Coronavirus et tenue AG sociétés

Comment tenir les assemblées générales des sociétés et respecter les délais dans le contexte de la crise sanitaire ?

Publié le : 30/03/2020 30 mars mars 03 2020

Une ordonnance du 26 mars 2020 vient adapter les règles de convocation, d’information, de réunion et de délibération des assemblées et des organes collégiaux d’administration, de surveillance ou de direction des personnes morales d’une part, et des entités dépourvues de personnalité morale de droit privé d’autre part, afin de leur permettre de continuer d’exercer leurs missions malgré les mesures de confinement et la continuité du fonctionnement de ces groupements.

Cette ordonnance est applicable aux assemblées et aux réunions des organes collégiaux d'administration, de surveillance et de direction tenues à compter du 12 mars 2020 et jusqu'au 31 juillet 2020, sauf prorogation de ce délai jusqu'à une date ultérieure fixée par décret et au plus tard le 30 novembre 2020.

Sur le champ d’application, l’ordonnance indique que cela concerne : les personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé, et notamment :

1° Les sociétés civiles et commerciales ;

2° Les masses de porteurs de valeurs mobilières ou de titres financiers ;

3° Les groupements d'intérêt économique et les groupements européens d'intérêt économique ; 4° Les coopératives ;

5° Les mutuelles, unions de mutuelles et fédérations de mutuelles ;

6° Les sociétés d'assurance mutuelle et sociétés de groupe d'assurance mutuelle ;

7° Les instituts de prévoyance et sociétés de groupe assurantiel de protection sociale ; 8° Les caisses de crédit municipal et caisses de crédit agricole mutuel ;

9° Les fonds de dotation ;

10° Les associations et les fondations.
 

Le terme « notamment » est utilisé, cela signifie que la liste est non limitative.

Aussi, à la diversité et la variété de ces entités répond une diversité d’organes et une variété de règles qui y sont applicables. Les mesures prévues par l’ordonnance couvrent , l’ensemble des assemblées, ordinaires ou extraordinaires, telles que les assemblées générales des actionnaires, associés, membres, sociétaires ou délégués, les assemblées spéciales, les assemblées des masses, mais aussi l’ensemble des organes collégiaux d’administration, de surveillance ou de direction, tels que les conseils d’administration, conseils de surveillances et directoires.

 

Pour les assemblées, le texte prévoit deux adaptations :

- Une adaptation des règles de convocation et d’information

Convocation des assemblées :

Dans les sociétés cotées, dont les assemblées peuvent comporter un nombre significatif de membres, certains membres devant être convoqués par voie postale, aucune nullité des assemblées n’est encourue lorsqu’une convocation devant être réalisée par voie postale n’a pu l’être en raison de circonstances extérieures à la société.

Les  motifs  de  l’ordonnance  précisent  que  « Ces  circonstances  extérieures   recouvrent notamment l’hypothèse dans laquelle les sociétés mentionnées audit article, ou leurs prestataires, ont été empêchées d’accéder à leurs locaux ou de préparer les convocations nécessaires, dans le contexte de l’épidémie de covid-19 ».

Information des membres :

L’ordonnance étend et facilite l’exercice dématérialisé du droit de communication dont les membres des assemblées jouissent préalablement aux réunions de ces dernières. Sous réserve de cet aménagement, le droit de communication demeure régi par les dispositions propres à chaque assemblée.

- Une adaptation des règles de participation et de délibération des assemblées

Dérogation aux règles de participation :

Le texte précise que lorsqu'une assemblée est convoquée en un lieu affecté à la date de la convocation ou à celle de la réunion par une mesure administrative limitant ou interdisant les rassemblements    collectifs pour des motifs sanitaires, l'organe compétent pour la convoquer ou le représentant légal agissant sur délégation de cet organe peut décider qu'elle se tient sans que les membres et les autres personnes ayant le droit d'y assister ne soient présents physiquement ou par conférence téléphonique ou audiovisuelle.

Dans ce cas, les membres participent ou votent à l'assemblée selon les autres modalités prévues par les textes qui la régissent tels qu'aménagés et complétés le cas échéant pas la présente ordonnance. Les décisions sont alors régulièrement prises.

L’application de ce dispositif exceptionnel est soumise à une condition : l’assemblée doit être convoquée en un lieu affecté, à la date de la convocation (entendue au sens  large ce qui inclut, dans les sociétés cotées, l’avis de réunion) ou à celle de la réunion, par une mesure administrative limitant ou interdisant les rassemblements collectifs pour des motifs sanitaires.

La décision de faire application de cette mesure incombe à l’organe compétent pour convoquer l’assemblée, qui peut déléguer sa compétence à cet effet au représentant légal du groupement.

Cette mesure emporte dérogation exceptionnelle et temporaire au droit des membres des assemblées d’assister aux séances ainsi qu’aux autres droits dont l’exercice suppose d’assister à la séance (tels que, par exemple, le droit de poser des questions orales ou de modifier les projets de résolutions en séance dans les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions).

Mais elle est sans effet sur les autres droits des membres (tels que, par exemple, le droit de voter, le droit de poser des questions écrites et le droit de proposer l’inscription de points ou de projets à l’ordre du jour dans les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions) . Le texte rappelle que les membres participent ou votent à l'assemblée selon les autres modalités prévues par les textes qui la régissent.

