La reconnaissance des langues régionales

Publié le : 30/06/2008 30 juin juin 06 2008

La France a aussi un passé colonial et pour de nombreux citoyens des DOM-TOM et territoires associés, le français peut être une langue étrangère. La Nouvelle -Calédonie à elle seule représente 29 langues et la Guyane 12 langues dont 6 ou 7 langues amérindiennes.

Mais, aux termes de l'article 2 de la constitution "la langue de la République est le français".

C'est l’Edit de Villers-Cotterêts en 1539 qui a pour la première fois valorisé le français comme la langue officielle.

Toutefois, jusque dans les premiers temps de la Révolution française, la diversité linguistique était reconnue et les textes officiels étaient traduits dans les langues régionales.

La Terreur marqua le début d'une "purification linguistique" de la France. Tout d'abord l'appellation de langue fut refusé à tout autre langue que le français, les langues régionales étant qualifiées de "patois" ou d'"idiomes féodaux". Un décret du 27 janvier 1794 (8 pluviôse an II) ordonnera ensuite l'établissement d'Instituteurs de langue française dans les campagnes de plusieurs départements. A titre d'exemple, l'article 1 dudit décret était ainsi rédigé: "Il sera établi dans dix jours, à compter du jour de la publication du présent décret, un instituteur de langue française dans chaque commune de campagne des départements du Morbihan, du Finistère, des Côtes-du-Nord et dans la partie de la Loire-Inférieure dont les habitants parlent l'idiome appelé bas-breton."

Puis un décret du 20 juillet 1794 (2 thermidor, an II) interdira la rédaction de tout acte public rédigé dans une langue autre que le français. Sera également interdit l'enregistrement de tout acte, même sous seing privé, s'il n'est écrit en langue française.

Cette uniformisation linguistique s'accompagnera d'une uniformisation politique, le 2 juin 1793, avec la défaite des Girondins, partisans d'une fédération de départements, contre les Montagnards, tenant de la centralisation. La IIIème République et l'école Ferry achèveront ensuite l'uniformisation linguistique initiée sous la Terreur.

Depuis lors, les constitutions se sont succédées, confirmant le français comme seule langue de la République. Mais, à la faveur de l'évolution du droit international, le droit à l'appartenance minoritaire, le droit à la diversité culturelle, le droit à pratiquer sa langue maternelle et d'avoir accès à l'éducation dans sa langue ont été reconnus comme des droits fondamentaux.

Dans ces derniers domaines, la France a donc failli à sa réputation de Patrie des Droits de l'Homme.

Ainsi, le 5 novembre 1992, fut adoptée à Strasbourg, sous l'égide du Conseil de l'Europe, la Charte Européenne des Langues Régionales ou Minoritaires.

Ce traité a pour objet de protéger et promouvoir les langues régionales et minoritaires et a été élaboré dans le souci de maintenir et de développer les traditions et le patrimoine culturels européens, mais surtout, afin de garantir le respect du droit imprescriptible et universellement reconnu de pratiquer une langue régionale ou minoritaire dans la vie privée et publique.

Cette Charte contient, d'une part, des objectifs et principes que les Parties s'engagent à respecter pour toutes les langues régionales ou minoritaires existant sur leur territoire. D'autre part, la Charte énumère toute une série de mesures à prendre pour favoriser l'emploi des langues régionales ou minoritaires dans la vie publique, dans des domaines comme l'enseignement, la justice, les autorités administratives et les services publics, les médias, les activités et équipements culturels, la vie économique et sociale et les échanges transfrontaliers.

Cette Charte constitue donc à l'échelle européenne un texte majeur du bloc des droits de l'homme.

Elle a été ratifiée par plus d'une vingtaine d'Etat européen dont l'Allemagne, l'Autriche, Chypre, la Croatie, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, le Monténégro, la Norvège, les Pays Bas, le Royaume Uni, la Serbie, la Suisse, l'Ukraine…

Toutefois, la France n'a à ce jour toujours pas ratifié ce Traité, malgré la richesse de son patrimoine linguistique.

Au-delà d'une tradition jacobine bien ancrée, la principale raison en est que l'article 2 de la Constitution s'oppose à une telle ratification qui ne pourrait intervenir qu'après une modification de la Constitution.

Un tournant a peut-être été amorcé, le 22 mai 2008. En effet, à l'occasion des travaux sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Vème République l'Assemblée Nationale a adopté un amendement visant à intégrer à l'article 1er de la Constitution une phrase ainsi rédigée: "Les langues régionales appartiennent à son patrimoine".

Cette phrase viendrait compléter les dispositions introduites lors de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 qui prévoient que l'organisation de la France est décentralisée.

Une telle modification permettrait à la France de ratifier enfin la Charte Européenne des Langues Régionales ou Minoritaires et de renouer ainsi avec son patrimoine linguistique et avec la culture des droits de l'homme.


Jérôme BOUQUET-ELKAIM,
Avocat






Cet article n'engage que son auteur.

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