Vente immobilière

Du facultatif au provisoire ou la variabilité de l’opposabilité de la publicité foncière

Publié le : 10/12/2020 10 décembre déc. 12 2020

Fondée sur la nécessité de sécuriser la propriété et les garanties la publicité foncière française (hors Alsace Moselle qui connait le Livre Foncier dont le but est le même avec des moyens différents), dont la rénovation du cadastre l’a faite entrer dans la modernité, vise aussi à rendre opposable aux tiers ou les en informer les actes y publiés ou les sûretés y inscrites.

Il y a donc deux niveaux de protection pour celui qui fait effectuer une formalité : soit fort pour les actes essentiels comme la transmission à titre onéreux ou gratuit de biens et droits immobiliers, la demande en résolution de cette transmission ou l’inscription d’une sûreté, soit minimale en cas de simple promesse ou encore l’action judicaire en réalisation forcée de celle-ci ou convention de servitude.

En cas de conflit entre deux publications la préférence sera donnée à l’opération qui sera opposable face à une simple information.

Et l’on doit constater que la force d’opposabilité varie suivant que la publication est obligatoire ou facultative.

Une illustration vient d’être donnée récemment par la Cour de cassation dans un arrêt du 1er octobre 2020 (Cass. Civ. 3, 1er oct. 2020, n° 19-17549).


Le cas est le suivant :

Une société D. vend son immeuble à une dame Z. laquelle consent par la suite une promesse de vente sous seings privés à un Monsieur X.

M. X assigne Mme Z. en réalisation forcée de la promesse et publie son assignation ce que lui permet l’article 37 2 1° du décret du 4 janvier 1955 sur la publicité foncière.

Quelque temps après la société D. assigne Mme Z., M. X et le notaire en résolution de la vente qu’elle avait consenti.

Sur appel par M. X de la décision la Cour d’appel relève qu’aucune décision de justice ni aucun acte notarié constatant la réalisation ou la réitération de la promesse n’a été publié dans les trois ans de l’assignation en réalisation forcée prononcée (article 37 du décret précité du 4 janvier 1955).

Et pour elle la seule publication de l’assignation en réitération de la vente n’a pas eu pour effet de conférer au bénéficiaire des droits sur l’immeuble.

Sur pourvoi formé par M. X la Cour de cassation se prononce clairement dans le sens que la publication d’une simple promesse de vente sous seings privés – par ailleurs facultative selon l’article 37 2 du décret du 4 janvier 1955 sur la publicité foncière – n’emporte pas mutation de propriété et donc n’entraine pas l’effet d’opposabilité aux tiers prévu par l’article 30 du même décret.

En revanche la Haute cour réaffirme que les exigences de publicité foncière des articles 30 1 al. 4 du décret précité et 2379 al. 2 du code civil pour l’action en résolution d’une vente immobilière ne conditionnent son opposabilité qu’à l’égard des tiers ayant publiés des droits immobiliers acquis du titulaire du droit anéanti. 

Notons à titre anecdotique mais pratique que si la demande en résolution est formée en cours d’instance par voie de conclusions après une assignation en réitération forcée de la vente (non publiée) ce sont ces conclusions qui doivent être publiées (Cass. Civ. 3, 18 mars 1998, n° 96-17072).

Dans sa logique la Cour rejette le pourvoi, confirmant ainsi le lien, dans les transmissions de propriété notamment, entre publicité obligatoire et opposabilité d’une part et entre publicité facultative et simple information d‘autre part.

Pourtant le demandeur au pourvoi bénéficiaire de la promesse prétendait que le vendeur initial la Société D. était irrecevable en son action en résolution faute d’avoir inscrit le privilège de vendeur dans les deux mois de la vente ce qui serait violer ensemble les articles 1654, 2379 et 2427 du code civil et 37 du décret du 4 janvier 1955.

La Cour de cassation écarte le moyen comme étant mélangé de fait et de droit donc nouveau. Ce moyen n’était de toute façon pas fondé car reposant sur des textes qui ne protègent que des personnes ayant des droits sur l’immeuble ce qui n’était pas le cas d’un bénéficiaire de promesse de vente sous seings privés.

Cela conforte l’acte authentique dans la transmission de propriété : acte notarié ou décision de justice.



Cet article n'engage que son auteur.

 

Auteur

PROVANSAL Alain
Avocat Honoraire
Eklar Avocats
MARSEILLE (13)
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