Les limites du contrat de transport

Les limites du contrat de transport

Publié le : 26/11/2012 26 novembre nov. 11 2012

L'arrêt de la Cour d'Appel de Lyon du 21 janvier 2011 est l'occasion de mettre en exergue les idiosyncrasies du contrat de transport et ses limites.

L'épineuse qualification de prestations mixtes- La problématique :
Une société A confie à une société B, la collecte et le tri de pneumatiques usagés.
La société B soustraite à la société C le ramassage des pneus usagés, incluant du transport.
La société C n’ayant pas été réglée de ses prestations par la société B, laquelle a été déclarée en liquidation judiciaire, exerce alors un recours direct contre la société A au visa des dispositions de l’article L132-8 du Code de Commerce, la société C invoquant à cet effet les dispositions protectrices du Code du Commerce en matière de transport.


Il faut préciser que la société A avait quant à elle réglé les prestations à la société B.


Ce problème est a priori un problème classique en matière de transport compte-tenu des dispositions particulières de l’article L132-8 qui permet au transporteur d’exercer son action directe à l’encontre du donneur d’ordres, l’expéditeur ou le destinataire, que celui-ci ait payé ou non payé le prestataire intermédiaire ou le client final.


En première instance, la société C obtient gain de cause ; le Tribunal de Commerce de Lyon ayant considéré que les dispositions de l’article L132-8 étaient applicables à la société A et l’a donc condamnée à payer à la société C, le montant de ses prestations.





- La décision :La Cour d’Appel de Lyon (21 janvier 2011) en a décidé autrement pour les raisons suivantes :


1. Tout d’abord l’action du transporteur suppose l’existence d’un contrat de transport, la qualité d’expéditeur ou de destinataire de la société A, la réalité des transports, et le bien fondé de la facturation dans son principe et dans son montant.

Puis la Cour rappelle que le contrat de transport implique le déplacement d’une certaine quantité de marchandises confiées par le client, dans un certain délai, moyennant un prix déterminé.
Pour la Cour le déplacement est par définition même l’essence du contrat de transport et il doit donc constituer l’obligation principale assumée par le transporteur.


Même en l’absence d’une lettre de voiture le contrat de transport peut exister s’il remplit les conditions préalablement définies.


En l’espèce, la Cour a relevé que la mission confiée à la société C n’était pas seulement le déplacement d’une certaine quantité de marchandises, dans un certain délai, et moyennant un prix déterminé, mais qu’en réalité il y avait 3 contrats à savoir :


Entre la société A et la société B :

- un contrat de réception, tri par catégories, regroupement, stockage, broyage et préparation de pneumatiques usagés

- un contrat de ramassage, regroupement, tri en vue de valoriser les pneumatiques usagés

et un contrat de sous-traitance entre la société B et la société C ayant pour objet le ramassage des pneus usagés de toutes catégories, la livraison des pneumatiques usagés à la société B en vue de leur préparation, valorisation et élimination.

2. Par ailleurs la Cour a retenu également que les parties avaient expressément fait référence à un cahier de clauses techniques particulières, définissant un certain nombre de prestations.

Après analyse des éléments contractuels et factuels, la Cour a considéré qu’il y avait en fait un contrat d’entreprise dans la mesure où il s’agissait d’un ensemble de prestations, incluant un ramassage sélectif, une organisation de la collecte à la diligence du collecteur, avec une prestation manuelle importante.


La Cour en a donc déduit que le transport des pneus usagés ne pouvait être considéré comme l’obligation principale, mais une obligation accessoire et annexe, et les contrats indivisibles.


3. Par ailleurs la Cour a considéré que :

- la société A ne pouvait être qualifiée d’expéditeur ou même de donneur d’ordres dans la mesure où c’est le prestataire qui organise ses collectes,

- l’absence de mandat donné par la société A à la société B dans la mesure où il s’agissait uniquement d’un contrat de prestation de service dans le cadre d’un contrat d’entreprise.

Ainsi la société B, n’ayant pas la qualité de mandataire de la société A, même si elle n’avait sous-traité à la société C que la prestation de transport, ne pouvait en aucun cas être qualifiée de mandataire de la société A, et ne pouvait être considérée comme ayant conclu un contrat de transport auprès de la société C, au nom et pour le compte de la société A.


* * *


Cette décision de la Cour d’Appel de Lyon est donc intéressante dans la mesure où elle fait le point sur différents éléments d’ordre juridique concernant les relations existant entre un donneur d’ordres, un prestataire et un transporteur, relation juridique qui fait référence à plusieurs fondements juridiques à savoir les limites du contrat de transport, du mandat et du contrat d’entreprise, ou l’indivisibilité des contrats.

Il convient également de rappeler que la jurisprudence est peu abondante sur cette problématique de prestations mixtes à savoir incluant du transport et également des prestations de service, telles que de la logistique.

Cela conduit donc les donneurs d’ordres, qui confient à des entreprises des prestations de service incluant du transport, à bien spécifier dans leur contrat, la nature des prestations, l’importance de celles-ci, afin de pouvoir ensuite invoquer le contrat d’entreprise à l’encontre d’une demande d’un transporteur fondée sur l’article L132-8 du Code de Commerce.

Enfin pour mémoire il faut rappeler que l’action du transporteur sous-traitant à l’encontre du donneur d’ordres, expéditeur ou destinataire doit être engagée dans le délai d’un an, la déclaration de créance ne valant pas interruption de ce délai. (Cass. Com. 12 juillet 2011 n°10-18675).


A défaut elle est prescrite.





Cet article n'engage que son auteur.

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