Outillages publics portuaires: le Conseil d'Etat fait preuve de pragmatisme

Publié le : 08/07/2009 08 juillet juil. 07 2009

Le Conseil d'Etat a annulé la décision du Tribunal Administratif qui avait obligé le Grand Port maritime de Marseille à suspendre un appel d’offre relatif à l’exploitation de la forme de radoub n°10 et à l’aménagement de 10 hectares attenant.

La décision du Conseil d'Etat du 10 juin 2009Par un récent arrêt en date du 10 juin 2009, le Conseil d'Etat a annulé la décision du Tribunal Administratif de Marseille qui avait obligé le Grand Port Maritime de Marseille à suspendre un appel d’offre relatif à l’exploitation de la forme de radoub n°10 et à l’aménagement de dix hectares attenant.

La problématique portait sur la mise à disposition d’espaces du domaine public maritime et d’outillages publics portuaires.

Cette affaire met en exergue les difficultés pouvant apparaître lors de la passation de ce type de contrat.
En d’autres termes, l’exploitation d’une parcelle du domaine public d’un port maritime, affectée à des activités de construction et réparation navale, entre-t-elle dans le giron du service public ?

La question est essentielle en termes de passation puisque l’application des procédures de publicité et de concurrence imposées par la Loi SAPIN de 1993 est en jeu.

Elle revêt une ampleur plus importante touchant à la notion même de service public, à sa délimitation et à son contenu, mais aussi à l’équation contestable selon laquelle les concessions d’outillage public constitueraient nécessairement des délégations de service public.

Si l’on peut regretter la décision du Conseil d'Etat en ce qu’elle ne permet pas de clarifier le régime juridique des concessions d’outillage public, le Conseil d'Etat a écarté les griefs du candidat malheureux qui portaient sur le non respect des règles de publicité, estimant, au contraire, que ce dernier avait pu présenter son projet dans des conditions normales.

Par cet arrêt, le Conseil d'Etat confirme sa dernière jurisprudence (CE, 3 octobre 2008, « SMIRGEOMES », n°305 420). En effet, le Conseil d'Etat exige désormais qu’une irrégularité, à la supposer établie, soit susceptible d’avoir lésé ou risque de léser l’entreprise, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.

Dans son arrêt en date du 10 juin 2009, le Conseil d'Etat a jugé que la société requérante n’établit pas en quoi le non respect de certaines formalités l’aurait lésée ou aurait été susceptible de la léser.
Constatant qu’aucun manquement n’a été commis à son détriment, le Conseil d'Etat a annulé l’ordonnance du 11 juin 2008 du Juge des Référés du Tribunal Administratif de Marseille.

En revanche, le Conseil d'Etat ne revient pas sur la qualification du contrat de mise à disposition d’outillage public portuaire.
Or il aurait été intéressant que le Conseil d'Etat clarifie le régime de la concession d’outillage qui, selon nous, ne peut être uniforme et inconditionnel.

Ainsi, on admettra que si l’outillage public est attaché à un service public, la convention s’analysera en délégation de service public.
Inversement, si l’outillage public n’est pas attaché à un service public, la convention ne s’analysera pas en délégation de service public.
A partir du moment où il n’y a pas d’obligation de service public, alors même qu’il y aurait l’outillage public, il ne peut y avoir service public.

La question se pose, notamment, pour l’activité de réparation et de construction navale.
Dans ce cas, lorsque l’outillage est affecté à la construction et à la réparation navale, qui ne sont pas des services publics dont un Grand Port Maritime aurait la responsabilité, il ne peut y avoir délégation de service public.
En effet, s’il n’appartient pas à un Grand Port Maritime, alors même qu’il y a outillage public, d’exercer une activité de réparation navale, il ne peut y avoir d’obligation de service public. Une personne publique ne peut déléguer un service public dont elle n’est pas chargée.

Finalement, il importe aujourd’hui de rechercher la conciliation du régime de la concession d’outillage avec l’activité à laquelle il s’attache.
Dès lors que le domaine public portuaire constitue le siège d’activités à caractère industriel et commercial, sa gestion ne saurait conduire par elle-même, à l’existence d’un service public.
Or considérer sans équivoque qu’une concession d’outillage constitue une délégation de service public parait au XXIème siècle largement contestable et contesté. Ne faut-il pas faire prévaloir une conception des modes d’exploitation des Grands Ports Maritimes qui tienne davantage compte des réalités économiques actuelles ?


Nicolas FOUILLEUL,
Cabinet Gobert & Associés - Marseille





Cet article n'engage que son auteur.

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