Financement des écoles Diwan : le tribunal administratif de rejette l’exception culturelle !

Financement des écoles Diwan : le tribunal administratif de rejette l’exception culturelle !

Publié le : 25/02/2014 25 février févr. 02 2014

Par trois jugements, devenus définitifs, en date du 6 mai 2013, et présentant à juger les mêmes questions de fait et de droit, le Tribunal Administratif de Rennes a rejeté les recours de l’association « AEP SKOLDIWAN GUINGAMP ».

(T.A de Rennes 6 mai 2013 req. n° 1003450-5, 1003451-5, 1003453-5 et 1003455-5).

Aux termes de ces demandes, l’association requérante sollicitait la condamnation de quatre communes des Côtes d’Armor (PABU, GRACES, PLOUISY et PLOUMAGOAR) à lui verser une somme qui selon elle correspondait à celle versée au titre des frais de scolarisation pour un élève admis dans une école publique de GUINGAMP.

En effet, certains parents d’élèves désireux que l’enseignement dispensé à leurs enfants le soit en langue bretonne n’avaient pu inscrire leur progéniture dans les trois communes concernées qui ne disposaient pas d’un telle offre et avaient donc été contraints de scolariser leurs enfants dans l’école Diwan située au sein de la commune voisine de GUINGAMP.

En la matière, les règles applicables sont fixées par les dispositions de l’article 89 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux responsabilités locales qui prévoit que : « Les trois premiers alinéas de l'article L. 212-8 du code de l'éducation sont applicables pour le calcul des contributions des communes aux dépenses obligatoires concernant les classes des écoles privées sous contrat d'association ».

Quant aux dispositions de l’article L 212-8 du Code de l’Education elles précisent que : « Lorsque les écoles maternelles, les classes enfantines ou les écoles élémentaires publiques d'une commune reçoivent des élèves dont la famille est domiciliée dans une autre commune, la répartition des dépenses de fonctionnement se fait par accord entre la commune d'accueil et la commune de résidence. Lorsque les compétences relatives au fonctionnement des écoles publiques ont été transférées à un établissement public de coopération intercommunale, le territoire de l'ensemble des communes constituant cet établissement est assimilé, pour l'application du présent article, au territoire de la commune d'accueil ou de la commune de résidence et l'accord sur la répartition des dépenses de fonctionnement relève de l'établissement public de coopération intercommunale.

A défaut d'accord entre les communes intéressées sur la répartition des dépenses, la contribution de chaque commune est fixée par le représentant de l'Etat dans le département après avis du conseil départemental de l'éducation nationale.

Pour le calcul de la contribution de la commune de résidence, il est tenu compte des ressources de cette commune, du nombre d'élèves de cette commune scolarisés dans la commune d'accueil et du coût moyen par élève calculé sur la base des dépenses de l'ensemble des écoles publiques de la commune d'accueil. Les dépenses à prendre en compte à ce titre sont les charges de fonctionnement, à l'exclusion de celles relatives aux activités périscolaires. Un décret en Conseil d'Etat détermine, en tant que de besoin, les dépenses prises en compte pour le calcul du coût moyen par élève ainsi que les éléments de mesure des ressources des communes.


Toutefois, les dispositions prévues par les alinéas précédents ne s'appliquent pas à la commune de résidence si la capacité d'accueil de ses établissements scolaires permet la scolarisation des enfants concernés, sauf si le maire de la commune de résidence, consulté par la commune d'accueil, a donné son accord à la scolarisation de ces enfants hors de sa commune.

Pour justifier d'une capacité d'accueil au sens du présent alinéa, les établissements scolaires doivent disposer à la fois des postes d'enseignants et des locaux nécessaires à leur fonctionnement.

Par dérogation à l'alinéa précédent, un décret en Conseil d'Etat précise les modalités selon lesquelles, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, une commune est tenue de participer financièrement à la scolarisation d'enfants résidant sur son territoire lorsque leur inscription dans une autre commune est justifiée par des motifs tirés de contraintes liées :

1° Aux obligations professionnelles des parents lorsqu'ils résident dans une commune qui n'assure pas directement ou indirectement la restauration et la garde des enfants ou si la commune n'a pas organisé un service d'assistantes maternelles agréées ;

2° A l'inscription d'un frère ou d'une sœur dans un établissement scolaire de la même commune ;

3° A des raisons médicales.


