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La nouvelle place des modes amiables de résolution des litiges dans la réforme de la justice

Publié le : 21/06/2019 21 juin juin 06 2019

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice s’est fixée pour objectif d’améliorer le fonctionnement du système judiciaire à travers une nouvelle définition du rôle des acteurs du procès (Chapitre Ier) en développant notamment la culture du règlement amiable des différends à toutes les étapes du procès (Section I).

C’est ainsi que son article 3 modifie les dispositions légales fondatrices en matière de règlement amiable des litiges :
   
Ces modifications résultent du constat selon lequel les outils mis en place par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 et complétés par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 restent insuffisamment utilisés pour favoriser le développement d’une culture de règlement amiable des différends. L’hypothèse du législateur consiste à rendre le recours aux modes alternatifs contraignant pour pouvoir en mesurer les effets. L’environnement législatif tend selon toute évidence à ce que les professionnels du droit se saisissent de cette nouvelle étape et accompagnent leurs clients dans la recherche de solutions apaisées.
 
  1. Une obligation toute en nuances

La tentative préalable et obligatoire de résolution amiable consistera, au choix des parties, en une tentative de conciliation, de médiation, ou une procédure participative. A défaut d’avoir été précédée par l’un de ces processus et sauf exceptions visant à garantir la possibilité d’un recours effectif au juge - en cas d’urgence notamment et/ou en cas d’indisponibilité du conciliateur – les demandes de paiement inférieures à un certain seuil et les litiges relatifs à des conflits de voisinage seront jugés irrecevables.


Pour tous les autres dossiers le juge pourra enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur qu’il désigne afin qu’il les informe sur l'objet et le déroulement d'une mesure de médiation, sans pour autant pouvoir exiger qu’ils y aient recours.  

Le souhait du législateur de renforcer la culture des modes amiables ne lui permettait pas de rendre ce préalable obligatoire pour l’ensemble des dossiers contentieux, ni de conférer au juge le pouvoir d’ordonner une conciliation, une médiation, voire une procédure participative indépendamment de l’opposition éventuelle d’une partie.

Ce type d’obligation serait en effet venu contredire le principe d’adhésion des parties au processus amiable de règlement des différends qui prévaut de façon absolue et s’avère indispensable dans la recherche d’une solution volontairement mise en œuvre par les parties.
Une telle option obligerait en outre le gouvernement à organiser l’accessibilité et la disponibilité des structures de règlement amiable des litiges ainsi qu’un financement public pour garantir l’égalité d’accès à la justice, ce qui n’est pas envisageable. Les conciliateurs qui interviennent gratuitement sont en effet des bénévoles qui ne bénéficient d’aucune formation diplômante, tandis que les médiateurs interviennent dans le cadre d’une profession libérale pour une mission rémunérée.

Le législateur a par conséquent décidé de prévoir une simple tentative obligatoire pour des cas limités dont le domaine d’application sera défini par voie réglementaire et un pouvoir d’injonction à visée informative sur les tenants et les aboutissants du processus de médiation.

En outre et à l’instar de ce qui était déjà prévu par l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, le législateur écarte cette exigence lorsque les parties sollicitent conjointement l'homologation d’un accord ; lorsque l’exercice d’un recours préalable est obligatoire devant l’autorité ayant pris la décision (cf. les contestations en matière de sécurité sociale qui donnent lieu à un recours préalable devant la caisse de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2019) ; lorsque les parties peuvent justifier d'un motif légitime pour être dispensées de la tentative préalable de conciliation ou si le juge doit, en vertu d’une disposition particulière, procéder à une tentative de conciliation.
 
  1. Des conditions d’application spécifiques destinées à assurer l’efficacité du dispositif

Ces dispositions ont été portées devant le Conseil constitutionnel au motif qu’elles auraient été susceptibles de porter atteinte au principe du recours effectif devant le juge issu de la combinaison des articles 6 et 16 de la déclaration des droits de l’homme de 1789 - et rappelons le, des dispositions de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme.
Le Conseil constitutionnel a validé la loi dans une décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019 sur la loi de programmation et de réforme de la justice dans la mesure où elle se limite aux demandes tendant au paiement d'une somme n'excédant pas un certain montant ou relatives à un conflit de voisinage. Les Sages ont considéré également que les parties peuvent librement choisir entre les différents modes de règlement amiable que constituent la médiation, la procédure participative et la conciliation qui est gratuite. Enfin, ils ont relevé que cette condition de recevabilité n'est pas opposable lorsque l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime tel que l'indisponibilité de conciliateurs de justice dans un délai raisonnable.
Les Sages ont néanmoins précisé qu’il appartiendra au pouvoir réglementaire de définir la notion de « motif légitime » et de préciser le « délai raisonnable » d'indisponibilité du conciliateur de justice à partir duquel le justiciable est recevable à saisir la juridiction. Les décrets d’application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 seront par conséquent essentiels pour la mise en œuvre de ces dispositions.


S’il peut donc être imposé aux parties de tenter un recours aux modes amiables de règlement des litiges, cela suppose d’une part que le dispositif soit aisément accessible, d’autre part que son coût puisse être nul ou d’une somme très modique, équivalente au coût d’une procédure juridictionnelle. A défaut, le recours obligatoire à une conciliation ou à une médiation risquerait de retarder la saisine du tribunal, entraverait l’accès au juge, et/ou créerait une charge supplémentaire à supporter pour le justiciable.
En cas d’échec du règlement amiable, les dispositions de l’article 4 de la loi proposent d’étendre la représentation obligatoire afin d’assurer l’efficacité et qualité de la justice qui devra apporter une solution définitive au différend. Les parties seront notamment tenues de constituer avocat devant le tribunal paritaire des baux ruraux ou devant le juge de l’exécution, sauf en matière d’expulsion et pour les demandes ayant leur origine dans une créance ou tendant au paiement d’une somme qui n’excède pas un montant défini par décret en Conseil d’Etat.
 
 
L’objectif poursuivi dès les premiers articles de la loi est de développer le recours aux modes alternatifs de résolution des différends pour apaiser autant que possible les relations entre les parties. De façon sous-jacente, le ministère de la Justice espère également limiter les saisines juridictionnelles aux seuls dossiers dans lesquels aucune solution n’a pu être trouvée. Les enjeux en termes de réduction de la durée des procédures et du nombre de contentieux portés devant le juge ne pourront cependant pas être anticipés, l’attitude des justiciables face aux modes amiables de résolution des litiges n’étant pas connue à ce jour. Elle dépendra sans aucun doute de la capacité des avocats à se saisir de ces nouvelles voies de résolution des différends.


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Ce article n'engage que son auteur
 

Auteur

Emmanuelle CROCHEMORE

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