Les limites du devoir de mise en garde de l’établissement de crédit à l’égard de l’emprunteur

Publié le : 04/01/2010 04 janvier janv. 01 2010

La première Chambre civile de la Cour de Cassation a rendu le 19 novembre 2009 deux arrêts en matière de devoir de mise en garde, qui précisent l’étendue de cette obligation.

L'étendue de l'obligation de mise en garde d'un établissement de créditLa première Chambre civile de la Cour de Cassation a rendu le 19 novembre 2009 deux arrêts en matière de devoir de mise en garde, qui précisent l’étendue de cette obligation.

Arrêt N°08-13.601 : Un établissement de crédit avait consenti un prêt d’un montant d’environ 25 000 € à deux époux. Les emprunteurs ayant cessé de rembourser leur crédit, la société de crédit les a assignés en paiement. Les époux ont invoqué un manquement de l’établissement de crédit à son devoir de mise en garde.

La Cour d’Appel a accueilli la demande de la société de crédit au motif qu’elle « n’avait pas commis, à leur égard, de faute de nature à engager sa responsabilité lors de l’octroi du prêt ».

Les époux ont formé un pourvoi en Cassation à l’encontre de cette décision. Ils reprochent à la Cour d’Appel de ne pas avoir recherché s’ils avaient la qualité d’emprunteurs non avertis et, « dans l’affirmative, si la société de crédit justifiait avoir satisfait à ses obligations de mise en garde à raison de leurs capacités financières et des risques de l’endettement nés de l’octroi des prêts ».

La Cour de Cassation décide que la Cour d’Appel a souverainement retenu que le crédit « était adapté aux capacités financières des emprunteurs». Par conséquent, l’établissement de crédit «n’était pas tenu au devoir de mise en garde ».

Explication : Cet arrêt précise que le devoir de mise en garde n’existe pas en l’absence de risque de surendettement. Ainsi, lorsque le crédit accordé était adapté aux capacités financières de l’emprunteur, la société de crédit n’était pas tenue à un devoir de mise en garde.

Il s’agit d’une évolution notable de la Jurisprudence. En effet, jusqu’alors, les arrêts de Cour d’Appel étaient cassés s’ils ne précisaient pas la qualité d’averti ou de non averti de l’emprunteur. Ce n’était qu’en présence d’un emprunteur non averti que les juges du fond devaient rechercher si le crédit octroyé était excessif et, dans cette hypothèse, si la banque avait respecté son obligation de mise en garde.
Désormais, la situation est plus simple : si le risque d’endettement excessif n’existe pas, peu importe la qualité de l’emprunteur (averti ou non averti) ; la société de crédit n’est alors pas tenue à un devoir de mise en garde.


Arrêt N° 07-21.382 : La Cour d’Appel avait, d’une part, condamné l’emprunteur à payer au prêteur une certaine somme au titre du solde du prêt et, d’autre part, l’avait débouté de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l’établissement de crédit à son devoir de mise en garde.
La Cour retenait que l’emprunteur ne justifiait pas de ses revenus et charges lors de l’octroi du prêt, ne démontrait pas que le prêt ainsi accordé dépassait ses capacités de remboursement, et n’établissait pas de la part de l’organisme de crédit un manquement à son devoir de conseil.

La Cour de Cassation a cassé cette décision et a retenu qu’« en se déterminant ainsi, sans préciser si l’intéressé était un emprunteur non averti et, dans l’affirmative, si, conformément au devoir de mise en garde auquel il était tenu à son égard lors de la conclusion du contrat, l’établissement de crédit justifiait avoir satisfait à cette obligation à raison des capacités financières de l’emprunteur et des risques de l’endettement né de l’octroi du prêt, la Cour d’Appel a privé sa décision de base légale ».

Explication : Cette décision précise qu’il incombe à l’établissement de crédit de justifier de l’exercice de son devoir de mise en garde.

Comme déjà dit, les juges du fond ne sont astreints à analyser la qualité de l’emprunteur et à s’interroger ensuite sur l’exercice de la mise en garde que s’il existe un risque d’endettement lors de l’octroi du crédit.
Dans la présente espèce (07-21.382), aucune preuve n’avait été rapportée à ce titre.
La Cour de Cassation écarte en cette matière les principes gouvernant la charge de la preuve et retient qu’il incombe à l’établissement de crédit de justifier avoir satisfait à son obligation de mise en garde, et de démontrer, le cas échéant, qu’il n’était pas tenu à un tel devoir de mise en garde en l’absence de crédit excessif.

L’établissement de crédit dispose de plusieurs possibilités pour s’exonérer de sa responsabilité :
Il peut démontrer que le crédit n’était pas excessif, ce qui écarte l’existence du devoir de mise en garde.
Il peut démontrer que l’emprunteur était averti, ce qui dispensait aussi l’établissement de crédit de son devoir de mise en garde.

Il peut enfin justifier avoir respecté son obligation de mise en garde lorsqu’il était en présence d’un emprunteur non averti et que le crédit pouvait sembler excessif.



L’auteur de l’article :Violaine GUIDOT-MANGEOT, avocate à Epinal.



Cet article n'engage que son auteur.

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