Marché publics: les limites de l'intangibilité des offres

Marché publics: les limites de l'intangibilité des offres

Publié le : 28/10/2011 28 octobre oct. 10 2011

Le CE tout en confirmant l'analyse du Juge de 1ère instance sur l'inapplication du principe d'intangibilité aux offres empreintes d'une erreur purement matérielle, en censure l'ordonnance pour préciser les modalités de contrôle du juge administratif.

Contrôle de "l'erreur purement matérielle" susceptible de rectification
CE, 21 septembre 2011, n° 349149, Département des Hauts-de-Seine.

Dans son arrêt du 21 septembre 2011, le Conseil d'Etat tout en confirmant l'analyse du Juge de première instance sur l'inapplication du principe d'intangibilité aux offres empreintes d'une erreur purement matérielle, en censure néanmoins l'ordonnance pour préciser les modalités de contrôle du juge administratif en la matière.

Au Conseil d'Etat d'indiquer, en effet, que "ce principe [d'intangibilité] ne saurait recevoir application dans le cas exceptionnel où il s'agit de rectifier une erreur purement matérielle, d'une nature telle que nul ne pourrait s'en prévaloir de bonne foi dans l'hypothèse où le candidat verrait son offre retenue".

Ainsi, plus qu'une limite au principe d'intangibilité, la décision du Conseil d'Etat renseigne davantage sur la nature de l'offre à laquelle il s'applique. Dès lors que l'offre proposée n'est pas manifestement erronée, le principe d'intangibilité de l'offre demeure en réalité absolu. En revanche, une offre viciée par une erreur purement matérielle est susceptible de rectification - et non de modification -.

Les faits de l'espèce peuvent être résumés comme suit.

Le Département des Hauts-de-Seine a lancé une procédure de passation d'un marché à bons de commande portant sur des travaux urgents sur des ouvrages du réseau départemental d'assainissement.

Dans le cadre de l'analyse des offres, le Département a constaté que le prix n° 903 porté au bordereau de prix unitaire apparaissait anormalement bas et a sollicité, de ce chef, des précisions de la part du soumissionnaire, le groupement Parenge/Sade/Segex. Ce dernier a alors indiqué que ce prix était non de 22 euros comme porté au bordereau mais de 220 euros.

A l'aulne de cette précision, le Département des Hauts-de-Seine a finalement décidé de rejeter l'offre du groupement au motif qu'ayant modifié l'un des prix du bordereau, ledit groupement n'avait pas respecté le principe d'intangibilité de l'offre tel qu'il résulte du I de l'article 59 du code des marchés publics.

Le juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise prononçait l'annulation de la procédure à compter de l'examen des offres, jugeant que la société requérante avait procédé à une simple rectification d'erreur matérielle "qui avait pu entraîner une modification du montant de l'offre sans méconnaître les dispositions précitées du I de l'article 59 du code des marchés publics, eu égard au caractère très marginal de la prestation concernée et à l'incidence négligeable de cette rectification en cause sur le montant global de l'offre de l'intéressée".
Pour annuler la procédure, le juge de première instance contrôlait ainsi le degré de modification apportée ("caractère très marginal de la prestation concernée" et "incidence négligeable de cette rectification sur le montant global de l'offre") pour conclure en l'existence d'une "erreur matérielle".

Le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi, annulait l'ordonnance du juge des référés pour erreur de droit dès lors qu'il aurait irrégulièrement omis de rechercher "si cette erreur purement matérielle était d'une nature telle que nul n'aurait pu ensuite s'en prévaloir de bonne foi".

Ce faisant, le Conseil d'Etat a entendu, pour déterminer l'existence ou non d'une erreur matérielle, se placer non sur le degré de modification apporté mais strictement sur la nature - grossière ou non - de l'erreur commise (se rapprochant ainsi du contrôle de l'erreur manifeste).

Statuant sur le fond du dossier, les Juges du Palais Royal prononçaient, tout comme le Juge de première instance, l'annulation de la procédure au stade de l'analyse des offres mais se fondait, quant à eux, pour se déterminer sur l'existence ou non d'une erreur purement matérielle sur les faisceaux d'indices suivants :

- le montant anormalement faible du prix unitaire n° 903 correspondant au transport et à la mise en centre de stockage et de traitement des déchets dangereux,
- l'omission - matériellement - dans la décomposition du prix de la ligne tarifaire correspondant au stockage et au traitement,
- l'impossibilité, pour l'une ou l'autre des parties et notamment le pouvoir adjudicateur, de se prévaloir de bonne foi du prix non rectifié.

Le Conseil d'Etat concluait ainsi en l'existence d'une erreur grossière qualifiable d'erreur purement matérielle de sorte que le pouvoir adjudicateur n'avait pu éliminer l'offre de la Société requérante après rectification du prix sans méconnaitre ses obligations de mise en concurrence.

Une telle position jurisprudentielle a pour double avantage de, tout à la fois, reconnaitre aux soumissionnaires à un marché un droit - légitime - à l'erreur tout en posant des règles de contrôle précises au Juge administratif afin de se prémunir du risque de voir fleurir d'éventuelles erreurs matérielles de circonstance - c'est-à-dire des erreurs qui ne seraient pas "purement" et strictement matérielles.





Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © julien tromeur - Fotolia.com

Auteur

TISSOT Sarah

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