Rétractation promesse de vente

Promesse unilatérale de vente : la promesse doit être tenue - Ou l’inconséquence du promettant ne lui profite pas

Publié le : 19/12/2024 19 décembre déc. 12 2024

Jacques Chirac a prononcé cette phrase culte en politique : « les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent ». Il serait vain de compter le nombre de fois où cette boutade s’est révélée vraie. La politique c’est une chose, le droit c’en est une autre et pourtant... Ainsi la promesse unilatérale de vente d’immeuble a pu longtemps être considérée comme n’engageant que le bénéficiaire.
Cette promesse engage un promettant pendant une période qu’il définit (ou pas) à vendre à un bénéficiaire qui bénéficie d’un délai pour lever l’option et rendre la vente parfaite.

Reste que le promettant est parfois tenté, sollicité par un autre candidat acquéreur mieux disant ou renonçant à vendre, de rétracter sa promesse avant que le bénéficiaire n’ait levé l’option et avant même que le délai d’option soit épuisé.
Pire : la rétractation intervient parfois avant l’expiration du délai de validité de la promesse donné par le promettant.

Dans ces cas comment se résout la querelle entre les deux parties ?

Si le bénéficiaire renonce à revendiquer le bénéfice de la promesse et donc la vente il n’y a pas de contentieux, le promettant reprend sa liberté.

Si le bénéficiaire persiste à vouloir l’exécution de la promesse qu’en est-il ?

Dans un premier temps la jurisprudence condamnait le promettant à des dommages-intérêts vis-à-vis du bénéficiaire sauf si une somme était prévue au contrat. En aucun cas les tribunaux n’admettaient que le bénéficiaire ait droit à une réalisation forcée car pour eux la promesse n’était qu’une obligation de faire.
De nombreux exemples existent : Cass. civ. 3, 15 décembre 1993, n° 91-10.199 (jurisprudence Cruz très critiquée par la doctrine : exemple JCP G, 1995, II, 22366, n. D. Mazeaud) ; Cass. 3e civ., 28 octobre 2003, n° 02-14459).

Par la suite mais sur un autre fondement à savoir le défaut de consentement la jurisprudence adoptait la même solution ; par exemple : Cass. 3e civ., 11 mai 2011, n° 10-12.875 ; Cass.3e civ., 12 juin 2013, n° 12-19.105) et aussi Cass. com., 13 sept. 2011, n° 10-19.526 ; la motivation étant : « la levée de l’option de la promesse par le bénéficiaire postérieurement à la rétractation excluant toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, la réalisation forcée de la vente ne peut être ordonnée ».

Les parties pouvaient toutefois conclure dans la promesse une clause d’exécution forcée.

La réforme des contrats a changé la donne en ce sens que l’ordonnance du 10 février 2016 n° 2016-131 a créé un deuxième alinéa à l’article 1124 ainsi rédigé : » La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis ».

De ce fait la cour de cassation a adopté dans ce cas la solution de la réalisation forcée d’une promesse pour celles conclues après la publication de l’ordonnance. 
Mais surtout pour des promesses conclues avant la publication de l’ordonnance de 2016 une série d’arrêts a appliqué cette règle de la réalisation forcée.

La 3° chambre d’abord dans un arrêt remarqué du 23 juin 2021 n° 20-17.554 suivi par un autre du 20 octobre 2021, n° 20-18.514. Elle se fonde dans le premier sur l’article 1142 du code civil relatif à la sanction de l’inexécution d’une obligation de faire ou de ne pas faire par des dommages et intérêts et ne tire que l’exécution forcée est possible ; et sur l’article 1134 dans le second qui est relatif à la force exécutoire du contrat qui exclurait toute possibilité pour le promettant de se dégager de son engagement.

La Chambre Commerciale ensuite statue, toujours sur une promesse antérieure à l’ordonnance de 2016, avec une motivation enrichie par un arrêt du 15 mars 2023, n° 21-20.399 : « il y a lieu d'appliquer à la présente espèce le principe selon lequel la révocation de la promesse avant l'expiration du temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis ». La chambre commerciale motive sur le revirement de la 3° chambre qui rend son arrêt prévisible et n’atteint pas la sécurité juridique mais aussi prend en compte les critiques de la doctrine (!) à l’encontre de sa précédente jurisprudence. 

Le promettant soumis auparavant a des dommages-intérêts sera susceptible de voir solliciter la réalisation forcée de la promesse de vente.

Une confirmation de ce revirement vient d’être donnée par un arrêt Cass. civ. 3, 21-11-2024, n° 21-12.661, qui, se fondant sur les articles 1101,1134 alinéa 1er et 1591 du code civil – dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 20126 (sic) – juge que la promesse institue une obligation de faire, que les conventions font la loi des parties et que le prix de vente y stipulé sera le prix de la vente intervenue par la levée d’option (en l’espèce la rétractation avait eu lieu bien avant). La cour de cassation retient donc que la rétractation de la promesse n’a pas d’effet, que la vente est parfaite par la levée d’option et que le prix est celui de la promesse.

Ce qui sort de l’ordinaire en l’espèce c’est que la promesse a été établie par acte authentique le 21 octobre 1971, pour une durée de quatre ans tacitement prolongés et qu’elle devait prendre fin un an après la mise en service d’une rocade, la rétractation (par les héritiers du promettant) étant intervenue le 1er juin 2011 et la levée d’option le 18 novembre 2016 (la rocade devant être ouverte le 24 novembre suivant). 

Ces faits démontrent bien que la volonté de la 3° chambre civile, à l’instar de la Chambre commerciale, est bien d’appliquer l’ordonnance du 10 février 2016 aux promesses antérieures et que les promettants auront désormais comme sanction d’une rétractation précipitée la réalisation forcée de la vente.


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

PROVANSAL Alain
Avocat Honoraire
Eklar Avocats
MARSEILLE (13)
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