Durée du travail et repos : charge de la preuve du respect des seuils de la directive européenne

Publié le : 11/12/2012 11 décembre déc. 12 2012

La Cour de cassation a eu l’occasion de statuer sur la charge de la preuve dans le cadre d’un débat portant sur la durée du temps de travail et des temps de repos en distinguant ce qui relève du droit communautaire de ce qui relève du droit interne.



La charge de la preuve du respect des temps de repos obligatoires incombe à l'employeurPar son arrêt rendu le 17 octobre 2012, la Cour de Cassation prend une position remarquée en précisant que le régime de preuve partagée prévue à l’article L 3171-4 du Code de Travail ne s’applique pas aux seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne pour lesquels la charge de la preuve pèse uniquement sur l’employeur.

Bien que les faits de l’espèce soient particuliers, la décision de la Haute Cour concerne toutes les entreprises.

Neuf éducateurs employés dans un foyer d’hébergement pour enfants et adultes en difficultés, ont saisi le Conseil de Prud’hommes afin de réclamer à leur employeur le paiement d’heures supplémentaires, de repos compensateurs et de dommages et intérêts pour non respect des pauses et des repos quotidiens.

La Cour d’appel de Versailles a fait droit à leurs demandes et a condamné l’employeur à payer des dommages et intérêts notamment au titre du non respect des dispositions légales relatives aux temps de pause, ce dernier n’ayant pas été en mesure de démontrer que les salariés avaient bénéficié d’un temps de repos sur les périodes considérées.

L’employeur pensant pouvoir invoquer le régime de la preuve partagée prévue à l’article L 3171-4 du Code du Travail, a formé un pourvoi en cassation.

Rappelons les dispositions de cet article :

« En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable
».

En effet, l’employeur pensait pouvoir reprendre à son compte la même solution qu’en cas de litige relatif à des heures supplémentaires à savoir que la charge de la preuve n’incombe spécialement à aucune des parties et que le Juge statue au vu des éléments fournis par le salarié et par l’employeur.

Or, la demande de dommages et intérêts formée par les salariés au titre du non respect du temps de repos était fondée sur la directive européenne du 4 novembre 2003 sur l’aménagement du temps de travail et sur l’article L 3121-33 du code du travail qui prévoit un temps de pause obligatoire d’une durée minimale de 20 minutes dès que le travail quotidien atteint 6 heures.

La directive européenne sur le temps de travail, prévoit quant à elle :

- la durée maximale hebdomadaire de travail de 48 heures, heures supplémentaires comprises (dir.2003/88/CE du 4 novembre 2003, art. 6) ;
- le temps de pause obligatoire après 6 heures de travail (dir. 2003/88/CE du 4 novembre 2003, art. 4);
- le repos quotidien minimal de 11 heures consécutives par 24 heures (dir. 2003/88/CE du 4 novembre 2003, art. 3) ;
- le repos hebdomadaire minimal de 24 heures sans interruption durant chaque période de sept jours de travail (dir. 2003/88/CE du 4 novembre 2003, art. 5).

Au soutien de son pourvoi, l’employeur a donc fait valoir qu’il n’était pas normal que la charge de la preuve pèse exclusivement sur lui, invoquant l’application de l’article L. 3171-4 du Code du travail, et soutenant que le régime de preuve partagée relatif aux heures supplémentaires devait également s’appliquer en matière de temps de pause et de durées maximales de travail.

La Cour de cassation a rejeté l’argumentation de l’employeur précisant que «les dispositions de l’article L. 3171-4 du Code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l’employeur et le salarié ne sont pas applicables à la preuve des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne, qui incombe à l’employeur

Ce faisant, la Cour de Cassation affirme que la charge de la preuve du respect des temps de repos obligatoires incombe exclusivement à l’employeur.

La position de la Haute Cour est claire : il n'y a aucun partage de la charge de la preuve.

Comme en matière de congés payés, l'employeur doit prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement leur droit à repos et pauses et doit veiller ainsi au respect des prescriptions de l’Union européenne visant à protéger la santé et la sécurité des salariés.





Cet article a été rédigé par Me Olivier COSTA. Il n'engage que son auteur.
 

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