Retrait d’une autorisation d’occupation des sols

Publié le : 05/01/2009 05 janvier janv. 01 2009

Le droit de l’urbanisme a été souvent critiqué quant à sa complexité. En fait, le titulaire d’une autorisation d’urbanisme n’était pas, le plus souvent, en mesure de connaître les règles applicables en la matière.

Le régime des autorisations d’occupation des solsForce est d’admettre que le droit de l’urbanisme était frappé par une importante insécurité juridique.

Pour y remédier, l’ordonnance (n°2005-1527) du 8 décembre 2005 a bouleversé le régime des autorisations d’occupation des sols. La simplification et la clarification du droit de l’urbanisme ont constitué l’ossature de cette réforme. Le livre IV du Code de l’urbanisme a donc été entièrement réécrit.

Si l’essentiel des apports concernent notamment la procédure d’instruction des autorisations d’urbanisme, les auteurs de la réforme n’ont pas négligé le volet relatif à l’exécution d’un permis ou d’une déclaration préalable.

Ainsi, le principe selon lequel l’autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou de déclaration préalable a été clairement affirmé. L’ordonnance (n°2005-1527) du 8 décembre 2005 privilégie la forme écrite (1).

L’article R 424-1 du Code de l’urbanisme prévoit toutefois que le silence de l’administration vaut soit décision de non-opposition à une déclaration préalable, soit permis tacite. Ce principe est assorti de diverses exceptions limitativement énumérées aux articles R 424-2 & suivants du Code de l’urbanisme.

Le mécanisme de la décision tacite est encadré par l’article L 424-2 du Code de l’urbanisme. Par conséquent, le pétitionnaire est titulaire d’une autorisation tacite lorsqu’aucune décision ne lui a été notifiée à l’issue du délai d’instruction.

L’administration est obligée de notifier la décision au demandeur par lettre recommandée avec accusé de réception (2) . Mais, en cas de permis tacite ou de décision de non-opposition à une déclaration préalable, l’autorité administrative doit délivrer un certificat sur simple demande du demandeur (3).

Le rappel de ces formalités n’est pas inutile puisque l’article R 424-15 du Code de l’urbanisme dispose que l’autorisation doit être affiché sur le terrain. Il s’agira donc soit de l’arrêté accordant le permis ou la déclaration préalable, soit du certificat.


En effet, le permis tacite ou la décision de non-opposition à une déclaration préalable ont un caractère exécutoire à compter de la date à laquelle ils sont acquis (4) . La possibilité pour l’autorité administrative de fixer les participations exigibles en matière de fiscalité de l’urbanisme est expressément reconnue (5).

Ce dispositif devrait favoriser à terme le mécanisme de l’autorisation tacite. Il est dès lors intéressant de préciser les règles de retrait des autorisations d’occupation des sols.

En effet, le retrait de l’autorisation d’utilisation des sols est une source d’insécurité juridique, au même titre que la contestation contentieuse par un tiers de l’autorisation. L’ancien régime se caractérisait par une certaine compléxité.

Tout d’abord, le droit de retrait doit être défini comme un droit de repentir de l’administration. L’autorité administrative peut, dans certaines conditions, revenir sur une décision créatrice de droits tel que le permis de construire.

Un bref rappel de l’ancien régime est nécessaire pour comprendre les apports de la réforme des autorisations d’urbanisme.

Dans un premier temps, ce principe est une création prétorienne selon laquelle l’administration peut retirer un acte créateur de droits que s’il est illégal et uniquement pendant la durée du recours contentieux, soit deux mois à partir de sa notification ou de sa publication (6) .

Dans un deuxième temps, le législateur est intervenu afin de préciser les règles applicables en matière de retrait des décisions implicites. La loi (n°2000-321) du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration distingue trois hypothèses :

- lorsque la décision implicite a été l’objet de mesure d’information des tiers, le délai est celui du délai contentieux,
- en l’absence de telles mesures, le délai est de deux mois à compter de la date à laquelle la décision est intervenue,
- enfin, en cours d’instance, l’administration peut retirer la décision querellée pendant toute la durée du procès.

