Le projet de loi pénitentiaire: les objectifs

Publié le : 31/03/2009 31 mars mars 03 2009

Le projet de loi pénitentiaire n’a pas pour unique objectif de désengorger les prisons. Bien au contraire, il s’inscrit en parfaite harmonie avec le programme de création de 13200 places supplémentaires en prison d’ici 2012.

Une meilleure prise en charge des détenus et une meilleure prévention de la récidive« Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Vous êtes appelés à vous prononcer sur un texte qui fera entrer notre système pénitentiaire dans le XXIème siècle.
Cette loi est attendue depuis 20 ans. Nous avons l’occasion de refonder notre politique pénitentiaire, de la rendre plus humaine, davantage tournée vers l’avenir.
C’est une opportunité immense. Sachons ensemble la saisir ».

Telles étaient les dernières phrases du discours de Madame Rachida DATI lors de l’examen du projet de loi pénitentiaire au Sénat ce 3 mars 2009.

Le ton est donné. La volonté clairement affichée est celle d’une humanisation de la détention.

Il est vrai que la question de l’amélioration des conditions de l’enfermement n’a jamais été autant d’actualité et que la prison connaît ces derniers mois une période particulièrement troublée.
Onze détenus suicidés en quinze jours au mois de janvier 2009.

Ce taux record a relancé avec acuité la question de légiférer et de réformer substantiellement et en profondeur le système pénitentiaire.

Après déclaration d’urgence, le Sénat a adopté le 6 mars 2009 le projet de loi enregistré à l’Assemblée Nationale le 9 du même mois sous le numéro 1506.

Venant parachever un processus législatif engagé depuis 2002, le projet de loi pénitentiaire originellement établi par le gouvernement et modifié selon les propositions de la Commission des Lois, poursuit l’objectif de la loi du 30 octobre 2007 créatrice du Contrôleur Général des lieux de privation de liberté, savoir « renforcer l’état de droit en prison ».

A l’instar des réformes législatives en matière de procédure pénale, ce texte se veut ambitieux en ce qu’il tend à renforcer cet équilibre nécessaire, et pour autant paradoxal, entre le respect de la dignité humaine, des droits des individus détenus et la nécessaire fermeté qui ne peut qu’aller de pair lorsqu’un individu est condamné à une peine d’emprisonnement.

Le Titre préliminaire « Du sens de la peine de privation de liberté » en son article 1er A est à ce propos sans équivoque : « Le régime d’exécution de la peine de privation de liberté concilie la protection de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de préparer la personne détenue à sa réinsertion afin de lui permettre de mener une vie responsable et exempte d’infractions ».

Que l’on ne s’y trompe donc pas.
Ce projet de loi pénitentiaire n’a pas pour unique objectif de désengorger les prisons. Bien au contraire, il s’inscrit en parfaite harmonie avec le programme de création de 13200 places supplémentaires en prison d’ici 2012.

Quatre des cinq objectifs de ce texte sont relatifs à une meilleure prise en charge des détenus reposant nécessairement sur une clarification des missions du service public pénitentiaire (1er objectif), une meilleure reconnaissance des personnels (2ème objectif), une recherche de la garantie des droits des détenus (3ème objectif) et une clarification des régimes de détention (4ème objectif).

Cette régulation de la vie carcérale au prisme d’un modernisme insufflé par le système pénitentiaire des autres pays européens passe donc par une confiance renouvelée auprès de l’administration pénitentiaire dont la lourdeur de la tâche est reconnue, cette confiance n’excluant toutefois pas le contrôle. Il est prévu de renforcer leur autorité mais de redéfinir leur champ d’action en créant un code de déontologie auxquels ceux-ci seront soumis.

La refonte du système pénitentiaire impose surtout une amélioration tant des droits des détenus que de la gestion de leur détention.

Le projet de loi se veut particulièrement porteur d’un message d’humanisation sur ces points précis.

C’est désormais notamment une double personnalisation des peines qui est ouvertement prônée, celle bien connue développée déjà à la fin du XIXème siècle par SALEILLES intervenant en amont au moment du prononcé de la peine, celle plus innovante qui veut que l’incarcération du détenu soit envisagée au prisme de sa personnalité.

L’encellulement individuel est garanti pour le condamné qui en fera la demande permettant ainsi de préserver au mieux la dignité de l’individu tandis que les cellules collectives devront véritablement être adaptées à la vie à plusieurs.

Une déclinaison de droits fondamentaux est mise en place au profit des détenus et des condamnés ayant pour finalité le maintien des liens familiaux (facilitation de l’usage du téléphone, amélioration de l’accueil des familles), le droit au travail, le droit à la formation, l’aide aux plus démunis… etc.

Surtout, l’article 10 du projet de loi dispose que « La personne détenue a droit au respect de sa dignité.

L’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l’intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l’âge, de l’état de santé et de la personnalité des détenus. »

Ces nouvelles mesures devraient permettre, si elles étaient définitivement adoptées, une amélioration substantielle des conditions de vie des détenus.

Le cœur de ce projet de loi est donc bien la gestion de la vie carcérale ainsi que l’a rappelé Madame le Garde des Sceaux lors qu’elle a en quelques mots stigmatisé la philosophie du projet gouvernemental : « la loi pénitentiaire n’a pas pour objet de désengorger les prisons : elle est faite pour mieux prendre en charge les détenus, pour mieux préparer la réinsertion et pour prévenir la récidive ».

Pour autant, ce texte projeté a également pour finalité et c’est le cinquième et dernier objectif clairement annoncé, de « prévenir la récidive avec les aménagements de peine ».

Il est donc néanmoins réaffirmé in fine le caractère subsidiaire de l’enfermement et que la peine d’emprisonnement, quand bien serait-elle prononcée, ne peut impliquer automatiquement et en pratique enfermement.

D’autres alternatives doivent être privilégiées, la prison devant être l’ultime solution. Ce principe est rappelé avec force au sein de l’article 132-24 du code pénal qui comprendra désormais un nouvel alinéa.

« En matière correctionnelle, une peine d’emprisonnement ferme ne peut être prononcée qu’en dernier recours si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; dans ce cas, la peine d’emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l’objet d’une des mesures d’aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28»

Parmi celles-ci, figure le bracelet électronique qui sera prévu pour les détenus en fin de peine.

Par ailleurs, le nombre de condamnés qui pourront prétendre à un aménagement de peine sera élargi. Ainsi, et notamment, aux termes de l’article 723-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue du projet de loi, « le juge de l’application des peines peut prévoir que la peine s’exécutera sous le régime de la semi-liberté ou du placement à l’extérieur soit en cas de condamnation à une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n’excède pas deux ans, soit lorsqu’il reste à subir par le condamné une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n’excède pas deux ans ».

Madame le Garde des Sceaux indiquait alors « c’est l’enjeu essentiel de ce texte ».

Nul doute que chacun ne peut qu’approuver, dans ses principes, ce texte et la démarche qui y a présidé. Il restera à voir si en pratique son esprit pourra être respecté et si ces grands idéaux de protection des droits de chacun, dont certains étaient déjà contenus dans le code de procédure pénale sans pour autant être respectés, trouveront en un écho satisfaisant chez les différents acteurs de la Justice.


Valérie BOSC-BERTOU

Cet article n'engage que son auteur.

 

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