Ce décret précise, en outre, les conditions dans lesquelles, en l'absence d'accord, la décision est prise par le représentant de l'Etat dans le département.
Lorsque les compétences relatives au fonctionnement des écoles publiques ont été transférées à un établissement public de coopération intercommunale, le président de cet établissement est substitué au maire de la commune de résidence pour apprécier la capacité d'accueil et donner l'accord à la participation financière.
La scolarisation d'un enfant dans une école d'une commune autre que celle de sa résidence ne peut être remise en cause par l'une ou l'autre d'entre elles avant le terme soit de la formation préélémentaire, soit de la scolarité primaire de cet enfant commencées ou poursuivies durant l'année scolaire précédente dans un établissement du même cycle de la commune d'accueil ».


Enfin, l’article L 442-5 du Code de l’Education stipule que : « (…) Les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public (…)».


Ainsi, la combinaison de ces textes législatifs pose le principe que lorsqu’un enfant n’est pas scolarisé dans sa commune de résidence, cette dernière doit contribuer au financement de l’établissement scolaire de la commune d’accueil dans lequel il est scolarisé ; que cet établissement relève de l’enseignement public ou de l’enseignement privé.

Toutefois, l’article L 212-8 du Code de l’Education, prévoit une certaine limitation au principe ci-dessus rappelé puisqu’il ne manque pas de préciser que la commune de résidence de l’enfant n’est tenue de financer obligatoirement l’établissement scolaire privé sous contrat d’association uniquement dans l’hypothèse :

  • d’un manque de capacité d’accueil de la commune de résidence,
  • de la scolarisation de l’élève dans une autre commune à cause des obligations professionnelles de ses parents ou à cause de l’absence de service de restauration ou de garde,
  • de la scolarisation de l’élève dans une autre commune due à l’inscription d’un frère ou d’une sœur dans la même commune de la scolarisation de l’élève dans une autre commune pour raison médicale.
En dehors de ces hypothèses strictement et limitativement énumérées, le financement par la commune de résidence s’avère donc facultatif.

C’est d’ailleurs en ce sens, que s’est récemment prononcé le Tribunal Administratif d’Orléans ( T.A d’Orléans 14 octobre 2010 « OGEC de Clamecy c/ Commune de Gièvres » req. n° 0803696).

« Considérant qu’il résulte de ces dispositions, qui ont pour objet de garantir tant la liberté de l’enseignement que la parité entre l’enseignement public et l’enseignement privé, que les communes de résidence des élèves scolarisés dans une école sous contrat d’association située hors de leur territoire sont tenues de participer aux frais de fonctionnement des classes de cette école, si elles ne disposent pas de capacités d’accueil suffisantes dans leurs propres établissements scolaires ou si la scolarisation des élèves dans l’école concernée est justifiée par l’une des raisons professionnelles, familiales ou médicales mentionnées au quatrième alinéa de l’article L 212-8 précité du code de l’éducation, et ce alors même que cet alinéa n’est pas applicable par lui-même aux établissements de l’enseignement privé, que la circulaire du 6 septembre 2007 du ministre de l’éducation nationale, qui ne constitue d’ailleurs pas le fondement unique de l’action de l’OGEC DE CLAMECY, laquelle se fonde également sur les dispositions législatives précitées, n’institue pas une obligation qui ne serait pas prévue par le législateur;

Considérant que, la commune de Gièvres soutient qu’elle disposait, au cours des années scolaires concernées d’une capacité d’accueil suffisante pour scolariser les enfants résidant sur son territoire inscrits durant ces années à l’école privée gérée par l’OGEC DE CLAMECY ; qu’elle produit une attestation récapitulant ses capacités d’accueil et le nombre moyen d’élèves accueillis, niveau par niveau au cours des années concernées, que ces éléments, qui ne sont pas contestés, sont suffisants pour regarder la commune de Gièvres comme établissant qu’elle disposait d’une capacité suffisante ; que, l’OGEC
n’établit ni même n’allègue que la scolarisation des élèves en dehors du territoire de la commune de Gièvres est justifiée par l’une des raisons professionnelles, familiales ou médicales mentionnées au quatrième alinéa de l’article L 212-8 précité du code de l’éducation ; qu’ainsi la commune de Gièvres, qui n’était pas tenue de participer au fonctionnement de l’école de Clamecy, n’a méconnu aucune de ses obligations résultant des dispositions précitées ; que, par suite, elle n’a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ».