Les membres de l'assemblée et les autres personnes ayant le droit d'y assister sont avisés par tout moyen permettant d'assurer leur information effective de la date et de l'heure de l'assemblée ainsi que des conditions dans lesquelles ils pourront exercer l'ensemble des droits attachés à leur qualité de membre ou de personne ayant le droit d'y assister.


Recours à la visio conférence :

Afin de faciliter la participation des membres des assemblées qui se tiendront à huis clos en application des dispositions du texte, l’ordonnance étend et assouplit exceptionnellement le recours à la visioconférence et aux moyens de télécommunication :

o pour les groupements pour lesquels ce mode de participation alternatif n’est pas déjà prévu par la loi, en l’autorisant exceptionnellement,

o pour les groupements pour lesquels ce mode de participation alternatif est déjà prévu par la loi sous réserve de certaines conditions, en neutralisant exceptionnellement ces conditions (en particulier la condition tenant à l’existence d’une clause à cet effet dans les statuts ou le contrat d’émission) et toute autre clause contraire des statuts ou du contrat d’émission, sous réserve, dans chaque cas, que les moyens de visioconférence ou de télécommunication respectent les caractéristiques fixées par la loi et les règlements pour garantir l’intégrité et la qualité des débats.

La décision de recourir à la visioconférence ou aux moyens de télécommunication incombe à l’organe compétent pour convoquer l’assemblée ou, le cas échéant, à son délégataire.

Cette mesure concerne l’ensemble des décisions relevant de la compétence des assemblées des groupements, y compris, le cas échéant, celles relatives aux comptes.

La condition posée par le texte est de disposer des moyens techniques adéquats et notamment d’assurer l’identification des actionnaires ou associé.

Il s’agit toutefois que d’une simple faculté pour les groupements, qu’ils peuvent mettre en œuvre s’ils disposent des moyens techniques adéquats.


Consultation écrite des assemblées :

L’ordonnance assouplit le recours à la consultation écrite des assemblées pour lesquelles ce mode de participation alternatif est déjà prévu par la loi, en le rendant possible sans qu’une clause des statuts ou du contrat d’émission soit nécessaire à cet effet ni ne puisse s’y opposer.

Cette mesure concerne l’ensemble des décisions relevant de la compétence des assemblées des groupements, y compris, le cas échéant, celles relatives aux comptes.

Prise en compte des formalités déjà accomplies avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance

Le texte aménage exceptionnellement les formalités de convocation des assemblées dont le lieu et les modes de participations seront modifiés par l’application des dispositions de l’ordonnance.

Pour les groupements qui ont commencé à procéder à ces formalités avant la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance en vue d’une assemblée appelée à se tenir après cette date, c’est l’organe compétent du groupement qui décide de faire application de la possibilité de tenir une assemblée hors la présence de ses membres à la séance ou de l’un des modes alternatifs de participation (visioconférence et moyens de télécommunication, consultation écrite). Il en informe les associés : soit par voie de communiqué dans les sociétés cotées / soit par tous moyens permettant d’assurer l’information effective des membres dans les autres sociétés .

Les formalités déjà accomplies à la date de cette décision n’ont pas à être renouvelées,  tandis que celles restant à accomplir doivent l’être.

Pour les organes collégiaux d’administration, de surveillance ou de direction, le texte prévoit les mêmes adaptations.

Recours à la visio-conférence :

L’ordonnance étend et assouplit exceptionnellement le recours aux moyens de visioconférence et de télécommunication pour ces organes, que celui-ci soit déjà prévu par la loi ou les dispositions réglementaires ou non.

Le recours à ces moyens est autorisé pour l’ensemble des réunions de ces organes, y compris celles relatives à l’arrêté ou à l’examen des comptes annuels.

Les clauses contraires des statuts sont neutralisées tandis que l’existence de dispositions à cet effet dans le règlement intérieur n’est plus une condition de recours à ces moyens.

Comme pour les assemblées, les moyens techniques mis en œuvre doivent permettre l’identification des membres de ces organes et garantir leur participation effective. Ils doivent « transmettre au moins la voix des participants et satisfaire à des caractéristiques techniques permettant la retransmission continue et simultanée des délibérations ».

 

Consultations écrites :

L’ordonnance étend et assouplit le recours à la consultation écrite des organes collégiaux d’administration, de surveillance  ou  de  direction,  que  celle-ci  soit  déjà  prévue  par  la  loi  ou  les dispositions réglementaires ou non.

Là encore, le recours à ce mode de délibération est autorisé pour l’ensemble des réunions de ces organes, y compris celles relatives à l’arrêté ou à l’examen des comptes annuels.

Les clauses contraires des statuts sont neutralisées tandis que l’existence de dispositions à  cet effet dans le règlement intérieur n’est plus une condition de recours à ce mode de délibération.

La consultation écrite doit être réalisée dans des conditions assurant la collégialité de la délibération (voir notamment les conditions de délais).

Enfin, l’ordonnance souligne le caractère facultatif des différentes mesures mise en place qui doit inciter les groupements à organiser une sortie progressive du dispositif d’exception résultant de l’ordonnance, dès lors que son application ne paraîtra plus nécessaire au regard des circonstances propres à chaque groupement.

 

Cet article n'engage que son auteur.
 

Auteur

Christophe Delahousse
Avocat
Cabinet Chuffart Delahousse, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
ARRAS (62)
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