La loi MACRON et la procédure prud’homale, une véritable réforme ?

La loi MACRON et la procédure prud’homale, une véritable réforme ?

Publié le : 27/10/2015 27 octobre oct. 10 2015

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi MACRON », a réformé la procédure prud’homale en favorisant la résolution amiable des conflits et en conférant des prérogatives plus importantes au « bureau de conciliation et d’orientation ».Ces mesures sont applicables aux instances introduites depuis le 8 août 2015.


1) Le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges.

Préalablement à la saisine du juge, il est désormais possible de recourir à :

  • La médiation conventionnelle. Tout différend qui s’élève à l’occasion d’un contrat de travail peut faire l’objet d’une médiation conventionnelle puisque l’article 24 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 qui la limitait aux différends transfrontaliers a été abrogé. La médiation conventionnelle consiste à faire appel à un tiers pour parvenir à résoudre le litige.
  • La convention de procédure participative. L’article 2064, alinéa 2, du Code civil, qui excluait ladite convention en matière prud’homale, a été supprimé. Désormais, employeur et salarié peuvent donc s’engager, pour une durée déterminée, à rechercher une solution amiable à leur différend et à ne pas saisir le juge pendant la durée de la convention. Etant précisé qu’en cas d’échec de la procédure et de saisine ultérieure du conseil de prud’hommes, les parties ne seront pas dispensées de la phase de conciliation.
L’objectif de cette réforme est de limiter le contentieux et d’éviter un engorgement des tribunaux. Cela étant, l’effet sera sans doute très limité puisqu’employeurs et salariés pratiquent déjà la rupture conventionnelle ou la transaction et se rencontrent lors des audiences de conciliation. Dès lors, était-ce utile de multiplier les outils ? Il est permis d’en douter. Ces modes alternatifs de règlement des litiges ne concerneront vraisemblablement que des cas particuliers, la plupart des contentieux demeurant soumis à la juridiction prud’homale.

2) Le bureau de conciliation et d’orientation (BCO)

Le bureau de conciliation se nomme désormais bureau de conciliation et d’orientation. Ses pouvoirs ont été accrus en cas d’échec de la conciliation pour orienter l’affaire devant le bureau de jugement. En conséquence, nos pratiques vont devoir être adaptées.


  • En effet, sauf motif légitime, si une partie ne comparaît pas, personnellement ou représentée, le BCO, statuant en tant que bureau de jugement, en composition restreinte, pourra juger l’affaire, en l’état des pièces et des moyens contradictoirement communiqués.
Pour utiliser cette prérogative, les pièces et moyens devront donc être communiqués à l’adversaire préalablement à l’audience. Compte tenu des délais de convocation de certains conseils, il sera souhaitable de procéder à cette communication dès le dépôt de la requête.

Le demandeur devra se préparer à cette possible absence du défendeur et préparer son dossier en conséquence, notamment en listant et en chiffrant l’ensemble des chefs de demande avec les justificatifs.

De son côté, le défendeur devra prendre conscience du risque que l’affaire soit jugée dès la conciliation et bien réfléchir avant de pratiquer la « politique de la chaise vide ».


  • Si le litige porte sur un licenciement ou sur une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, le BCO pourra, avec l’accord des parties, renvoyer devant le bureau de jugement en formation restreinte (un conseiller prud’hommes employeur et un conseiller prud’homme salarié) qui devra statuer dans le délai de trois mois.
Ce recours sera-t-il fréquent dans la mesure où il faudra recueillir l’accord des deux parties ? Rien n’est moins sûr. Et qu’en sera-t-il du respect du délai de trois mois ? Si chacune des parties devra communiquer pièces et écritures pendant ce laps de temps, aucune sanction n’est prévue si le délai est dépassé.

On fera remarquer que les délais de jugement cours qui existent déjà (par exemple, le délai d’1 mois pour requalification de CDD en CDI notamment …) ne sont jamais respectés en pratique !


  • Si les parties le demandent ou si la nature du litige le justifie, le BCO pourra renvoyer le litige devant la formation de départage (le juge départiteur sera désormais désigné parmi les magistrats du tribunal de grande instance et non plus du tribunal d’instance).
Mais que faut-il entendre par « nature du litige » ? La loi n’a pas pris soin de le préciser…

Nul doute qu’un recours systématique à la formation de départage ne manquerait pas de paralyser le système par manque de magistrats disponibles pour assurer ces audiences.


  • Enfin, le BCO assure la mise en état des affaires. Un ou deux conseillers rapporteurs peuvent être désignés à cet effet et prescrire toutes mesures nécessaires.
Les Conseils de Prud’hommes fixent déjà, dès l’audience de conciliation, des calendriers de procédure selon des modalités qui leur sont propres. Cela étant, leur efficacité est relative puisqu’aucune sanction n’est assortie au non-respect des délais.


En conclusion, l’objectif de la réforme MACRON est précisément de diminuer les délais de procédure. Pas sûr d’y parvenir avec ces mesures à l’utilité limitée : le délai restreint est difficilement tenable et le recours au départage se heurtera au manque de moyens de la justice.

La pratique nous éclairera mais il y a fort à parier que le renvoi devant le bureau de jugement statuant en formation classique restera encore la règle.

Pour raccourcir les délais de jugement, qui ne sont d’ailleurs pas trop mauvais en première instance dans la plupart des conseils de prud’hommes, il conviendrait simplement que chacun (avocat, employeur, salarié, défenseur syndical…) s’attache à respecter les engagements de calendrier pris lors de la conciliation. On éviterait ainsi des interventions, plus ou moins heureuses du législateur.



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Kostakostov- Fotolia.com

Auteur

TEXIER Delphine

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