du créancier d’aliment. Concrètement, si le créancier a renoncé à réclamé son dû, on présume qu’il n’est pas dans le besoin ou qu’il a renoncé à cette contribution alimentaire.

Cette présomption simple pouvait utilement être combattue en l’espèce car, l’existence de deux décisions de justice, de mesures d’exécution dirigées tant à l’encontre du père de l’enfant que de ses grands-parents, permettait de démontrer que la mère n’avait pas renoncé à la pension au bénéfice de l’enfant. La preuve en était d’ailleurs que le montant de l’arriéré réclamé aux grands-parents avait été revu à la faveur du résultat des voies d’exécution engagées.

En réalité, seul le premier moyen principal de cassation soulevé par les grands-parents a été retenu par la Haute Cour.

Ainsi, il a été jugé que « les grands-parents, débiteurs d’aliments, ne pouvaient, en cette qualité, être tenus d’exécuter des jugements prononcés contre leur fils ».

Autrement dit, la Cour de Cassation, bien que reconnaissant aux grands-parents la qualité de débiteur d’aliment et confirmant, par la même, l’existence du devoir alimentaire née de la parenté en ligne directe, rappelle que les décisions de justice rendues en l’espèce, l’avaient été à l’encontre du seul fils, débiteur principal.

L’absence des grands-parents aux instances engagées par la mère à l’encontre du père rendait donc impossible toute poursuite à leur encontre en vue d’exécuter des jugements dans lesquels ils n’étaient pas partie.
Ce que rappelle la Cour de Cassation dans cet arrêt est d’évidence.


Mais cette décision n’est pas sans conséquence sur l’exercice des poursuites à l’encontre des créanciers d’aliments car elle suppose que dans le cadre des affaires de ce type qui lui sont soumises, le Juge aux Affaires Familiales puisse être en mesure de procéder en deux temps : d’abord examiner l’aptitude du parent débiteur à subvenir seul aux besoins de l’enfant pour examiner ensuite celle, subsidiaire, des ascendants et, à l’issue, prononcer des condamnations.

Cette hiérarchie des poursuites qui peut exister dans le cadre d’instances distinctes, pourrait plus sûrement et utilement se concrétiser par une action commune du créancier d’aliment à l’encontre de l’ensemble des débiteurs en ligne directe ou par un appel à la cause de ceux-ci.

Ainsi et dans une même instance, le Juge pourrait procéder à cette double vérification et prononcer ces jugements à l’encontre des uns et des autres dans une seule et même décision.

En ayant hiérarchisé les poursuites dans le cadre d’une même instance, le créancier d’aliment ne saurait se voir opposer le fait que soit exécutée à l’encontre des grands-parents, une décision prononcée qu’à l’encontre du seul débiteur principal : parties à l’instance, ils ne pourront échapper à leurs obligations.

Il est vrai par ailleurs qu’une action commune engagée à l’encontre de l’ensemble des débiteurs à l’avantage de faire gagner du temps au créancier d’aliment et donc d’éviter aux débiteurs d’aliments de faire face à l’accumulation d’un arriéré trop important qui a pour conséquence de dénaturer l’obligation elle-même dont la caractéristique est de consister en des revenus périodiques et non en un capital versé au bénéfice de l’enfant.


L'auteur de l'article:Anne DE REVIERS, avocate à Poitiers.



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Pétrouche - Fotolia.com

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