Le Commissaire du Gouvernement est mort, vive le Rapporteur Public

Publié le : 09/02/2009 09 février févr. 02 2009

D’abord réduit au rôle de spectateur du délibéré, puis carrément évacué de celui-ci - du moins devant les juridictions de fond -, le commissaire du gouvernement a tremblé sur son devenir.

Evolution de la procédure administrativeCela faisait déjà un moment que le commissaire du gouvernement était sur la sellette.
Droit européen et Convention des Droits de l’Homme obligent …

D’abord réduit au rôle de spectateur du délibéré, puis carrément évacué de celui-ci - du moins devant les juridictions de fond -, le commissaire du gouvernement a tremblé sur son devenir.

Il est vrai qu’il s’est défendu avec brio et, en définitive, l’institution est sauve !

Annoncé par le communiqué du Conseil d’Etat du 25 juin 2008 puis par le rapport du 15 septembre 2008, le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 constitue cependant une étape historique dans l’évolution de la procédure administrative.


1. La modification terminologique apportée par le décret du 9 janvier 2009, avec l’aval du Conseil Constitutionnel (décision n° 2006-208L du 30 novembre 2006) est surtout symbolique : suspecté d’être un commis de l’exécutif , le commissaire du gouvernement devient un simple rapporteur de la juridiction, dont le rôle ne se confond pas, cependant avec celui du conseiller rapporteur, qui se borne à rappeler les demandes des parties.

Dans la pratique, probablement rien de révolutionnaire : le rapporteur public continuera à envisager les questions posées par le dossier, développer l’état du droit positif applicable et proposer une solution.

2. En revanche, les parties ou leurs mandataires pourront désormais connaître avant l’audience le sens des conclusions du rapporteur public sur l’affaire qui les concerne, sans avoir à en faire la demande.

Cette disposition est applicable devant les juridictions de fond (article R 711-3) et devant le Conseil d’Etat (article R 712-1) à compter du 1er février 2009.

La pratique définira sans doute le délai signifié par la locution « avant l’audience » (un jour avant ? un mois avant ?) …

Le spectre de l’article 6 de la CEDH devrait conduire à laisser un temps suffisant aux parties et à leurs mandataires pour préparer une éventuelle contre attaque !

De même, la pratique dira ce que recoupe exactement le sens du « sens » des conclusions du rapporteur public : la simple annonce de conclusions d’irrecevabilité, de rejet ou d’accueil d’une requête est certainement insuffisante au regard des garanties du procès équitable.

A défaut du contenu intégral des conclusions, les moyens principaux d’accueil ou de rejet de la requête devraient être portés à la connaissance des plaideurs.
Le rapporteur public pourra t-il modifier ses conclusions après en avoir communiqué le « sens « ? Les parties ou leurs mandataires pourront-ils déposer un nouveau mémoire après avoir pris connaissance du sens des conclusions du rapporteur public ?

Autant de questions livrées aux audaces des uns et des autres et, pour finir, à la sagesse du Conseil d’Etat …

3. Le décret prévoit aussi que l’avis d’audience mentionne les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires pourront prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public : par fax, par courrier, par mail ? l’ordre administratif n’a pas attendu le RPVA (ni le CNB) pour être moderne et efficace !

Cette disposition ne sera toutefois applicable qu’à partir du 1er avril 2009.

Jusque là, ce sera à nous de nous préoccuper de la communication du sens des conclusions du rapporteur public.

4. Enfin, dernière innovation, et non des moindres, puisqu’elle met un terme à de longues décennies de frustration chez les avocats :

Les parties ou leurs mandataires pourront, devant les juridictions de fond, présenter de « brèves » observations orales APRES le prononcé des conclusions du rapporteur public.

Devant le Conseil d’Etat, seuls les Avocats aux Conseils le pourront.

Cette disposition n’exclut nullement, en sus, le recours à la note en délibéré.

La procédure étant en principe écrite, les observations « orales » devraient être portées – par le greffe, sous contrôle de la partie qui les a formulées ? - à la connaissance de la partie qui s’est abstenue de se rendre à l’audience, et ce, afin de respecter le contradictoire. La partie adverse sera alors tentée de déposer une note en délibéré pour répondre aux observations « orales »... Quand l’instruction sera-t-elle définitivement close ?

5. Lors des réflexions préparatoires, la piste avait été proposée d’inverser l’ordre des interventions et de donner la parole aux parties et à leurs mandataires, en dernier.

Plus satisfaisante au regard des droits de la défense, cette proposition n’a pas été retenue, mais, elle sera expérimentée, en matière fiscale, jusqu’au 31 décembre 2011, devant les juridictions pilotes désignées par l’arrêté du 27 janvier 2009 pris par le vice président du Conseil d’Etat, dans le cadre des dispositions de l’article 37-1 de la Constitution (admission de dispositions à caractère expérimental ayant un objet et une durée limités).

C’est le cas du Tribunal Administratif de NICE (6ème chambre) et de la Cour de Marseille.

En cas de bilan positif, la formule pourrait être étendue aux autres juridictions et aux autres matières.

Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

CHARLES-NEVEU Brigitte
Avocate Honoraire
NEVEU, CHARLES & ASSOCIES
NICE (06)
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