L'erreur matérielle et l'attribution des marchés publics

L'erreur matérielle et l'attribution des marchés publics

Publié le : 03/05/2013 03 mai mai 05 2013

La question se pose régulièrement de savoir quelles sont les conséquences d'une erreur comprise dans l'offre formulée par le candidat à un marché public à la suite par exemple d'une omission d'un poste ou d'une erreur matérielle dans le prix.

Attribution du marché public et erreur matérielleQu'en est-il lorsque l'erreur matérielle n'affecte non pas l'offre du candidat mais est commise par le pouvoir adjudicateur ou la commission d'appel d'offre lesquels intervertissent à titre d'exemple les notes des candidats conduisant à une attribution « erronée » du marché ?
En présence d'une telle erreur matérielle, comment le pouvoir adjudicateur peut-il réagir ?

Le préalable est nécessairement l'appréciation de ce qu'est une erreur matérielle.

En présence d'une pure erreur matérielle, le Juge Administratif laisse au pouvoir adjudicateur une marge de manœuvre.

A titre d'exemple, il est tout à fait possible, pour le pouvoir adjudicateur, de procéder à une modification du montant de l'offre d'un candidat s'il s'agit d'une rectification d'une pure erreur matérielle, c'est-à-dire d'une erreur d'une nature telle que nul ne pourrait s'en prévaloir de bonne foi.

Cela a été jugé par le Conseil d'Etat dans un arrêt du 21 septembre 2011 n° 349149 département Haut de Seine.
Cela vient d'être confirmé dans un arrêt de la Cour Administrative d'Appel de DOUAI du 17 janvier 2013 n° 12 DA 00594 Préfet de la Région Nord Pas de Calais.

Certes, cette jurisprudence concerne la modification unilatérale par le pouvoir adjudicateur d'une offre du candidat retenu.

Néanmoins, le principe de l'erreur matérielle pure semble pouvoir être transposable dans le cas de l'envoi par erreur de la décision d'attribution du marché à un candidat qui en réalité n'est pas celui arrivant en première position.

Il existe également une jurisprudence concernant les conditions dans lesquelles une commission d'appel d'offre peut revenir sur le choix initial de l'attributaire en cas d'erreur matérielle.

Ainsi, la Cour Administrative d'Appel de Paris dans une décision du 10 février 2004, n° 99PA01947 Préfet des Yvelines a apporté quelques précisions.

Particulièrement au cas d'espèce, la Cour rappelait que le Code des Marchés Publics faisait obstacle à ce que, après avoir effectué son choix, une commission d'appel d'offre procède de nouveau à un examen des offres pour retenir en définitive l'offre d'une autre entreprise.

Néanmoins, il est précisé que les choses peuvent être différentes dans le cas où le choix de la commission était fondé sur des éléments entachés d'erreurs matérielles.
En l'espèce, la Cour Administrative d'Appel afin de permettre une telle démarche, relevait que la Commission pouvait retirer sa décision et reprendre l'examen des offres dans la mesure où il n'était pas porté atteinte aux conditions de la concurrence entre les entreprises et que la procédure n'était dès lors pas entachée d'irrégularités.
Le cas précis de cet arrêt reste néanmoins différent puisqu'en l'état aucune décision n'avait encore été notifiée aux entreprises.

Dans le cas d'erreur matérielle dans le cadre du rapport émanant d'une CAO, il y a lieu de prendre connaissance d'un arrêt rendu par la CAA de MARSEILLES du 09 janvier 2013 n°10MA02059.

En effet, dans cet arrêt, les notes de l'attributaire avaient fait l'objet d'une interversion avec celle d'un autre candidat.
L'erreur matérielle est retenue.

Ainsi, en cas d'erreur matérielle, une CAO ne peut procéder à un nouvel examen des offres sauf si le premier est entaché d'une erreur matérielle telle que nul ne peut s'en prévaloir de bonne foi.

CE, 21.09.2011, N°349149

L'erreur matérielle semble donc pouvoir être retenue dans la mesure où c'est l'identité du candidat ayant présenté l'offre économiquement la plus avantageuse qui est affectée d'une erreur matérielle sans qu'une modification de l'offre en première position en tant que telle ne survienne.



Comment réagir alors pour sauvegarder le marché en question ?

Cela dépend du stade d'avancement de la procédure.

