Les recours contre la formation des contrats publics

Publié le : 06/01/2010 06 janvier janv. 01 2010

Les voies de recours contre les contrats publics (marchés publics, délégations de service public, contrats de partenariat, …) ont été réformées en 2009. Dans un souci de concision, sont évoqués ici les recours ouverts aux candidats évincés.

Les procédures de recours en contrats publicsLes voies de recours qui s’ouvrent désormais contre les contrats publics soumis aux obligations de publicité et mise en concurrence, sont :

- les référés précontractuels et contractuels, modifiés par ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique et par décret n° 2009-1456 du 27 nov. 2009 relatif aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique,
- les recours ouverts par l’arrêt du Conseil d’Etat du 16 juil. 2007 Tropic Travaux Signalisation (n° 291545 – dit recours « Tropic »).

Référé précontractuels et contractuels

Les règles déclinées ci-après sont applicables aux consultations engagées à partir du 1er décembre 2009 (art. 25 de l’ordonnance n° 2009-515 et 33 du décret n° 2009-1456).

• Le référé précontractuel (art. L. 551-1 et s. du Code de justice administrative (CJA)) porte sur les « contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public ».

Ne sont sanctionnés que les manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence applicables (critères de sélection des offres non précisés – CE 30 janv. 2009 ANPE n° 290236, rejet infondé d’une candidature – CE 14 déc. 2009 com. de la Roche sur Yon n° 325830, etc.). Le requérant doit démontrer que le manquement invoqué, par sa portée et le stade de la procédure auquel il se rapporte, l’a lésé ou est susceptible de l'avoir lésé, fût-ce en avantageant un concurrent (CE 3 oct. 2008 SMIRGEOMES n° 305420). Cette exigence a mis fin à certaines dérives, le recours permettant auparavant l’annulation de procédures pour de simples vices de forme.

Le recours doit être introduit avant la signature du contrat, à peine d’irrecevabilité, le dépôt de la requête interdisant la signature du contrat (art. L. 551-4 CJA). La réforme impose que la requête soit parallèlement notifiée à l’acheteur public (art. R. 551-1 et R. 551-2 CJA). On ignore pour l’instant si le respect de cette dernière formalité sera nécessaire pour que l’interdiction de signer le contrat prenne effet. Le juge du référé doit statuer entre le 16ème jour à partir de l'envoi de la décision d'attribution aux candidats (11 jours en cas de notification par voie électronique) et le 20ème jour suivant le dépôt de la requête.

Les pouvoirs du juge sont larges : annulation intégrale ou partielle de la consultation, suppression de clauses, injonctions, suspension de décisions, etc., « sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages ».

• Le référé contractuel est un nouveau recours, régi par les art. L. 551-13 et s. du CJA, qui peut être introduit après signature du contrat, au plus tard 31 jours après publication d'un avis d'attribution ou conclusion des marchés fondés sur un accord-cadre, ou 6 mois après la conclusion si l’avis d’attribution n’est pas publié. Le recours ne peut être cumulé avec un référé précontractuel, sauf si l’interdiction de signature qui y est attachée a été méconnue. Il est irrecevable contre des contrats non soumis à publicité préalable, sous réserve que certaines formalités d’information aient été respectées (art. L. 551-15).

Les moyens invocables sont les mêmes que pour le référé précontractuel.

En revanche, les pouvoirs du juge diffèrent. Il peut suspendre provisoirement l’exécution du contrat, sauf conséquences négatives excessives. Il prononce la nullité du contrat automatiquement dans certains cas, notamment si «aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n'a été prise, ou lorsque a été omise une publication au JOUE dans le cas où une telle publication est prescrite » (art. L 551-18 CJA).

Il en va de même si le contrat a été signé en méconnaissance des délais imposés entre l’information des candidats et la signature, ou de l’interdiction attachée au référé précontractuel, si cette méconnaissance a privé le requérant de son droit à exercer un référé précontractuel, et si les obligations de publicité et de mise en concurrence ont été méconnues d'une manière affectant les chances du requérant d'obtenir le contrat. Le juge peut écarter la nullité si elle se heurte à une raison impérieuse d'intérêt général, qui ne peut être un intérêt économique sauf nullité entraînant des conséquences disproportionnées et présence d’un intérêt économique atteint non directement lié au contrat, ou si le contrat est une délégation de service public.

En dehors de la nullité, plusieurs sanctions sont possibles : résiliation du contrat, réduction de sa durée, ou pénalité financière (perçue par l'Etat).

Le référé contractuel doit être jugé dans un délai d’un mois, ce qui limite les conséquences éventuelles d’une mesure de type nullité ou résiliation du contrat.

Les ordonnances rendues sur ces deux référés sont susceptibles de pourvois en cassation devant le Conseil d’Etat dans un délai de 15 jours suivant leur notification. En pratique, le pourvoi sur le rejet d’un référé précontractuel est inutile, les contrats étant généralement signés ensuite, rendant le pourvoi est irrecevable, ou générant un non lieu.


Recours « Tropic »

Ce recours n’est accessible qu’aux candidats évincés d’une consultation. Il s’agit d’un recours de pleine juridiction permettant de contester la validité d’un contrat ou de certaines de ses clauses divisibles, ainsi que de solliciter une indemnité.

Le recours est double : il s’agit obligatoirement d’un recours au fond, qui peut être assorti d’un référé suspension contre le contrat (art. L. 521-1 CJA). En pratique, le référé suspension nécessite de démontrer une urgence à suspendre le contrat, condition qui n’est jamais remplie, le juge exigeant que le requérant subisse un préjudice très grave du fait de son éviction.

Le délai de recours est de deux mois à compter des mesures de publicité appropriées : en principe un avis mentionnant la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation. Sans ces mesures, le délai de recours ne court pas.

Le juge dispose de pouvoirs divers, en fonction de l’important du vice affectant le contrat : résiliation du contrat, modification de certaines clauses, poursuite de l’exécution sous réserve de mesures de régularisation, octroi d’indemnités, ou - si l’annulation du contrat ne porte pas une atteinte excessive à l’intérêt général ou aux droits des cocontractants - annulation totale ou partielle, le cas échéant avec effet différé.

L’indemnisation accordée peut correspondre au manque à gagner résultant de l’inexécution du contrat, si le requérant avait une chance sérieuse d’obtenir le contrat, ou, à défaut, égale aux frais de préparation de l’offre.
Le recours peut être cumulé avec un référé précontractuel. Il pourrait en être de même avec un référé contractuel.


Les contrats publics sont donc exposés, lors de leur passation à divers recours, dont les réformes ont amélioré l’effectivité. Les acheteurs publics doivent veiller à respecter les formalités d’information des candidats évincés et de publicité sur l’attribution d’un contrat, ainsi que les délais durant lesquels ils ne peuvent signer, sous peine de s’exposer à des risques contentieux, ou à des prolongations excessives des délais de recours.





Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

RAMAUT Pierre-Alexis
Avocat Associé
CORNET, VINCENT, SEGUREL RENNES
RENNES (35)
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