Les conditions de cession d'un bail rural

Publié le : 31/10/2008 31 octobre oct. 10 2008

La cession d’un bail rural par son titulaire est par principe prohibée, en application des dispositions de l’article L. 411-35 du code rural.

La cession d'un bail ruralTout principe comportant des exceptions, la loi permet au preneur d’envisager une cession de son bail dans le cadre familial, et hors du cadre familial.

- Dans le cadre familial, la cession du bail pourra être envisagée au profit des descendants majeurs du preneur, de son conjoint ou partenaire de PACS.
Cette cession devra recevoir l’agrément du bailleur, ou, à défaut du tribunal paritaire.

- Hors du cadre familial, la cession du bail peut, depuis la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006, être envisagée. Les dispositions relatives au bail cessible, codifiées aux articles L.418-2 et suivants du code rural, prescrivent, à peine de nullité de la clause de cessibilité, que le bail, pour être cessible, doit remplir certaines conditions : Le bail doit avoir été régularisé sous la forme authentique, il doit avoir une durée minimale de 18 ans, renouvelable par périodes de 5 ans. En contrepartie, son prix est majoré.

Dans ces deux hypothèses, le bailleur se voit reconnaître par la loi un droit d’opposition à la cession, eu égard notamment aux conditions de capacités et de compétences du cessionnaire. Le tribunal paritaire des baux ruraux, saisi de cette opposition, exercera son contrôle sur les conditions de la cession.


- Le contrôle juridictionnel des conditions de la cession dans le cadre familial

Ainsi que cela a été précisé ci-dessus, la cession du bail par le preneur, au profit d’un descendant ou de son conjoint, suppose l’agrément du bailleur. A défaut d’un tel accord, le tribunal sera saisi du litige, et examinera les conditions de la cession, avant de l’autoriser ou non.

Pour se prononcer sur la cession, le juge doit rechercher si la cession projetée ne risque pas de nuire aux « intérêts légitimes du bailleur ». ces intérêts sont appréciés au regard, d’une part, du comportement du preneur cédant au cours de son bail, et d’autre part, au regard des conditions de mise en valeur de l’exploitation par le cessionnaire candidat.

- S’agissant du preneur cédant, le tribunal paritaire apprécie sa « bonne foi » en vérifiant qu’il n’a pas commis de manquements graves à ses obligations en cours de bail. La cession est une faveur accordée au preneur qui s’est acquitté de ses obligations.

- S’agissant du candidat cessionnaire, le juge va devoir analyser les conditions dans lesquelles celui-ci entend mettre en valeur l’exploitation dont la cession est envisagée.

1. Le cessionnaire éventuel devra tout d’abord avoir les moyens matériels, ou à défaut financiers, pour exploiter le fonds. Il s’agit d’apporter des garanties de bonne exploitation. A défaut, la cession ne peut être autorisée.

2. En second lieu, le tribunal appréciera la compétence professionnelle du candidat à la cession.

La jurisprudence a précisé que cette compétence sera appréciée par référence aux dispositions de l’article R.331-1 du code rural, lequel dispose que « Satisfait aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle mentionnées au 3o de l’article L. 331-2 le candidat à l’installation, à l’agrandissement ou à la réunion d’exploitations agricoles qui justifie, à la date de l’opération :

1- Soit de la possession d’un diplôme ou certificat d’un niveau reconnu équivalent au Brevet d’études professionnelles agricoles (BEPA) ou au Brevet professionnel agricole (BPA) ;

2- Soit de cinq ans minimum d’expérience professionnelle acquise sur une surface au moins égale à la moitié de l’unité de référence définie à l’article L. 312-5, en qualité d’exploitant, d’aide familial, d’associé d’exploitation, de salarié agricole ou de collaborateur d’exploitation au sens de l’article L. 321-5. La durée d’expérience professionnelle doit avoir été acquise au cours des quinze années précédant la date effective de l’opération en cause. »

Il s’agit ici encore de vérifier que le cessionnaire présente les garanties suffisantes à une exploitation satisfaisante du fonds loué.

