Démarchage à domicile: la réglementation

Publié le : 18/05/2010 18 mai mai 05 2010

Votée en 1972, la même année que la loi relative au démarchage financier, les deux textes procèdent d'une même préoccupation: protéger le consommateur contre des méthodes de ventes agressives.

Démarchage à domicile: champ d'application de la loi, dispositif de protection, sanctionsLa réglementation en matière de vente et de démarchage à domicile est ancienne. Votée en 1972, la même année que la loi relative au démarchage financier, les deux textes procèdent d'une même préoccupation du législateur : protéger le consommateur contre des méthodes de ventes agressives.

Il ne sera ici question que du régime général, aujourd'hui codifié aux articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, qui s'applique chaque fois qu'un texte particulier n'est pas venu réglementer une opération spécifique (vente à domicile de produits financiers, de journaux et publications, d'objets dans un but philanthropique ou encore de prestations et fournitures liées à un décès). Les articles cités ci-après sont ceux du code de la consommation.

Le texte d'origine a été étendu par la loi du 23 juin 1989 et précisé par une jurisprudence abondante notamment quant au champ d'application de cette règlementation.


I – Le champ d'application de la loi

A priori, c'est simple : il y a démarchage à domicile lorsqu'une personne est sollicitée chez elle par un commerçant ou un représentant qui souhaite lui vendre un objet ou un service.

Mais la réglementation sur le démarchage va plus loin. Elle s'applique d'abord à "quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services" (L. 121-21 al. 1).


Le démarcheur :
Le texte s'applique donc en premier lieu aux démarcheurs eux-mêmes, mais également aux personnes, physiques ou morales, qui les utilisent. Toute entreprise est alors responsable des démarcheurs, fussent-ils indépendants, qui agissent pour son compte, sans qu'il y ait nécessité d'un contrat de travail. Et le dirigeant d'une entreprise est tenu pénalement responsable en cas de manquement de toute personnes qui effectue pour le compte de l'entreprise des opérations de démarchage, quelque soit leur statut. Il est donc indispensable que des directives précises pour le respect de la réglementation leur soient communiquées.
Il y a également démarchage, lorsqu'un représentant laisse en dépôt à un membre du personnel d'une entreprise des produits de démonstration dans l'intention de revenir plus tard pour recueillir les commandes et remettre les articles contre paiement (Cass. crim. 4.10.1995, n°94-86057).


Le démarché :
Le champ d'application est en revanche limité quant aux personnes sollicitées qui ne peuvent être que des personnes physiques. Les personnes morales démarchées sont exclues du dispositif de protection, sauf si les conditions de vente du démarcheur leur étendent contractuellement le dispositif légal. (L'entreprise qui commercialise ses produits ou services par démarchage tant auprès de particuliers que de personnes morales doit donc être particulièrement vigilante sur la rédaction de ses conditions générales de vente ; des conditions uniques et l'absence de distinction personnes physiques/personnes morales pourraient valoir reconnaissance d'une application générale du dispositif).

Pour bénéficier de la protection légale, la personne physique, qui peut elle-même avoir sollicité le démarchage, doit encore avoir contractée en tant que consommateur. Mais depuis que la loi de 1989 a modifié l'article L. 121-22, le dispositif protecteur s'applique également au professionnel si l'objet du démarchage n'a pas un rapport direct avec son activité professionnelle. Ainsi, la souscription d'un contrat de télésurveillance par un garagiste entre dans le champ d'application de la loi, mais pas un contrat publicitaire destiné à promouvoir l'activité du professionnel. Il s'agit à chaque fois d'appréciation au cas par cas qui relève de la compétence des juges du fond. Pour tenter de résumer la jurisprudence parfois hétéroclite, on peut dire que le dispositif s'applique aux professionnels uniquement pour les produits ou services qui ne sont pas de nature à développer ou promouvoir leur activité (qui peut être future ou complémentaire), même s'ils sont utilisés dans le cadre de cette activité.


Lieu de la sollicitation et technique de démarchage :
La loi de 1972 n'avait envisagé que le démarchage le plus classique : la visite spontanée d'un démarcheur auprès d'un particulier, c'est-à-dire un déplacement physique du premier chez le second, à son domicile ou son lieu de travail.

Le législateur a dû prendre en considération de nouvelles techniques de vente qui se sont développées. Ainsi, dans un premier temps, la loi de 1989 a étendu le régime de protection au "démarchage dans les lieux non destinés à la commercialisation du bien ou du service proposé et notamment l'organisation par un commerçant ou à son profit de réunions ou d'excursions afin de réaliser les opérations définies à l'alinéa précédent" (L. 121-21 al. 2).

Ainsi, une vente d'articles conclue par un commerçant, lors de l'exposition qu'il a organisée dans une salle des fêtes municipale, avec des personnes invitées à s'y rendre par voie postale ou téléphonique est soumise à la réglementation (Cass. crim. 18.09.1995, n°94-86118). Sont également visées les ventes en réunion, ou "home party", type "Tupperware".
En revanche, les foires et salons ne sont pas considérés par la Haute juridiction comme des lieux non destinés à la commercialisation. Les ventes qui y sont conclues spontanément ne sont donc pas assujetties à la réglementation, malgré une proposition de loi sénatoriale de 2003 pour leur étendre le régime de protection.

