Compte-rendu de la Table ronde "apaiser pour gagner", Congrès Eurojuris de Strasbourg

Publié le : 13/02/2013 13 février févr. 02 2013

Afin de conserver des relations commerciales avec son adversaire qui auraient été compromises avec le litige devant le prétoire, la médiation s'avère être un choix possible. Un mode de règlement des litiges qui n'exclut pas les avocats bien au contraire.

L'avocat comme acteur de la médiation indispensablePierre Philippe HARMEL
Cabinet Harmel - Herinckx - de Ridder (BRUXELLES), Médiateur


Expérience de la médiation en Belgique : se former en médiation pour accompagner au mieux ses clients


Témoignage : Pierre-Philippe HARMEL fut l’avocat d’une partie lors d’une procédure en rachat d’action dans une société familiale. La procédure était longue et dura près de 8 ans. Chaque avocat avait rédigé des conclusions volumineuses de 80 à 100 pages et était prêt à se lancer dans une plaidoirie tonitruante et flamboyante. Pierre-Philippe HARMEL s’était donc préparé pour une audience belliqueuse. Que ne fût pas son étonnement lorsque le juge de manière liminaire propose aux parties de recourir à la médiation. Les parties sont alors allées devant le médiateur. Une déception forte s’en ressent. Cette médiation a échoué mais les mêmes parties se sont retrouvées lors de deux nouveaux litiges et le même médiateur a été sollicité. La médiation a triomphé dans les deux cas. Pierre-Philippe HARMEL a alors décidé de faire une formation non pas pour être médiateur mais pour mener et accompagner le médiateur par sa compréhension du processus de médiation qui n’est pas inné. La médiation ne s’improvise pas, l’avocat n’est pas médiateur même s’il avait toujours pensé être en soi un médiateur.


Il ne faut pas penser la médiation comme une déperdition d’activité. Il y a trois certitudes dans les procès : dans les deux autres litiges cela a duré deux mois pas dix ans. Les clients ont trouvé leur solution et pas celle de l’avocat. Chacun gagne dans une solution qu’il a construite avec l’autre. La vraie révolution quand on accompagne des entreprises on peut leur dire qu’un litige ce n’est plus des honoraires sans fin mais l’avocat accompagne lors du litige et on signera un contrat avec celui avec qui on avait un conflit. On pourra poursuivre d’autres relations commerciales par la suite. Nous retrouvons une logique à notre métier dans nos relations avec nos clients. Alors que lors de l’audience traditionnelle le client n’est pas là et ne sait pas ce qu’on a dit pour lui.


Guy BOTTEQUIN
Médiateur agréé au CMAP, Accredited by the GENEVA Courts en différends internationaux propres au marché économique
Mediator conflict transformation and peace building

Guy Bottequin de manière liminaire revient sur les mots du sociologue Denis Muzet qui a ouvert cette journée du 1er février. Guy Bottequin annonce sans ambages qu’il veut être sévère sur le rôle des avocats car la médiation sans les avocats c’est la médiation contre les avocats.


Voir l’interview de Guy Bottequin pour Eurojuris France : cliquez ici.


Guy Bottequin a détaillé divers cas pratiques, pour des raisons de confidentialité, lesdits cas ne sont pas retranscrits dans le présent compte-rendu.


La formation du médiateur est importante surtout dans le non-verbal. Selon Guy BOTTEQUIN il ne saurait y avoir de médiation sans paperboard. Le paperboard ne remplit pas alors un rôle de support écrit, il n’est nullement là pour que le médiateur écrive mais il est cardinal car le médiateur va alors se lever et le médiateur doit indubitablement créer une posture. Lorsqu’un médiateur est droitier par exemple, il va toujours devoir se placer à gauche du paperboard. Le regard est également important car «on écoute avec les yeux». Un grand philosophe parisien intervenant à Grenoble lors d’une manifestation à laquelle Guy Bottequin a participé a annoncé de manière péremptoire devant un auditoire qu’il est impossible pour un médiateur d’être impartial. Guy Bottequin lui donne à la fois tort et raison. De prime abord tout à chacun est subjectif mais grâce aux formations il est possible de surpasser cette subjectivité afin de la transcender et d’atteindre l’objectivité la plus salvatrice.


On apprend dans les formations le mime par lequel on fait croire à l’autre qu’on est impartial.


Le lieu où se déroule la médiation a également son importance. Comment recevoir les parties et où les recevoir ? La réponse à cette question dépend bien entendu du cas. Le médiateur ne recevra pas de manière systématique les parties en son Cabinet. Il faut sélectionner un lieu où les parties se sentent bien. Il faut être dans la perfection. Il faut parvenir à faciliter le dialogue entre les parties et pour créer cette osmose le lieu va donc jouer son importance. Le médiateur va alors faire parvenir les parties à être d’accord sur leur désaccord. Il faut laisser parler les parties, cela peut prendre plusieurs jours ou seulement quelques heures. Ce ne sont pas les médiateurs qui font les accords mais les avocats.


Dans certains cas les parties vont recourir à la médiation compte tenu de la nature de leur activité car la médiation implique la confidentialité. Des matières hautement techniques sont des terrains propices à la médiation comme l’aéronautique par exemple.


Le médiateur a cette capacité d’écoute et de reformulation essentielle qui va permettre de dénouer le litige. Les problèmes peuvent être de plusieurs ordres, que ce soit des problèmes internes, des problèmes liés au travail (troubles psycho-sociaux par exemple), à la famille... Le caractère protéiforme des conflits doit être épinglé. Le conflit familial se règle si le conflit de travail est réglé et le social aussi.


