La récupération de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) : une éventualité à envisager ?

La récupération de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) : une éventualité à envisager ?

Publié le : 10/11/2015 10 novembre nov. 11 2015

De nombreuses Collectivités s’interrogent actuellement sur la problématique de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) et la possibilité de récupérer le montant prélevé par les services étatiques sur la période 2012 – 2014.En vue de compenser la suppression de la taxe professionnelle, le législateur a décidé de transférer le produit de la TASCOM au niveau local, au profit soit des communes soit des EPCI, dans le cadre des dispositions de l’article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 :

« 1.2.4. Transfert de la taxe sur les surfaces commerciales aux communes et établissements publics de coopération intercommunale et à la métropole de Lyon ».

Toutefois et dans le même temps, le législateur a prévu un mécanisme permettant de garantir une neutralité financière pour les ressources de l’Etat en instaurant un prélèvement d’un montant égal à celui perçu par ses services en 2010 :

Soit sur la dotation de la collectivité en vertu du paragraphe 1.2.4.2 de l’article 77 de la loi du 30 décembre 2009 susvisée : « Le montant de la compensation prévue au D de l’article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) ou de la dotation de compensation prévue à l’article L. 5211-28-1 du code général des collectivités territoriales est diminué en 2011 d’un montant égal, pour chaque collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, au produit de la taxe sur les surfaces commerciales perçu par l’État en 2010 sur le territoire de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale » ;

Soit sur les ressources fiscales propres de la collectivité en vertu du paragraphe 1.2.4.3. de l’article 77 de la loi du 30 décembre 2009 susvisée modifiant les dispositions de l’article L 2334-7 du Code général des collectivités territoriales : « Pour les communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, lorsque le montant de la compensation prévue au D de l’article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) ou de la dotation de compensation prévue à l’article L. 5211-28-1 du présent code est, en 2011, inférieur au montant de la diminution à opérer en application du 1.2.4.2 de l’article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, le solde est prélevé au profit du budget général de l’État, prioritairement sur le montant correspondant aux montants antérieurement perçus au titre du 2° bis du II de l’article 1648 B du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 et enfin sur le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, de la taxe d’habitation et de la contribution économique territoriale perçu au profit de ces communes et établissements ».

Ce mécanisme de prélèvement étatique pour le surplus de produit constaté par rapport à l’année 2010 de référence s’est prorogé pour les années suivantes, conformément aux circulaires et notes ministérielles (15 mars 2012, 5 avril 2013 et 25 avril 2014 pour les EPCI ; 28 mars 2012, 5 avril 2013 et 20 mai 2014 pour les communes).

Par une requête en date du 27 juin 2013, la Communauté de Communes du Val de Sèvres a saisi le Conseil d’Etat d’une demande tendant à l’annulation des circulaires des 15 mars 2012 et 5 avril 2013 en ce qu’elles prévoyaient la prorogation du mécanisme mis en œuvre par les dispositions de l’article 77 de la loi du 30 décembre 2009.

Par un premier arrêt rendu le 25 septembre 2013, le Conseil d’Etat a décidé d’interroger le Conseil Constitutionnel sur la conformité des dispositions de l’article 77 de la loi du 30 décembre 2009 (CE, 25 septembre 2013, n°369736).

Par une décision en date du 22 novembre 2013, le Conseil Constitutionnel a considéré que les dispositions de l’article 77 de la loi du 30 décembre 2009 ne méconnaissaient pas le bloc de constitutionnalité et, notamment, les principes de libre administration ou d’autonomie financière des collectivités territoriales (Conseil Constitutionnel, 22 novembre 2013, n°2013-355).

Toutefois et par un second arrêt, le Conseil d’Etat a partiellement fait droit à la requête de la Communauté de Communes du Val de Sèvres (CE, 16 juillet 2014, n° 369736).

La Haute Juridiction a tout d’abord écarté le recours dirigé contre la circulaire du 15 mars 2012 comme étant irrecevable pour cause de tardiveté.

Ainsi, sans se prononcer sur le fond, le Conseil d’Etat a simplement relevé que le recours avait été initié postérieurement au délai de deux mois imparti pour déférer ladite circulaire.


En revanche et s’agissant de la circulaire du 5 avril 2013, comportant des dispositions identiques, le Conseil d’Etat a relevé que :

« les mécanismes de diminution et de prélèvement portant sur les dotations et sur les recettes fiscales perçues par les EPCI, mis en place pour compenser le transfert du produit de la taxe sur les surfaces commerciales de l’Etat à ces établissements publics, ne sont applicables qu’au titre de la seule année 2011 ; qu’aucune disposition du code général des collectivités territoriales applicable en 2013, ni aucun autre texte ne prévoit que ces mécanismes s’appliquent aux EPCI au titre de l’année 2013 ; que, par suite, le ministre de l’intérieur a ajouté aux dispositions législatives applicables en indiquant dans sa circulaire du 5 avril 2013 que : » Je vous rappelle en outre que la dotation de compensation des EPCI est minorée depuis 2011 du produit de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) perçu par l’Etat sur le territoire de la collectivité en 2010. Si le montant de la dotation est insuffisant pour assurer la minoration dans sa totalité, le solde est prélevé sur les recettes fiscales directes de la collectivité ».

