Pour une poignée de dollars Google s'approprie la culture mondiale

Publié le : 24/11/2009 24 novembre nov. 11 2009

Selon l'accord, Google s'arroge le droit sur le territoire américain de numériser et exploiter tous les ouvrages publiés, avant le 5 janvier 2009, y compris ceux d'auteurs étrangers pourtant protégés par les droits d'auteurs nationaux.

Google et la numérisation des livresLe 28 octobre 2008, après deux ans de négociation, un accord a été signé entre GOOGLE et l'association des éditeurs américains ainsi qu'avec le syndicat des auteurs (Authors Guild).
Le syndicat et un regroupement de cinq éditeurs avaient contesté le projet de GOOGLE de numériser des livres et des périodiques à partir de bibliothèques universitaires.

Cet accord aurait dû être étendu au monde entier (sauf quelques très rares exceptions dont ne fait pas partie la France) s'il avait été validé tel quel, par un obscur Tribunal d’Instance de New York lors d'une audience du 11 juin 2009 (tribunal régional des États-Unis pour la circonscription Sud de New York).

Heureusement sous la pression médiatique, mais aussi très mercantile d'autres acteurs du net comme Amazon, l'Etat américain est intervenu pour demander une révision de l'accord qui contreviendrait aux règles antitrust américaines.

L'audience du 11 juin a été reportée plusieurs fois. En définitive, GOOGLE avait jusqu'au 13 novembre pour faire une nouvelle proposition plus conforme aux règles fédérales.

Selon l'accord conclu initialement, GOOGLE verserait 125 millions de $ pour régler le litige, dont 45 millions serviraient à dédommager les auteurs et les éditeurs dont les ouvrages, protégés par le droit d'auteur, avaient été scannés sans leur permission.

Mais, et c'est là ou le bât blesse, GOOGLE s'arroge ainsi le droit sur le territoire américain de numériser et exploiter tous les ouvrages publiés, avant le 5 janvier 2009, y compris ceux d'auteurs étrangers pourtant protégés par les droits d'auteurs nationaux. Et GOOGLE prélève 37 % des recettes pour son compte. Vous pourrez interdire à GOOGLE cette exploitation à condition d'en faire la demande avant le 5 avril 2011 (repoussé au 9 mars 2012) au plus tard, si votre livre est déjà numérisé, et à tout moment s'il ne l'est pas encore. Par ailleurs si le livre est encore disponible dans le commerce, GOOGLE devra avoir votre accord préalable.

Surtout, n'allez pas vous imaginer que cela ne concerne que quelques auteurs célèbres : mon mémoire de maîtrise jamais publié et datant de 1986 figure dans les listings de GOOGLE!!

Sont concernés tous les livres et textes publiés à l'exclusion des périodiques, partitions de musique, ouvrages gouvernementaux ou tombées dans le domaine public.


Si vous voulez protéger vos droits, que faire ?

- Ne rien faire et vous serez tenu par l'accord et vous devrez renoncez à vos revendications contre GOOGLE (selon ce qu'explique l'accord). Si GOOGLE a déjà numérisé vos ouvrages, vous recevrez une aumône selon l'accord, comprise entre 60 $ et 300 $ ! En clair si le GONCOURT 2008 est numérisé Atiq RAHIMI pourrait prétendre à 300 $ maximum...

- Demander à votre gouvernement de déclarer la guerre aux USA (je rigole...),

- Saisir un avocat (je ne plaisante pas) et le payer sans être sur du résultat,

- Peut-être plus simple puisque vous êtes au courant, prévenir officiellement GOOGLE avant le 4 septembre 2009 que vous ne souhaitez pas participer à cet accord.

Evidemment aujourd'hui, et compte tenu des aléas judiciaires, cette date n'est plus d'actualité. Et GOOGLE a proposé dans les délais (le 11 novembre) plusieurs avenants à l'accord initial. Le juge doit se prononcer le 4 février 2010.

En définitive, l'accord ne viserait plus que les personnes résidant aux Etats-Unis, Angleterre (UK), Australie et Canada. Certains se félicitent de voir que la France n'est plus concernée. Je ne me réjouirais pas trop vite, car il ne règle pas (semble-t-il) le cas des ouvrages français, mais publiés aux Etats-unis, en Angleterre, etc. Et malgré quelques mesures cosmétiques, le problème de fond des œuvres non revendiquées (dites orphelines) n'est pas réglé. Celui des œuvres dont les droits sont épuisés non plus.

Nous nageons en plein absurde, tous les principes de droit fondamentaux français sont bafoués: les droits d'auteurs patrimoniaux, les droits d'auteurs moraux, le silence ne vaut pas acceptation, la compétence des Tribunaux français, etc.

Si cet accord est validé par le Tribunal américain, ce dont je ne doute pas, et, sauf à renoncer à notre souveraineté, je veux croire qu’il ne sera pas retenu par les Tribunaux français qui auraient à en juger.

Outre les réels problèmes de souveraineté nationale qui sont posés, l’accord permettra à GOOGLE de numériser l’ensemble des livres détenus par les bibliothèques américaines et de les exploiter selon son bon vouloir. GOOGLE va pouvoir monopoliser le marché culturel du livre. BIG BROTHER….





Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

DAURIAC Eric
Avocat Associé
DAURIAC, PAULIAT-DEFAYE, BOUCHERLE, MAGNE, Invités permanents : anciens présidents
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