La prise illégale d'intérêts : un risque non négligeable pour tout élu local

Publié le : 10/01/2013 10 janvier janv. 01 2013

Par une décision du 21 novembre 2012 n°334726, le Conseil d’État vient de rejoindre la position prise par la Cour de Cassation, portant ainsi un resserrement de la notion de prise illégale d’intérêts pour tout élu local.

Le resserrement de la notion de prise illégale d'intérêts pour tout élu localL’article R.432-12 du Code Pénal dispose que constitue le délit de prise illégale d’intérêts :

«le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargé d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement».

Ce délit est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.

Il est jugé qu’un élu s’est rendu coupable de prise illégale d’intérêts lorsqu’il a pris part au vote d’une séance du Conseil Municipal au cours de laquelle une affaire le concernait directement (Chambre Criminelle de la Cour de Cassation 19 mars 2008 n°07-84288 pour le déclassement d’un chemin rural permettant de modifier le tracé de ce chemin, engendrant l’extension de la propriété de l’élu).

De même, assister à la séance sans prendre part au vote est également constitutif d’une prise illégale d’intérêts (Chambre Criminelle de la Cour de Cassation 9 février 2011 n°10-82988).

La Cour de Cassation considère même que l’élu ne doit absolument pas prendre part aux travaux préparatoires qui ont permis d’étudier le dossier ou d’envisager la décision et ce même si l’élu local ne siège pas par la suite à la séance du Conseil Municipal (Chambre Criminelle Cour de Cassation 23 février 2011 n°10-82880).

Au regard de la jurisprudence de la Cour de Cassation, un élu local ne doit donc prendre part ni à la séance du Conseil Municipal ni à aucune réunion permettant la préparation d’un document d’urbanisme ou de toute décision à laquelle il pourrait avoir un intérêt de près ou de loin.

L’élu se verrait dans le cas contraire reprocher son influence, à tort ou à raison.

Par l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 21 novembre 2012, la Juridiction Administrative fait sienne le raisonnement issu de la jurisprudence de la Cour de Cassation.

Dans cette espèce, un exploitant agricole, Premier Adjoint au Maire, a siégé à des réunions de la Commission Municipale qui a élaboré le projet de la carte communale, document d’urbanisme qui a par la suite fixé le périmètre de protection autour de l’exploitation agricole de 50 à 100 m.

Cet élu n’a pas participé à la séance du Conseil Municipal portant sur la carte communale.

Néanmoins, il lui est reproché d’avoir participé aux travaux préparatoires et aux débats qui ont précédés l’adoption de la carte communale de sorte que la délibération approuvant la carte communale est jugée illégale :

« 4. Considérant qu’au terme de l’article L.2131-11 du Code Général des Collectivités Territoriales : « sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du Conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires. » ; qu’il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l’adoption d’une délibération, par une personne intéressée à l’affaire qui fait l’objet de cette disposition est de nature à entrainer l’illégalité de cette disposition ; que, de même, la participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l’adoption d’une telle délibération, par une personne intéressée à l’affaire qui fait l’objet de cette disposition, est susceptible de vicier la légalité de cette disposition, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d’une participation au vote de la disposition litigieuse, dès lors que la personne intéressée était en mesure d’exercer une influence effective sur la délibération litigieuse ; ».

Au regard de ces éléments, l’élu en question pourrait parfaitement faire par la suite l’objet de poursuite pour prise illégale d’intérêts.

Afin de se prémunir contre ce délit, il est donc vivement recommandé à chaque élu local :

- d’une part, de ne pas être présent à une séance de l’organe délibérant portant sur une affaire à laquelle il est intéressé et encore moins de prendre part au vote,
- d’autre part, de ne pas participer à quelque commission ou réunion permettant la préparation et les débats en vue de la prise de la décision par l’organe délibérant.

L’influence réelle de l’élu n’a pas à être démontrée puisque sa seule présence permet de retenir devant la juridiction pénale une prise illégale d’intérêts, et devant la juridiction administrative l’annulation de la décision attaquée.

Les élus locaux sont donc appelés, chaque jour un peu plus, à être vigilants dans chaque action qu’ils entreprennent.



Cet article a été rédigé par Anne MEUNIER



Cet article n'engage que son auteur.

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