Toutefois et conformément aux dispositions de l’article 1er du Code civil, les lois ne pouvant avoir, par principe, de caractère rétroactif, cette mesure n’a pas vocation à couvrir la période courant de 2012 à 2014.

Dans ces conditions et sur le principe, dès lors que l’Etat a compensé le transfert du produit de la TASCOM, sur la base de 2010, pour les années 2012, 2013 et 2014, il apparaît possible d’envisager un recours à l’encontre de l’Etat pour obtenir le remboursement des sommes indument perçues.


Sur le plan procédural, il convient préalablement de saisir les services étatiques d’une réclamation préalable exposant la nature de la contestation ainsi que le montant indemnitaire revendiqué.

En l’absence de réponse, la Collectivité pourra alors saisir le Tribunal administratif territorialement compétent d’un recours au fond, dont l’examen peut être relativement long – 18 à 36 mois, voire d’un référé-provision sur le fondement des dispositions de l’article R 541-1 du Code de justice administrative.

Si cette seconde procédure peut apparaitre plus avantageuse dès lors qu’elle permet d’obtenir une décision dans un délai « bref », elle suppose toutefois la démonstration d’une obligation non sérieusement contestable à la charge de l’Etat.


Sur le fond, il est certain que le mécanisme mis en œuvre sur le fondement des dispositions de l’article 77 de la loi du 30 décembre 2009 pour l’année 2013 était illégal ainsi qu’il résulte de l’arrêt du Conseil d’Etat en date du 16 juillet 2014 précité.

Par extension, on peut légitimement considérer que ledit mécanisme était tout aussi illégal pour les années 2012 et 2014, dès lors qu’il ne disposait d’aucune base légale.


Pour autant, il convient de s’interroger sur la recevabilité de telles demandes.

En effet, il apparaît que le montant de compensation de la TASCOM imputé par l’Etat sur les dotations a du faire l’objet d’arrêtés préfectoraux notifiant le montant des dotations pour chaque année considérée.

Or et généralement, de tels arrêtés mentionnent expressément les voies et délais de recours à leur encontre, aujourd’hui expirés, ce qui pourrait faire obstacle à la mise en œuvre d’un recours indemnitaire, dit de plein contentieux, normalement limité par la seule prescription quadriennale.

En ce sens, les juridictions administratives ont pu considérer que :

« que la COMMUNE DE FAA’A n’a pas contesté dans le délai de recours Considérant que les arrêtés du haut-commissaire de la République en Polynésie française en date des 21 mars et 11 décembre 1989, 17 avril 1991, 23 avril et 12 juin 1992 et 21 juillet 1993 portant répartition des crédits du fonds intercommunal de péréquation entre les communes de la Polynésie française au titre de ces années ont été publiés au Journal officiel de la Polynésie française respectivement les 27 avril 1989, 4 janvier 1990, 2 mai 1991, 21 mai 1992, 9 juillet 1992 et 12 août 1993 ; que la COMMUNE DE FAA’A n’a pas contesté dans le délai de recours contentieux ces arrêtés en tant qu’ils lui auraient accordé une quote-part insuffisante au regard des règles de calcul fixées par la réglementation ; qu’ainsi ces arrêtés, qui avaient un objet exclusivement pécuniaire, sont devenus définitifs avec toutes les conséquences pécuniaires qui en sont inséparables ; que, par suite, la demande présentée par la COMMUNE DE FAA’A devant le tribunal administratif de Papeete n’est pas recevable. » (CE, 8 novembre 2000, 194039).

« Considérant que M. A…n’a pas contesté dans le délai de recours contentieux la décision du 20 juillet 2007 par laquelle le préfet de la Charente-Maritime lui a refusé le bénéfice de la préretraite agricole ; que cette décision, qui a un objet exclusivement pécuniaire, est ainsi devenue définitive, avec toutes les conséquences de droit qui s’y attachent ; que la demande de M. A…tendant à l’indemnisation du préjudice que lui a causé ce refus, et fondée sur son illégalité, est ainsi tardive et, par suite, irrecevable. » (CAA BORDEAUX, 28 mars 2013, n°12BX00371).

C’est d’ailleurs ce motif qui a, semble t-il, conduit la Cour administrative d’appel de MARSEILLE à considérer que le mécanisme du référé-provision ne pouvait s’appliquer dans un litige TASCOM dès lors que la demande posait « des questions de droit tant sur la recevabilité que sur le fond. » (CAA MARSEILLE, 31 août 2015, n°15MA01697).

Il semble toutefois que la difficulté relevée par la juridiction pourrait être contournée.

L’Etat se défendant sans ministère d’avocat, la Collectivité ne devrait pas encourir le risque d’une condamnation au visa des dispositions de l’article L 761-1 du Code de justice administrative.

Compte tenu de l’enjeu du dossier et nonobstant les réserves exprimées, il apparaît opportun d’envisager sérieusement cette voie de droit dans une période où les ressources des Collectivités s’avèrent toujours plus obérées.



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © gunnar3000 - Fotolia.comVisiblement conscient de la difficulté, le législateur est intervenu dans le cadre de la loi n°2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 en supprimant toute référence à l’année 2011 dans les mécanismes de prélèvement étatique pour le surplus de produit constaté par rapport à l’année 2010.

Auteur

Flavien MEUNIER
Avocat Associé
LEXCAP NANTES
NANTES (49)
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