3. Enfin, le candidat à la cession devra justifier qu’il est en règle avec le contrôle des structures.

En application des dispositions de l’article L.331-6 du code rural, le cessionnaire doit faire connaître au bailleur, au moment de la prise d’effet de la cession de bail, la superficie et la nature des biens qu’il exploite déjà.

Et si, au regard de l’importance de l’exploitation du cessionnaire, une autorisation d’exploiter doit être obtenue, en application de la réglementation sur le contrôle des structures agricoles (Art. L.331-2 du code rural), l’article L.331-6 du code rural ajoute que « la validité de la cession est subordonnée à l’octroi de cette autorisation ».

Le juge paritaire devra vérifier, dans le cadre de son contrôle, que le cessionnaire a bien présenté une demande d’autorisation d’exploiter antérieurement à la date projetée de la cession. A défaut, la cession ne pourra pas être autorisée.

Mais même autorisée par le juge, la cession du bail ne deviendra effective qu’à la date à laquelle le cessionnaire obtiendra une autorisation administrative d’exploiter définitive.

A défaut d’autorisation, ou à défaut de demande présentée par le cessionnaire, la cession du bail est nulle, et le bailleur pourra demander la résiliation du bail.


- Le contrôle juridictionnel des conditions de la cession hors du cadre familial

La loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006, en instituant les dispositions relatives au bail cessible, a voulu institutionnaliser un outil de transmission de l’entreprise agricole, à l’instar de ce qui existe en matière de bail commercial.

Au regard d’un tel objectif, on peut légitimement imaginer que le contrôle opéré par le juge, en cas d’opposition du bailleur à la cession, sera moins poussé qu’en présence d’un bail rural ordinaire, soumis au principe de la prohibition de la cession.


Tout d’abord, s’agissant du bailleur, son agrément à la cession ne sera plus nécessaire. Il ne devra recevoir qu’une simple information du preneur cédant, lui indiquant l’identité du successeur et la date de cession projetée. Cette information du bailleur est prescrite à peine de nullité de la cession, et de résiliation du bail cédé irrégulièrement.

La date de la notification marquera le point de départ du délai de deux mois dans lequel le bailleur pourra saisir le tribunal paritaire des baux ruraux.

Et en cas de saisine du tribunal paritaire, les motifs d’opposition du bailleur devraient ici se concentrer sur la seule personne du cessionnaire. En effet, s’il était possible pour le bailleur, dans le cas d’une demande d’autorisation de cession d’un bail dans le cadre familial, d’invoquer les manquements du cédant à ses obligations, en cours de bail, tel ne devrait pas être le cas dans l’hypothèse d’un bail cessible.

La cession n’est plus envisagée comme une faveur faite au preneur, mais comme un droit que lui confère la clause de cession insérée dans son bail.

Seules les conditions d’exploitation du fonds par le cessionnaire pourront constituer des motifs d’opposition recevables.

Les conditions exigées du cessionnaire dans le cadre d’une cession dans le cadre familial seront pareillement exigées du cessionnaire candidat à la reprise d’un bail cessible.

Les garanties économiques d’exploitation par le cessionnaire devront être appréciées par le juge paritaire afin de statuer sur la validité de l’opposition du bailleur. Comme précédemment, le cessionnaire devra donc avoir les moyens matériels et financiers d’exploiter correctement les biens objets du bail.

Pareillement, le cessionnaire devra justifier des conditions de diplôme et d’expérience professionnelles telles que prescrites par l’article R.331-1 du code rural.

Enfin, le cessionnaire devra justifier de sa situation au regard du contrôle des structures, dès lors que cette réglementation s’applique dès qu’il y a un transfert d’exploitation, « quels que soient la forme ou le mode d'organisation juridique de celle-ci, et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée » (Art. L331-1 du code rural)

En conclusion, le contexte de la cession, qu’elle soit envisagée dans le cadre familial, ou en vertu d’une clause de cessibilité, ne modifie pas les conditions exigées du candidat cessionnaire, dont les moyens, capacités et compétences sont strictement examinées à l’occasion de la cession.





Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

DERVILLERS Julien

Historique

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