Enfin, il ressort de la réponse du Ministre de l’Education Nationale interrogé dans le cadre d’une question écrite devant l’Assemblée Nationale que si la loi prévoit la possibilité de dispenser un enseignement de langues et cultures régionales (article L. 312-1 du Code de l'Education), ces dispositions créent une faculté et non un droit au bénéfice des parents d'élèves.

Le Ministre de l’Education Nationale après avoir rappelé que lorsque des écoles publiques d'une commune reçoivent des élèves dont la famille est domiciliée dans une autre commune, la répartition des dépenses de fonctionnement se fait par accord entre la commune d'accueil et la commune de résidence, conformément à l'article L 212-8 du Code de l'Education, ne manque cependant pas de relever que la réglementation pose des limites à la scolarisation d'un enfant en dehors de sa commune de résidence, le législateur s'étant efforcé d'établir un équilibre entre, d'une part, les droits des parents et des élèves, d'autre part, la capacité d'accueil des écoles et les intérêts des communes.

Ainsi, la commune de résidence ne peut être tenue de participer financièrement que d’une part si le maire a donné son accord à la scolarisation hors de la commune et d’autre part dans un certain nombre de cas dérogatoires limitativement énumérés à l'article L 212-8 précité et précisés à l'article R 212-21 du même code, ces deux conditions s’avérant d’ailleurs cumulatives et non alternatives.

Le souhait des familles de voir leur enfant bénéficier d'un enseignement bilingue français / langue régionale dispensé dans l'école d'une commune voisine ne rentre pas dans les cas dérogatoires prévus et, en conséquence, les communes de résidence ne sont pas tenues de contribuer au financement des écoles.


De plus, si le maire de la commune de résidence des enfants conserve la possibilité de donner son accord à leur scolarisation dans une autre commune, la commune de résidence participant alors financièrement à cette scolarisation il n’en demeure pas moins qu’à défaut de cet accord, le maire de la commune d'accueil peut consentir à inscrire dans sa commune les enfants domiciliés dans une commune voisine, sans attendre de contrepartie financière de la commune de résidence.

Ainsi, pour les cas non expressément prévus par les textes, la possibilité de permettre l'inscription d'un enfant hors de sa commune de résidence est laissée aux maires en considération des contraintes locales dont ils doivent tenir compte.

Or dans la présente hypothèse, les demandes formulées par l’association requérante ne concernaient aucune des hypothèses telles qu’expressément et surtout limitativement prévues par les articles L 212-8 et R 212-21 du Code de l’Education et qui ouvriraient donc droit à une prise en charge totale ou même partielle par la commune de résidence des dépenses de fonctionnement exposées par la commune d’accueil.

D’autre part, la commune de résidence disposait pour les périodes considérées de places suffisantes pour accueillir tous les enfants susceptibles d’être scolarisés et n’a donc pas à exposer des sommes supplémentaires résultant d’un choix personnel intervenu sur la seule décision des parents de scolariser leurs enfants dans un établissement spécifique d’une commune voisine.

Enfin, il ne ressort d’aucun élément du dossier que le maire de la commune de résidence aurait donné son accord pour qu’une partie des enfants soit scolarisé dans une autre commune que la sienne.

Par conséquent, et compte tenu des principes ci-dessus énoncés, le Tribunal Administratif de Rennes a rejeté les demandes pécuniaires sollicitées par l’association après avoir constaté au vu des pièces justificatives produites au dossier que, pour les années considérées, chacune des communes disposait d’une capacité d’accueil suffisante pour scolariser les enfants résidants sur son territoire au sein de ses propres structures.

Ainsi et compte tenu de cet élément, le juge administratif a considéré que les communes défenderesses n’avaient commis aucune illégalité en refusant de contribuer au financièrement au fonctionnement de l’école Diwan de GUINGAMP puisque chacune d’entre était en capacité d’accueillir tous les enfants scolarisés à GUINGAMP.



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Paylessimages - Fotolia.com

Auteur

CAZO Marc
Avocat Collaborateur
LEXCAP RENNES
RENNES (35)
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