Licéité clause américaine

Cession de parts sociales : validité des "clauses américaines" ?

Publié le : 08/04/2025 08 avril avr. 04 2025

M. C et M. J étaient associés respectivement à hauteur de 60% et 40% de la société Tbt49 et avaient conclu un pacte d’associés comprenant une clause d’offre alternative ou « clause américaine » selon laquelle « en cas de désaccord grave et persistant susceptible d’entraîner une paralysie dans le fonctionnement de la société et de porter atteinte à l’intérêt social, chaque associé pourrait proposer à l’autre de lui céder la totalité de sa participation à un prix et des conditions précisées dans l’offre, le bénéficiaire disposant de 30 jours pour lever l’option ». 
A défaut de mettre en œuvre cette clause, le bénéficiaire devrait céder ses propres titres à l’associé ayant pris l’initiative de cette procédure aux prix et conditions déterminés dans l’offre initiale. 

M.C a alors mis en œuvre cette clause d’offre alternative, proposant à M. J de lui céder l’ensemble de sa participation au prix de 40.000€ et lui rappelant que s’il ne levait pas l’option il serait tenu de lui céder l’intégralité de ses parts pour la somme de 60.000€, c’est-à-dire au prix unitaire fixé dans la clause. 

Le majoritaire, Monsieur C, n’a pas levé l’option mais a pourtant refusé de céder ses propres parts au prix proposé et a donc été assigné par le minoritaire ainsi que la société Tbt49 à céder l’intégralité de ses parts pour la somme de 60.000€. 

Par arrêt du 7 mars 2023, la Cour d’appel d’Angers a jugé que la cession par M. C des 6.000 parts sociales qu’il détenait dans le capital de la société au prix de 60.000€ au profit de M. J était parfaite par la mise en œuvre de la clause d’offre alternative et lui a donc enjoint de procéder à la signature de l’acte de cession de ses parts dans le capital de la société à M. J. 

Pour juger que la cession était parfaite, la Cour d’appel a rappelé que, en vertu de l’article 1591 du Code civil, le contrat de vente est parfait s’il permet de déterminer le prix par des éléments qui ne dépendent pas uniquement de la volonté de l’une seule des parties ou la réalisation d’accords ultérieurs

Et que, c’est en vertu du pacte d’associés, contrat synallagmatique valablement consenti entre les parties, que le prix de vente est déterminable à partir du prix proposé par l’éventuel vendeur qui servira de prix de référence. Le bénéficiaire de l’offre, s’il décide de ne pas lever l’option pour racheter les parts de l’offrant, s’engage alors à vendre ses propres parts aux conditions de prix fixées dans l’offre faite par son associé. 

La Cour de cassation confirme dans son arrêt que le déclenchement de la clause était soumis à des conditions objectives et en a déduit que le mécanisme instauré par la clause d’offre alternative ne laissant pas la fixation du prix à la volonté d’une seule des parties, la vente était devenue parfaite dès l’exécution par les associés de leurs engagements résultant du pacte d’associés.

La Cour de cassation précise ainsi que les clauses d’offre alternative n’encourent pas l’invalidité pour indétermination du prix

En second lieu, la Cour d’appel a retenu que le gérant minoritaire n’avait plus la confiance de l’associé majoritaire. En effet, ce dernier a voté contre toutes les résolutions proposées par ce lui lors de la dernière assemblée générale. 

En outre, la Cour d’appel retient que la situation de conflit était telle que l’associé gérant avait déposé plainte contre l’associé majoritaire pour avoir refusé de restituer un acompte client et que les deux associés étaient également en conflit pour le nouvel local pris à bail par la société et le transfert de son siège social. 

La Cour d’appel retient enfin que la clause d’offre alternative n’était soumise à aucune condition relative à des vérifications quelconques par le bénéficiaire, que l’associé majoritaire ne justifiait pas avoir réclamé à l’associé gérant la production de documents précis ou qu’il n’aurait pas pu obtenir les documents comptables sollicités pour éclairer l’offre faite. 

Ainsi, un différend prolongé entre les associés avait bien entraîné une paralysie opérationnelle qui justifiait la mise en œuvre de la vente. 

La Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel d’avoir estimé que la mauvaise foi de l’associé minoritaire dans la mise en œuvre de la clause d’offre alternative n’était pas démontée et que la condition de déclenchement de la clause, soit l’existence d’un désaccord grave et persistant entre les deux associés susceptible d’entraîner une paralysie dans le fonctionnement de la société était bien remplie

Par cet arrêt, la Cour de cassation affirme la licéité des clauses d’offre alternative aussi appelées « clauses américaines »

Saut stipulation contraire, la mise en œuvre de ces clauses n’impose pas l’envoi de documents au bénéficiaire de l’offre afin qu’il soit en mesure de l’exécuter. 
Ainsi, il ne peut être exigé de l’associé qui la met en œuvre une communication volontaire de documents possiblement utiles à l’appréciation de l’offre. 
Néanmoins, toutes les conventions devant être exécutées de bonne foi en vertu de l’article 1104 du Code civil, il est recommandé à l’offrant de répondre à d’éventuelles demandes raisonnables du bénéficiaire de l’offre qui pourraient l’aider dans sa prise de décision. 


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Judith LEWERTOWSKI
Avocate
CORNET, VINCENT, SEGUREL PARIS
PARIS (75)
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