Les QPC en droit de l'Urbanisme

Les QPC en droit de l'Urbanisme

Publié le : 30/12/2010 30 décembre déc. 12 2010

Le droit de propriété privée est consacré par le Code Civil et notamment l’article 552 dont le contenu n’a pas varié depuis 1804 : La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous.

Droit de l'urbanisme
Le droit de propriété privée est consacré par le Code Civil et notamment l’article 552 dont le contenu n’a pas varié depuis 1804 : La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. Le propriétaire peut faire au-dessus toutes les plantations et constructions qu'il juge à propos, sauf les exceptions établies au titre "Des servitudes ou services fonciers". Il peut faire au-dessous toutes les constructions et fouilles qu'il jugera à propos, et tirer de ces fouilles tous les produits qu'elles peuvent fournir, sauf les modifications résultant des lois et règlements relatifs aux mines, et des lois et règlements de police.

Le développement du droit de l’urbanisme puis du droit de l’environnement a porté à ces principes cardinaux des atteintes particulièrement sévères.
Les propriétaires fonciers ont alors cherché le secours de la Cour Européenne des Droits de l’Homme en invoquant notamment l’article 1 du protocole additionnel à la convention éponyme.

L’article 61-1 de la Constitution et le dispositif des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) leur ouvrent désormais de nouvelles perspectives.

Les fondements les plus usités sont les article 2 (le droit de propriété est un droit naturel et imprescriptible de l’Homme), 17 (la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige et sous la condition d'une juste et préalable indemnité) et 13 (égalité devant les charges publiques) de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, mais aussi la Charte de l’environnement (notamment l’article 7) ou encore l’article 72 de la Constitution (libre administration des collectivités locales).


I- A ce jour, deux réponses constitutionnelles méritent examen :

1. La décision rendue le 22 septembre dernier à propos de l’article L. 332-6-1 du code de l'urbanisme (sur transmission de la Cour de Cassation) :

Les cessions gratuites de terrain imposées au pétitionnaire lors de la délivrance d’un permis sont contraires à la constitution (article 17 de la Déclaration de 1789)

Il s’agit de dispositions « divisibles » du permis de construire.

En réalité, ce que le Conseil sanctionne, c’est le fait que l’atteinte au droit de propriété est portée par une disposition de nature règlementaire, alors que la protection de la propriété privée relève du domaine de la loi (incompétence « négative » du législateur).

Mais il faut sans doute aller plus loin comme le souligne P. Soler Couteaux (R.D.I. n°11 p. 574) et considérer qu’en l’absence de contre partie, l’atteinte est caractérisée.

En réalité, ce n’est pas tant l’absence d’indemnité qui fait problème, mais plutôt, l’absence de faculté de demander la rétrocession ou surtout l’absence de délai prévu pour finaliser la cession.
Une instruction ministérielle enjoindrait aux mairies de ne pas réaliser les cessions prescrites par les permis antérieurement à l’arrêt, alors que le Conseil, usant des pouvoirs qui lui sont dévolus par l’article 62 de la Constitution, a précisé que sa jurisprudence ne s’appliquerait qu’à compter du 23.09.2010.


2. La décision rendue le 6 octobre dernier à propos de l’article L 318-3 du C.U.:

Le Conseil a considéré qu’il n’y avait pas privation de propriété lorsque les voies privées d’un lotissement sont transférées d’office dans la voirie communale, et ce, sans indemnité !

Pour cela, le Conseil s’est appuyé sur le texte d’origine et sur la nécessité de mettre en adéquation la situation de fait (ouverture à la circulation publique) et le droit, alors cependant que la notion d’ouvrage public est distincte de celle de propriété (domanialité) publique.

Si l’ouverture au public fait de la voie un « ouvrage » public, cela n’a pas d’incidence sur sa « propriété » qui demeure celle, privée, des colotis (association syndicale).

De ce fait, la décision n’est pas satisfaisante – d’autant que le Conseil n’a pas répondu sur le moyen relatif à l’intervention du juge judiciaire – et la question posée justifierait un recours à la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) !


II- D’autres QPC n’ont pas connu l’heur d’être transmises au Conseil Constitutionnel.

Ce fut notamment le cas de celle relative au principe de non indemnisation des servitudes urbanistiques posé par l’article L 160-5 du Code de l’urbanisme (sauf « charges exorbitantes », lesquelles ne sont pratiquement jamais admises !).

La question était pourtant d’actualité car, avec la « grenellisation » de l’urbanisme, de nombreux terrains risquent de devenir inconstructibles. Or le Conseil d’Etat par son arrêt du 16 juillet 2010 a estimé que la question ne présentait pas un caractère sérieux … en se fondant sur sa propre jurisprudence de 1998 !

De même, le Conseil d’Etat a refusé de transmettre la QPC relative à l’article L 123-16 du CU relative à la mise en compatibilité forcée du PLU (plan local d’urbanisme) avec une DUP (déclaration d’utilité publique) par décision du 15.09.2010, et celle portant sur l’intelligibilité du régime des certificats d’urbanisme (décision du 07.10.2010).



Un premier bilan plutôt mitigé, voire décevant, qui ne doit cependant pas décourager les amateurs de QPC ! Beaucoup de questions restent à poser dans un domaine où les atteintes au droit de propriété sont légion. Et les refus de transmission par le Conseil d’Etat pourront toujours être contestés à l’occasion des décisions rendues au fond.

Les QPC n’ont pas dit leur dernier mot !





Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

CHARLES-NEVEU Brigitte
Avocate Honoraire
NEVEU, CHARLES & ASSOCIES
NICE (06)
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