Suppression des avoués à la Cour

Publié le : 18/06/2008 18 juin juin 06 2008

La Ministre ayant, enfin, accepté de recevoir le Président de la Chambre Nationale des Avoués, lui a signifié la « décision à caractère irrévocable de supprimer la profession d’avoué ».

Suppression des avoués: encore un coup de forceLa Ministre de la Justice, est devenue coutumière du fait. Annonce de concertation pour améliorer le fonctionnement de la Justice, promesse de création de commissions prospectives… puis, brutalement, annonce d’une décision « politique à caractère irrévocable ». A ce jour les derniers à faire les frais de cette « révolution autoritaire » sont les Avoués à la Cour et leurs 2600 salariés : le 9 juin 2008.

La Chancellerie soumise au lobbying (en français : trafic d’influence) du barreau de Paris, l’a informé avant même les Avoués de « l’intégration des avoués à la profession d’avocat ». La Ministre ayant, enfin, accepté de recevoir le Président de la Chambre Nationale des Avoués, lui a signifié la « décision à caractère irrévocable de supprimer la profession d’avoué ». Le communiqué de propagande du Ministère de la Justice sur le site internet évoque « l’unification des professions d’avoué et d’avocat ».

A l’heure des présentes lignes qu’est ce qui est certain ?

- qu’une décision politique a été prise sans aucune concertation et sans aucun projet de réforme de la postulation et de la procédure devant les cours d’appel,

- que l’état, qui manque probablement de chômeurs, a décidé de supprimer d’un trait de plume 3000 emplois salariés et libéraux, productifs et participant à l’œuvre de justice en notre cher pays,

- que l’annonce, faite pour plaire à certains, doit se concrétiser pour le 1er janvier 2010 ce qui laisse très peu de temps pour trouver les quelques milliards d’euros d’indemnisation directe et indirecte, et quelques autres milliards pour mettre en œuvre une éventuelle réforme… technocrates et doctrinaires au travail !

- que tout a été fait depuis des années en concertation avec les représentants des Avoués à la cour pour harmoniser le statut dans le cadre européen, alors que la Ministre tente de justifier sa décision par la mise aux normes européennes (sans hésiter à affirmer au Président des Avoués que ce n’est pas le statut mais la fonction qui est visée !).

- Que l’égalité d’accès au deuxième degré de juridiction est mise en péril. La tarification d’une représentation obligatoire assurait au plus pauvre la même défense au même prix qu’au plus riche.

- Que « volonté politique » en démocratie ne peut rimer avec soumission partisane et inconséquence.

Qu’est-ce qui est prévu ?

- Rien, si ce n’est la « mise en place de l’indemnisation et des diverses mesures d’accompagnement » ce qui est tout de même important car démontre que l’Etat est encore capable de respecter quelques principes fondamentaux d’un Etat de droit.

Qu’est-ce qui est probable ?

Rien n’est prévu… tout est possible, le probable est donc à redouter :

- Que le barreau de Paris continuera son œuvre de destruction des systèmes juridique et judiciaire français, demandant la fusion avec les Notaires, Huissiers, Avocats aux Conseils, Experts comptables. La « grande profession unique du chiffre et du droit ». Pourquoi ? Au nom de la réussite financière, il faut ressembler aux Anglo-Saxons. Paris ayant constaté qu’il n’est plus le centre du monde … « cela fait bien » de copier les anglo-saxons (Cf rapport Attali modèle américain s’il en est).

- Que l’Etat n’aura pas les moyens d’assumer le coût énorme de ces réformes, qui nécessitent embauche de fonctionnaires et déploiement de moyens techniques considérables. Alors, il recourra à la « déjudiciarisation » massive, qui n’est ni plus ni moins que la justice redevenue privée. Il est vrai que le mode de gouvernement actuel ressemble sur beaucoup de plans à l’ancien régime, ce qui est bien mieux que celui des « Républiques bananières ».

Qu’est-ce qui est souhaitable ?

- Que le pouvoir judiciaire soit respecté, restauré, dans ses moyens et sa légitimité. Une République sans justice n’est qu’un fantôme de démocratie.

- Que les professionnels, dont la Ministre vante la compétence et la confiance qu’elle a en eux, soient consultés et écoutés. Les Avoués ont prouvé leur capacité, à améliorer, sur tous les plans et particulièrement celui de la communication électronique sécurisée avec les greffes, la justice du deuxième degré. Ils peuvent proposer des réformes améliorant le fonctionnement de la justice, régulant les flux, garantissant sécurité et rapidité de mise en état des procédures.

- Que l’on évite de créer 3000 chômeurs pour découvrir peu après qu’il faudra embaucher quelques milliers de fonctionnaires ou sacrifier la justice. C’est du gaspillage de fonds publiques. Mais il parait que les décisions partisanes ou idéologiques n’ont pas de prix.

- Que l’on cesse de faire croire aux citoyens que l’absence de tarif assure la concurrence et le meilleur service au meilleur coût. La Justice n’est pas une marchandise ! L’Europe en est consciente. Des rapports récents préconisent la tarification de toute activité judiciaire.

- Que l’on soit capable non pas de détruire ce qui fonctionne mais de l’améliorer, en concertation permanente et dans la confiance, par exemple en s’inspirant des barreaux de cour d’Alsace Lorraine, qui semblent aussi donner satisfaction dans leur fonctionnement, en restant compatibles avec les règles européennes.

- Que l’on arrête d’ « abriter » toute décision derrière l’épouvantail de l’Europe. Cela permet certes d’éviter toute responsabilité, mais renforce les sentiments anti-européens qui peuvent exister.

- Enfin, que je sois prochainement en mesure de rédiger une note ici même précisant quelle sera la procédure devant les cours d’appel dans quelques années.

Un pays où le chef de l’exécutif traite les détenteurs du pouvoir judiciaire de « petits pois » où l’on supprime violemment un rouage de contre pouvoir et d’équilibre face au pouvoir du juge tels que les Avoués, où l’on vise à supprimer l’indépendance des Avocats, n’est pas un pays en paix. Il est en proie à l’impéritie et aux influences plus ou moins secrètes. Restera-t-il assez de citoyens indignés et attachés à l’idée de justice pour maintenir le si fragile équilibre de l’Etat de droit ?


Christian BOYER.

A voir aussi sur le même thème:- La suppression des avoués, par Philippe LECONTE
- Monsieur Attali et les avoués près les Cours d'Appel, par Vincent MOSQUET Cet article n'engage que son auteur.

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