Les avocats sont contre la médiation car certains médiateurs demandent 100 euros de l’heure ce qui est considéré comme étant de la concurrence déloyale.


***

Benoît HORN
Cabinet HORN & Associés (STRASBOURG – MULHOUSE), Médiateur


Benoît HORN est avocat au Barreau de Strasbourg et spécialiste en droit immobilier et droit des sociétés. En 2005, lors d’une discussion avec un client promoteur, il lisait un rapport d’expertise plutôt favorable qui annonçait une belle procédure en perspective. Le client scrutant l’expertise comme on scrute le marc de café affirme alors sans ambages qu’il ne veut pas s’engager dans une procédure judiciaire. L’étonnement était à son comble pour l’avocat strasbourgeois qui voit alors partir en fumée un dossier florissant.


Finalement, selon ses mots, c’est par un processus tout naturel de la vie d’avocat qu’il a été conduit à la médiation. Un médiateur est d’abord un médiateur il doit avoir acquis une formation théorique et pratique. Il décide alors de créer un centre de médiation dédié à l’immobilier et la construction. Le tollé est immense. Les anciens médiateurs crient haro sur le centre ainsi créé et soutiennent qu’il n’a rien compris à la médiation. Selon eux, moins le médiateur est un sachant, meilleure est l’issue du procès.


La médiation est avant tout un processus pragmatique dont l’objectif est d’aider les parties par toute une série de systèmes de process. Il faut les aider à trouver leur solution et non la solution dont vous souhaiteriez les vêtir. Lorsque vous maitrisez la technique de la médiation il y a une valeur ajoutée à connaître la matière. Il faut acquérir la confiance, lorsqu’on a affaire à des gens de la construction, du bâtiment. Il y a des choses qui nous sont communes dans une médiation l’un dit cet article dit cela ils acquièrent un a priori de confiance dans le problème, avantage dans la rapidité ils font confiance car on sait de quoi ils vont me parler lorsque le médiateur est un juriste en droit de la construction. Dans une médiation, il est d’ailleurs possible d’avoir recours à un expert précise Benoit Horn.


Les avocats n’ont pas tous vocation à être médiateurs mais ils ont un intérêt bien compris à accompagner les clients dans la médiation. Selon la formule consacrée, il vaut mieux facturer bien trois mois que mal pendant des années. Il faut être dans l’accompagnement du chef d’entreprise dans l’efficacité. L’avocat a un rôle à jouer pendant la médiation car il est aux côtés de son client, vous pouvez alors le tempérez car vous seul savez quand il va au-delà de ce qu’il peut exiger. Jamais le médiateur n’a vocation à rédiger l’accord. Car il n’en a pas les compétences juridiques. Lorsqu’il est architecte, ingénieur il n’a pas la compétence juridique. Les avocats reprennent la main mettent en forme juridique pour que l’accord soit homologué par un tribunal. L’avocat reprend la main et en règle générale le médiateur se contente de regarder la transaction. L’avocat a pleinement sa place dans la médiation avant, pendant et après !


??Questions/Réponses


Jean-Luc Médina (CDMF avocats) :
Il fut à l’initiative avec d’autres membres du barreau de la création d’un centre de médiation au barreau de Grenoble. Cependant il n’est pas lui-même médiateur car tout le barreau a décidé de se mettre à la médiation. Jean-Luc Medina affirme qu’il est important d’éviter le discours consistant à dire que la médiation est formidable. Il existe à n’en pas douter des dossiers longs qui se règlent à une vitesse incroyable en médiation. Des dossiers doivent aller absolument en médiation. La médiation c’est formidable mais parfois besoin du rôle émulateur du Juge.


Guy Bottequin :
Il y a des dossiers qui ne peuvent pas aller en médiation. Il est favorable à ce que l’avocat parle plus avec le client. Il est important de faire une grille au client lors du premier rendez-vous en l’informant des temps du dossier s’il recourait à l’arbitrage, à la médiation ou à d’autres MARL.


La médiation à toutes les sauces ne fonctionne pas.


Les critères pour qu’une affaire soit propice à la médiation (Sophie CREPIN) :
-Est-ce que à l’avenir les parties vont être amenées à travailler ensemble ? La continuité des relations commerciales.
-Est-ce qu’on peut aboutir à une solution équitable ? Si la solution en droit est catastrophique pour une partie.


On ne force jamais à la médiation. Le juge qui l’imposerait échouerait. Le juge doit seulement suggérer, ensuite libre aux parties d’accepter ou non. Il est d’assez mauvais ton de dire qu’on veut conserver une plaidoirie lorsque le juge propose une médiation.


Même si l’avocat ne croit pas à la médiation proposée par le juge il doit au moins se présenter à la première séance.
Pour des questions de responsabilité (devoir de conseil de l’avocat) il est important de mentionner la médiation.
Selon Christian ROUSSE, dans les lettres de mise en demeure rien n’empêche de rajouter un paragraphe en disant qu’on est ouvert à la médiation. Au Québec, les avocats peuvent suggérer l’identité d’un avocat reconnu en droit collaboratif dans le cœur d’une lettre de mise en demeure.


Mot de la fin : le casse-tête de Michel Barnier à la tête de la responsabilité de la médiation est-ce que le médiateur doit être un professionnel ou un expert que le tribunal nomme ? En usant du prisme du droit comparé, Guy Bottequin fait remarquer qu’en Allemagne les magistrats sont médiateurs. En Italie depuis le 4 mars 2011 la médiation obligatoire a été abrogée.



SUR LE MEME THEME:? Rapport du Congrès Eurojuris, France 2013: Table ronde apaiser pour mieux gagner partie I


Cet article n'engage que son auteur.

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