Résiliation unilatérale d’une convention de DSP dont la durée excède celle prévue par la loi

Résiliation unilatérale d’une convention de DSP dont la durée excède celle prévue par la loi

Publié le : 18/06/2013 18 juin juin 06 2013

Le Maire peut-il décider de résilier unilatéralement une convention de délégation de service public conclue pour 25 ans au seul motif que sa durée serait finalement excessive ?

Résiliation unilatérale d’une convention de délégation de service public dont la durée excède celle prévue par la loiSaisi de cette question, le Conseil d'Etat répond par l'affirmative dans une décision du 7 mai 2013 (n°365043).

Pour les entreprises délégataires de service public, une telle décision pourrait avoir un impact particulièrement important en termes de prévisibilité et de sécurité économique.

1. Les circonstances de l'affaireEn 1996, la commune de Fontainebleau avait conclu avec la Société AUXILIAIRE DE PARCS DE LA REGION PARISIENNE (SAPP) deux conventions d'une durée de 25 ans pour la modernisation et l'exploitation de trois parcs de stationnement souterrain et sur voirie.

En 2012, soit 16 ans plus tard, le Maire de Fontainebleau notifie à la société SAPP la résiliation de ses conventions au motif que leur durée serait tout compte fait excessive.

La société SAPP a alors saisi le juge administratif d'un recours de plein contentieux dirigé contre cette décision de résiliation et formé, dans le même temps, un référé suspension afin d'obtenir la reprise provisoire des relations contractuelles.

Le tribunal administratif de Melun a rejeté ce référé suspension, la société SAPP s'est alors pourvue en cassation.


2. La décision du Conseil d'EtatDans sa décision du 7 mai 2013, le Conseil d'Etat rejette le pourvoi en considérant " qu'eu égard à l'impératif d'ordre public imposant de garantir, par une remise en concurrence périodique, la liberté d'accès aux contrats de DSP et la transparence des procédures de passation, la nécessité de mettre fin à une convention dépassant la durée prévue par la loi constitue un motif d'intérêt général justifiant sa résiliation unilatérale par la personne publique".

En d'autres termes, le Conseil d'Etat admet la légalité de la résiliation unilatérale d'une convention de DSP conclue pour une durée qui serait finalement jugée trop longue par la personne publique délégante.

S'il est indéniable que l'administration n'est pas un cocontractant comme les autres, ce qui interpelle néanmoins dans cette décision c'est que la convention de DSP était pourtant bien limitée dans sa durée en étant soumise à un terme contractuel fixé à 25 ans, durée qui est tout à fait courante en matière de DSP.


3. La portée de cette décisionDès lors, est-ce à dire que sous le seul couvert de garantir par une remise en concurrence la transparence et la liberté d'accès à la commande publique, la Haute juridiction autoriserait les personnes publiques délégantes à s'affranchir librement des contraintes contractuelles et en particulier de la durée du contrat qu'elles doivent, au demeurant, elles-mêmes fixer ?

La question est posée, mais à l'analyse la portée de cette décision devrait finalement se limiter à une hypothèse assez précise dans laquelle deux conditions doivent être réunies :

  • L'entreprise délégataire avait à sa charge la réalisation d'installations
  • L'amortissement du coût de ces installations a raisonnablement pu être réalisé
En effet, c'est à notre sens ici que réside toute la portée de cet arrêt du 7 mai 2013, c'est si et seulement si la durée normale d'amortissement des installations mise en œuvre par l'entreprise délégataire est dépassée qu'il est dans l'intérêt général de permettre à la personne publique délégante de résilier la convention pour relancer une mise en concurrence.

Le fondement textuel d'une telle jurisprudence repose alors sur l'article L. 1411-2 du CGCT qui prévoit explicitement que lorsque les installations sont mises à la charge du délégataire, la durée de la convention "ne peut dans ce cas dépasser la durée normale d'amortissement des installations mises en œuvre".


4. Quelle indemnisation du délégataire ?Par principe, la résiliation pour un motif d'intérêt général donne droit à l'indemnisation intégrale du délégataire pour les investissements non amortis et le manque à gagner.

(Pour un rappel de ce principe voir CE, 4 mai 2011, n° 334280)

Mais dans le cas présent, par hypothèse, l'amortissement devrait "normalement" déjà avoir été réalisé et c'est précisément pour cela que la personne publique peut librement résilier la convention.

L'entreprise délégataire n'aurait donc droit à aucune indemnisation pour ce type de résiliation !

C'est en tout cas la solution récemment adoptée par la Cour administrative d'appel de NANCY qui retient dans un arrêt du 17 janvier 2013 (n° 11NC00809) que "le motif même de la résiliation de la convention fait obstacle à ce que la société (…) soit indemnisé du préjudice résultant du manque à gagner pour la période postérieur à la résiliation".

Or, il est à noter que l'article L. 1411-2 du CGCT précise sans la moindre équivoque que la durée de la convention doit être déterminée par la collectivité en fonction de prestations demandées au délégataire.

Dès lors, en accordant une convention de DSP pour une durée qui serait finalement jugée excessive, la collectivité ne commet-elle pas une faute de nature à engager sa propre responsabilité ?


5. Ce qu'il faut en retenirSi une telle jurisprudence devait se confirmer, tant dans son principe que sur l'indemnisation du délégataire, les entreprises qui entendent souscrire une convention de DSP devraient être particulièrement attentives à ce que la durée de la convention coïncide parfaitement avec ce qui pourrait être considéré comme la durée normale d'amortissement des installations à mettre en œuvre.







Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Mimi Potter - Fotolia.com

Auteur

ROUSSE Christian

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