Dans un troisième temps, le Conseil d’Etat a encadré le mécanisme de retrait des décisions explicites (7) . L’administration ne peut retirer une décision que dans le délai de quatre mois à compter de la date de celle-ci, et non plus de sa notification ou de sa publication (8) . Le retrait peut intervenir à tout moment sur demande du bénéficiaire.

Force est de constater que le droit applicable en la matière n’était pas suffisamment clair et lisible pour les usagers.

La loi (n°2006-872) du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement a donc modifiée le régime de retrait des décisions en matière d’urbanisme.

Ce dispositif complète la réforme initiée par l’ordonnance (n°2005-1527) du 8 décembre 2005 en reprenant notamment diverses dispositions du rapport PELLETIER intitulé « Propositions pour une meilleure sécurité juridique des autorisations d’urbanisme ».

Désormais, le nouvel article L 424-5 du Code de l’urbanisme dispose que :

« La décision de non-opposition à la déclaration préalable ne peut faire l'objet d'aucun retrait.
Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».

D’une part, l’administration ne peut retirer une décision de non-opposition à une déclaration préalable, et ce même si elle est illégale. Ce dispositif est favorable au titulaire de cette décision. Pour autant, le risque est indéniablement un développement du contentieux. En effet, si le tiers ne peut solliciter de l’administration le retrait de la décision, alors il sollicitera l’annulation par le juge administratif.

D’autre part, le régime du retrait des autorisations d’occupation des sols a été unifié. Les règles applicables en matière de retrait sont identiques tant pour un permis tacite qu’explicite. Cette modification simplifie le mécanisme du retrait. Ainsi, l’autorité administrative compétente ne peut retirer un permis que s’il est illégal et dans un délai maximum de trois mois suivant la date de cette décision.

Ce droit de repentir de l’administration doit au demeurant respecter :

1/ Des conditions de fond

En premier lieu, l’article L 424-5 rappelle que l’autorisation doit être illégale. Il peut s’agir d’une irrégularité liée soit à la forme, soit au fond. A titre d’exemple, on peut citer une erreur manifeste d’appréciation, c'est-à-dire une erreur grossière de l’administration lors de l’instruction de la demande.

En dernier lieu, le retrait de l’autorisation litigieuse est enfermé dans un délai de trois mois à compter de la date de cette décision. Par conséquent, il faut distinguer selon que l’autorisation est :

- explicite, alors le délai court à la date de la signature par l’autorité administrative,
- implicite, alors le délai court à la date de l’expiration du délai d’instruction.

Conformément à une jurisprudence constante, la notification du retrait doit intervenir avant l’expiration de ce délai que soit une décision expresse (9) ou tacite (10).

Il faut déduire de ce qui précède que l’administration ne peut plus retirer une autorisation d’utilisation des sols, notamment en cas de recours contentieux, après l’expiration du délai de trois mois.

De plus, la délivrance d’un deuxième permis de construire sur le même terrain au bénéfice du même propriétaire n’a plus pour effet d’entraîner le retrait de la première autorisation (11) .


2/ Des conditions de forme

D’une part, l’autorité administrative doit motiver la décision portant retrait de l’autorisation d’urbanisme. Cette obligation découle des dispositions de l’article 1er de la loi (n°79-587) du 11 juillet 1979.

L’administration peut y déroger dans deux hypothèses :

- l’urgence (12),
- des circonstances exceptionnelles.

D’autre part, l’autorité administrative compétente doit respecter une procédure contradictoire. Cela signifie que le titulaire de l’autorisation d’occupation des sols doit pouvoir présenter des observations écrites (13) , voire des observations orales en présence de son Conseil.

La décision de retrait prise en méconnaissance de ce principe est dès lors entachée d’illégalité. Le pétitionnaire qui a ainsi obtenu gain de cause doit alors procéder à un nouvel affichage de l’autorisation sur son terrain (14) .

