AIRBNB : responsabilité à l'égard du bailleur retenue !

AIRBNB : responsabilité à l'égard du bailleur retenue !

Publié le : 02/05/2018 02 mai mai 05 2018

Le vent tourne pour la célèbre plateforme américaine qui propose à la location les logements de particuliers … 
Cette dernière vient pour la première fois d’être condamnée par le Tribunal d’Instance de PARIS, dans un jugement prononcé le 6 février dernier, à indemniser le bailleur d’un appartement dont le locataire avait sous-loué le bien via ladite plateforme, sans son autorisation, du préjudice moral subi, outre son préjudice matériel et la perte des fruits illicitement perçus par le locataire (TI PARIS, 6 ème arrondissement, 6 février 2018, RG 11-17-000190).

Les faits sont les suivants : Un locataire décide de mettre en sous-location son logement sur la plateforme numérique, alors même qu’il n’y est pas autorisé par son contrat de location, que son bailleur a expressément refusé qu’il procède à cette sous-location et l’a averti à plusieurs reprises des sanctions consécutives à ce type de comportement.

Le bailleur décide de poursuivre son locataire en restitution notamment des loyers illicitement perçus du fait de la sous-location illicite, outre les intérêts.

Il poursuit également la plateforme numérique, sollicitant notamment la prise en charge par elle et le locataire d’un préjudice moral estimé à 7.500 euros.

Les relevés de transaction, dont le bailleur avait sollicité la communication par voie judiciaire antérieure, auprès de la Société AIRBNB, démontrent que le locataire avait perçu au titre de ladite sous-location près de 49.301,37 euros pour 119 locations illicites réalisées entre le 31 mars 2016 et le 24 septembre 2017. 

Les sommes sont donc loin d’être négligeables et l’on comprend dès lors sans difficulté « l’agacement » du propriétaire-bailleur.

A la suite d’un accord intervenu en cours de procédure, le bailleur se désiste à l’encontre du locataire mais maintient, par contre, ses demandes à l’encontre de la Société AIRBNB.

Il lui reproche notamment de ne pas avoir vérifié que le loueur (le locataire pour le bailleur) disposait d’une autorisation valable, de ne pas l’avoir informé sur ses obligations de déclaration ou d’autorisation préalable instaurée par la loi du 7 octobre 2016, de ne pas avoir suspendu le compte du locataire après s’être aperçu que ladite sous-location n’était pas autorisée.

Le bailleur considérait ici qu’à force de négligence et d’abstentions, la Société AIRBNB avait purement et simplement fourni au locataire le moyen de s’affranchir du cadre légal.

La Société AIRBNB répondait, quant à elle, en substance, qu’il ne lui appartenait pas de réclamer une autorisation de sous-louer, ni de vérifier l’autorisation obtenue à cet effet.

Elle ajoutait qu’elle n’avait pas à assister le locataire dans la compréhension de son bail et qu’elle n’était pas responsable du non-respect de son contrat de bail.

Elle contestait ainsi tant la faute qui lui était reproché que le lien de causalité avec les préjudices invoqués par le bailleur.

Au visa des articles 1340 et 1341 du code civil (responsabilité délictuelle) dans leur rédaction issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 qui disposent respectivement :

«  Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
«  Chacun est responsable du dommage qu’il a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence ». 

Le Tribunal rappelle, conformément à une jurisprudence constante en la matière, que la faute peut consister aussi bien dans un acte positif que dans une abstention.

En l’espèce, la juridiction accueille l’argumentation du bailleur et caractérise matériellement la faute de la Société AIRBNB par un manquement à l’obligation d’information à l’égard du loueur et un défaut de vigilance dans le suivi des locations contractées sur la plateforme qui a permis au locataire de s’affranchir de ses obligations contractuelles.

Il est ainsi rappelé que :
 
  • La Société AIRBNB était tenue d’une obligation d’information à l’égard du loueur sur ses obligations de déclaration ou d’autorisation préalable,
  • D’obtenir une déclaration sur l’honneur du loueur,
  • De veiller à ce que le logement ne soit pas loué plus de 120 jours par an,
  • A compter du 1er décembre 2017, de publier le numéro d’enregistrement relatif à la déclaration préalable obligatoire effectuée par télé-déclaration
 

A quoi est-il fait référence ici ?


Il faut rappeler qu’en région parisienne, « le loueur » qui envisage de mettre en location son logement via la plateforme américaine, doit au préalable effectuer une déclaration en ligne auprès de la Mairie de PARIS afin d’obtenir un numéro d’enregistrement qui devra figurer ensuite dans l’annonce passée.

Cette modalité découle de la loi du 6 octobre 2016 qui a modifié l’article 324-1-1 du Code du Tourisme qui dispose :

« Dans les communes où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 et L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location pour de courtes durées d'un local meublé en faveur d'une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile.

« Lorsqu'elle est mise en œuvre, cette déclaration soumise à enregistrement se substitue à la déclaration mentionnée au I du présent article.

« Un téléservice permet d'effectuer la déclaration. La déclaration peut également être faite par tout autre moyen de dépôt prévu par la délibération susmentionnée.

« Dès réception, la déclaration donne lieu à la délivrance sans délai par la commune d'un accusé-réception comprenant un numéro de déclaration ».

L’objectif est de contrôler les logements mis en location par le biais de la plateforme mais également le nombre de nuitées qui ne doit pas dépasser 120 par an.

Il s’agit de contrer la baisse de l’offre locative sur les villes subissant d’ores et déjà une pénurie conséquente et de lutter contre les conséquences de ces sous-locations illégales pour l’hôtellerie.

Le dispositif est également en place dans d’autres grandes villes telle BORDEAUX depuis le 1er mars.

En l’espèce, la Société AIRBNB ne justifiait pas avoir informé le loueur de ses obligations légales de déclaration, et ne justifiait pas non plus avoir contrôlé le nombre de nuitées.

En outre, le défaut de vigilance était également caractérisé par le fait est que la Société AIRBNB avait été alertée du problème dès le 2 mai 2017 et que le compte avait continué de fonctionner jusqu’à ce que le loueur le désactive lui-même après l’introduction de la procédure par le bailleur !

La faute de la Société AIRBNB est ainsi caractérisée et distinguée de celle du loueur et locataire dont en définitive elle se rend complice par abstention et négligence.
 

Quelle indemnisation pour le bailleur ?

Le bailleur obtient ici l’indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 3.000 euros, la prise en charge de ses frais d’huissier, mais également et surtout une somme de 1.869.07 euros correspondant aux sommes perçues par la Société AIRBNB à titre de rémunération sur la mise à disposition du bien.

Il s’agit là, selon le Tribunal, des « fruits » indument perçus par la Société AIRBNB et revenant en application de l’article 546 du Code Civil au propriétaire bailleur du logement.

Cette décision constitue à l’évidence une avancée intéressante dans la protection du propriétaire bailleur face auxdites plateformes numériques.

Elle responsabilise également ces dernières quant au cadre légal applicable dont elles ne peuvent s’affranchir.

Il ne reste plus qu’à attendre qu’elle soit confirmée par d’autres décisions à venir !


Cet aticle n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Richard Villalon - Fotolia.com

 

Auteur

AVRIL Maud

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