Qu'en est-il lorsque les courriers de rejet des offres ont été adressés aux candidats évincés, que l'attributaire est prévenu de cette attribution mais que le marché n'a pas encore été notifié ni l'acte d'engagement signé ?
Le contrat n'est pas encore formé.
En effet, le lien contractuel ne pourra intervenir qu'une fois l'acte d'engagement signé par le pouvoir adjudicateur et notifié à l'attributaire.

L'existence d'un engagement est subordonnée à la condition que la personne publique qui passe le marché ne renonce pas à sa conclusion.

L'attributaire du marché ne dispose, en effet, d'aucun droit à la signature du marché. Voir pour exemples :CE, 10.10.1984 n°16234, CAA LYON 07.01.2012 n°07LY00624.
Telle est la raison pour laquelle il est tout à fait possible pour le pouvoir adjudicateur de prononcer la déclaration sans suite de ce marché pour motif d'intérêt général.

Cette possibilité est prévue à l'article 59 du Code des Marchés Publics pour les procédures d'appel d'offre mais s'applique également en procédure adaptée (CE, 18.03.2005 N°238752).

Si cette déclaration sans suite était mise en œuvre, elle devrait bien évidemment être motivée et notifiée à l'ensemble des candidats. Pour un exemple, voir Cour Administrative d'Appel de Lyon, 7 janvier 2010 n° 07 LY00624.
Le pouvoir adjudicateur devra recommencer une procédure entière s'il souhaite repasser le marché dans le respect du motif d'intérêt général ayant justifié la déclaration sans suite antérieure.

En outre, si le choix de procéder à une déclaration sans suite pour motif d'intérêt général relève du pouvoir discrétionnaire de la personne publique, il doit exister un motif légitime.

A titre d'exemple, il a été jugé que constituait un motif d'intérêt général justifiant une déclaration sans suite en cas d'erreur impossible à corriger sans remettre en cause les conditions de la consultation.
Pour un exemple : Voir CAA VERSAILLES, 05.01.2012 n°08VE02889.

Le motif légitime doit être adapté aux conséquences de cette déclaration sans suite et ne pas confiner à un détournement de procédure.
En présence d'une erreur matérielle, le motif d'intérêt général n'est pas justifié et ce d'autant plus qu'une correction doit pouvoir intervenir.

Telle n'est donc pas la démarche qui doit être suivie à mon sens pour sauvegarder le marché dont la procédure de passation reste en cours.

En effet, il semblerait plus opportun pour le pouvoir adjudicateur de procéder simplement au retrait des décisions de rejet de l'offre du candidat qui aurait dû être retenu et de celle d'attribution à l'autre entreprise « faussement » attributaire.

En effet, le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu par l'avis émis par la CAO, et ce d'autant plus que la décision de cette dernière n'est pas une décision créatrice de droit. (CE, 31.05.2010 n°315851)

En revanche, la notification du rejet d'une offre comme l'envoi de la décision d'attribution au candidat retenu constituent des décisions créatrices de droit (CE, 31.05.2010, N°315851).
S'agissant de décisions individuelles créatrices de droit elles peuvent parfaitement faire l'objet d'une décision de retrait du pouvoir adjudicateur.

Concrètement, à ce stade, le pouvoir adjudicateur a la possibilité d'adresser un courrier à l'attributaire actuel afin de lui faire part du retrait de la décision d'attribution du marché qui lui a été notifié.

Cette décision est motivée par l'erreur matérielle affectant la décision prise, erreur matérielle qui si elle n'était pas corrigée conduirait à une illégalité manifeste puisque l'entreprise ayant formulé l'offre économiquement la plus avantageuse n'est pas celle destinataire de la décision d'attribution.

Cette décision de retrait porterait également en conséquence rejet de son offre suivant la correction apportée.


Le pouvoir adjudicateur ferait la même chose en ce qui concerne « le bon attributaire » en lui notifiant le retrait de la décision de rejet et en l'informant de sa qualité d'attributaire.

Naturellement ces décisions doivent être motivées clairement à l'appui des explications et justificatifs de cette erreur matérielle.

Cela reste la solution la plus simple pour poursuivre et achever la procédure de passation et l'attribution du marché en présence d'une simple erreur matérielle.





Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © KonstantinosKokkinis - Fotolia.com

Auteur

LE LAIN Marion
Avocate
1927 AVOCATS - Poitiers, 1927 AVOCATS - La-Roche-Sur-Yon
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