Il faut, par conséquent, revenir sur les règles applicables quant à l’affichage. L’article R 424-15 du Code de l’urbanisme dispose que l’autorisation doit être affiché sur le terrain où est projeté la construction.

Le défaut d’affichage n’entraîne pas l’illégalité de la décision, mais le délai de recours (15) contentieux des tiers ne court pas. En effet, le délai de deux mois court à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain.

Le Code de l’urbanisme encadre cette obligation :

- l’article A 424-15 du Code de l’urbanisme précise la forme du panneau,
- les articles A 424-16 & A 424-17 du Code de l’urbanisme rappelle le contenu de l’affichage,
- l’article A 424-18 du Code de l’urbanisme rappelle les modalités liées au lieu de l’affichage.

Il faut relever que la preuve de l’affichage incombe au bénéficiaire de l’autorisation (16), mais il revient au tiers qui conteste l’affichage de rapporter la preuve du non-respect de cette obligation.

Le juge administratif forge sa conviction en comparant les pièces du dossier. Si bien évidemment, le recours à un huissier de justice est à privilégier ; le titulaire d’une autorisation peut rapporter cette preuve par des témoignages.

Par ailleurs, il est intéressant de constater que l’affichage en mairie doit être effectué dans les huit jours qui suivent la délivrance de l’autorisation (17) . Au demeurant, cet affichage n’a aucun effet sur le déclenchement du délai de recours, sous réserve de l’article L 600-1-1 du Code de l’urbanisme. En effet, les associations qui souhaitent contester une autorisation d’urbanisme doivent avoir déposées leurs statuts en préfecture antérieurement à l’affichage en mairie.

Enfin, il faut relever le cas particulier d’une décision obtenue par fraude. Selon l’adage latin « Fraus omnia corrompit » (18), l’administration peut retirer à tout moment un tel acte et la légalité de ce retrait n’est conditionnée que par l’obligation de motiver (19).

Il est donc conseillé au titulaire d’une autorisation d’urbanisme de ne pas engager les travaux :

- au moins jusqu'à l’expiration du délai contentieux des tiers,
- au mieux jusqu’à l’expiration du délai de retrait.


Index:

1- Article L 424-1 du Code de l’urbanisme,
2- Article R 424-10 du Code de l’urbanisme,
3- Article R 424-13 du Code de l’urbanisme,
4- Article L 424-8 du Code de l’urbanisme,
5- Article R 424-8 du Code de l’urbanisme,
6- CE – 3 novembre 1922 – Dame Cachet [Rec. CE p.790],
7- CE Ass. – 26 octobre 2001 – Ternon [n°197018],
8- CE – 19 décembre 1952 – Mattéi [Rec CE p.594],
9- CE – 14 novembre 2003 – SCI Les Jardins d’Eva [n°258.396],
10- CE – 26 janvier 2005 – Filippi [n°260.188],
11- CE – 29 juin 2005 – Sté Semmaris [n°262.328]),
12- CE – 29 novembre 2004 – SCI Modicom Immo [n°265.642] = l’urgence ne doit pas être imputable aux lenteurs administratives (transmission tardive au contrôle de la légalité)
13- CE – 23 avril 2003 – Sté Bouygues Immobilier [n°249.712],
14- CE – 6 avril 2007 – Bernard A [n°296.493],
15- Article R 600-2 du Code de l’urbanisme,
16- CE – 22 décembre 1978 – Jean-Claude Lacoste [n°13.000],
17- Article R 424-15 du Code de l’urbanisme,
18- la fraude corrompt tout,
19- CE – 13 novembre 1992 – Cne de Nogent-sur-Marne [n°110.878]).


Pierre-Antoine MARTIN





Cet article n'engage que son auteur.

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DAURIAC, PAULIAT-DEFAYE, BOUCHERLE, MAGNE
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