Acquisition du caractère distinctif par l’usage des marques de l’Union Européenne

Acquisition du caractère distinctif par l’usage des marques de l’Union Européenne

Publié le : 28/11/2018 28 novembre nov. 11 2018

Pour prouver l’acquisition du caractère distinctif par l’usage d’une marque de l’Union européenne, il n’est pas nécessaire de rapporter la preuve de cette acquisition dans tous les pays de l’Union pris individuellement dès lors que la preuve peut être rapportée par extrapolation. 
La marque a pour fonction essentielle de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service.

Ainsi, pour être valable, la marque doit permettre de distinguer des produits et services d'une entreprise de ceux provenant d'une autre entreprise, et d’être donc « distinctive ».

Si une marque n’est pas distinctive au moment de son enregistrement, elle peut néanmoins le devenir par son usage. Par exemple, la Cour de cassation a pu confirmer que la marque verbale « vente-privee.com » a acquis un caractère distinctif par l’usage (Com. 6 déc. 2016, n°15-19048).

La marque deviendra distinctive à partir du moment où elle permettra au public pertinent d'identifier l'origine des produits ou des services visés par elle et de les distinguer de ceux d'autres entreprises.

En cas de contestation de la validité de la marque, le titulaire de la marque devra être capable de prouver que sa marque est devenue distinctive grâce à son usage.

Pour les marques de l’Union européenne (UE) (valables dans l’ensemble des pays de l’Union européenne) la preuve est d’autant plus difficile à apporter que le titulaire doit démontrer l’acquisition du caractère distinctif par l’usage dans l’ensemble de l’Union.
 

En pratique, comment peut-on prouver l’acquisition du caractère distinctif d’une marque de l’Union européenne ?


C’est bien l’une des difficultés rencontrées par le Chocolatier Suisse Nestlé pour défendre sa marque de l’UE tridimensionnelle « KIT KAT 4 FINGERS » désignant les « bonbons, produits de boulangerie, articles de pâtisserie, biscuits, gâteaux, gaufres » qu’elle utilise pour commercialiser ses gaufres Kit Kat.

Depuis 2007, la société Nestlé se livre à une bataille judiciaire avec la société Mondelez UK Holdings & Services, qui tente d’obtenir l’annulation de l’enregistrement de sa marque « KIT KAT 4 FINGERS » pour défaut de distinctivité.

Le Tribunal de l’UE a considéré que les éléments de preuve du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque en question étaient insuffisants pour 4 pays, quand bien même la société Nestlé avait réussi à prouver que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif dans 10 pays de l’Union (Arrêt du Tribunal du 15 décembre 2016, Mondelez UK Holdings & Services Ltd/EUIPO (T-112/13).

Par un arrêt du 25 juillet dernier (CJUE, 25 juill 2018, Nestlé, C-84/17), la Cour de Justice de l’Union européenne vient nous éclairer sur la manière de prouver l’acquisition du caractère distinctif d’une marque de l’UE.
La Cour considère que, bien qu’il ne soit pas nécessaire que la preuve de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage soit rapportée pour chaque Etat membre pris individuellement, les preuves apportées doivent néanmoins permettre de démontrer une telle acquisition dans l’ensemble des Etats membres de l’Union dans lesquels cette marque était dépourvue de caractère distinctif.
Ainsi, des éléments de preuve de l’acquisition pourraient avoir une pertinence pour plusieurs pays de l’UE, voir l’ensemble de l’Union. La Cour de justice fait notamment référence à l’hypothèse où un opérateur économique a regroupé plusieurs États membres au sein du même réseau de distribution et a traité ces Etats membres, en particulier du point de vue de leurs stratégies marketing, comme s'ils constituaient un seul et même marché national.

Dans une telle situation, il est possible que les éléments de preuve de l'usage d'un signe sur un tel marché transfrontalier soient pertinents pour démontrer l'acquisition de la distinctivité par l'usage pour tous ces États membres. De la même manière, en cas de proximité géographique, culturelle ou linguistique entre deux États membres, le public pertinent de l'un pourrait posséder une connaissance suffisante des produits ou des services présents sur le marché national de l'autre.

Cette affaire « croustillante » est loin d’être terminée, car après avoir rejeté les pourvois de la société Nestlé, la Cour de Justice de l’UE renvoie l’affaire devant l’Office de l’Union qu’elle estime compétente pour apprécier le caractère distinctif ou non de la marque.


Cet article n'engage que son auteur.
 

Auteur

Constance BEYELER
Avocate
CORNET VINCENT SEGUREL LILLE
LILLE (59)
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