Par la loi du 21 juin 2004, le législateur a également envisagé le démarchage par téléphone (L. 121-27) même si un tel procédé reste avant tout une technique de vente à distance régie par les articles L. 121-16 et suivants du code de la consommation (régime qui prévoit d'ailleurs, comme le démarchage, un délai de rétractation). Mais la Cour de cassation a admis que si le client avait été attiré dans un magasin par un démarchage téléphonique, le contrat conclu dans le magasin entrait dans le champ de la réglementation du démarchage.

La réglementation sur le démarchage trouve donc également à s'appliquer lorsque la vente est réalisée dans le magasin du commerçant (lieu par essence destiné à la commercialisation), dès lors que le déplacement du client au magasin a été provoqué par un démarchage téléphonique, pour lui proposer par exemple de venir retirer un cadeau (Cass. crim. 10.01.1996, n°95-80993). Ce qui est visé ici, c'est le procédé, et non le lieu de vente.

Au contraire, et malgré quelques décisions judiciaires surprenantes, le déplacement d'un professionnel au domicile d'un consommateur pour l'étude des lieux et la prise de mesures nécessaires à l'établissement d'un devis envoyé ultérieurement ne constitue pas, en principe, un démarchage, sauf si le déplacement du professionnel est la conséquence d'une sollicitation de ce dernier (par exemple, par l'envoi d'une offre de devis gratuit).

Le lieu du démarchage n'a donc plus une réelle importance dans la définition de la notion. Ce qui importe, c'est que l'action commerciale soit à l'initiative du démarcheur. Le critère du lieu retrouve toutefois son intérêt lorsqu'il n'y a pas véritablement démarchage au sens de la loi mais action commerciale incitative. Si une vente ne relève pas des dispositions sur le démarchage, les méthodes commerciales agressives utilisées peuvent tomber sous le coup des articles L. 122-11 à L. 122-15 du Code de la consommation.




II – Le dispositif de protection

La protection est triple :

Des mentions obligatoires dans le contrat :
Les ventes par démarchage, à l'exception de celles à régimes particuliers, doivent faire l'objet d'un contrat écrit (qui ne peut contenir aucune clause attributive de compétence) et dont un exemplaire doit être remis au client.
Le contrat doit comporter les mentions obligatoires visées aux articles L. 121-23 à L. 121-26, et notamment la reproduction stricte desdits articles ainsi que la faculté de renonciation et ses modalités de mise en œuvre.
Il doit comporter un formulaire détachable de rétractation strictement réglementé.
Le commerçant ou l'entreprise qui effectue des ventes entrant dans le champ d'application de la loi sur le démarchage doit veiller au strict respect des dispositions applicables car le formalisme en la matière est tatillon et les juges n'hésitent pas à prononcer la nullité du contrat. Il est donc judicieux de faire valider par un homme de l'art ses conditions générales de ventes et son modèle de contrat pour éviter toute déconvenue. A titre d'exemple, la Cour d’Appel d’Angers a annulé un contrat dont le formulaire de renonciation comportait au verso des éléments du contrat dont le client s’était ainsi défait (CA Angers, 24.09.1986).


Une faculté de renonciation : C'est la pièce maitresse du dispositif, d'ailleurs reprise dans d'autre régime juridique. Dans les 7 jours, jours fériés compris, à compter de la commande ou de l'engagement d'achat, le client a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec accusé de réception (L. 121-25). Ce délai ne comprend pas le jour de la commande. Pour assurer son efficacité, cette possibilité de renonciation doit être mentionnée dans le contrat et faire l'objet d'un formulaire détachable. En outre, toute clause du contrat par laquelle le client abandonne son droit légal de renonciation est nulle et non avenue.


L'interdiction de recevoir paiement pendant ce délai :
Avant l'expiration du délai de réflexion de 7 jours, nul ne peut exiger ou obtenir du client, directement ou indirectement, à quelque titre ni sous quelque forme que ce soit une contrepartie quelconque ni aucun engagement ni effectuer des prestations de services de quelque nature que ce soit (L. 121-26).
L'interdiction s'étend aux sommes perçues avant même la signature du contrat, quelque soit la qualification juridique du versement (acompte, arrhes, caution…) et quel que soit le moyen de paiement (espèces, chèque, effets de commerce…). Ainsi, la réception d'un chèque avant l'expiration du délai de réflexion est interdite, même si le chèque n'a été encaissé qu'après l'expiration du délai. Une autorisation de prélèvement bancaire ne peut non plus être donnée avant l'expiration du délai.



III - Les sanctions applicables

En cas de non respect de la réglementation sur le démarchage, dont les dispositions sont d'ordre public, la sanction civile est sévère mais logique : c'est la nullité du contrat.
Nullité relative en cas d'omission d'une mention obligatoire, mais d'ordre public, donc absolue et à laquelle les bénéficiaires ne peuvent renoncer, concernant le délai de renonciation et l'interdiction de recevoir une contrepartie durant ce délai. En outre, la personne démarchée peut demander réparation du préjudice qu'elle aurait par ailleurs subi.

Quant à la sanction pénale, l’article L. 121-28 prévoit une peine d'emprisonnement d'un an et une amende de 3 750 €, outre d'éventuelles peines complémentaires comme l'interdiction d'exercer une profession commerciale.

On ne badine pas avec la protection du consommateur.





Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

WIEHN Jérome
Avocat Associé
CORNET, VINCENT, SEGUREL NANTES
NANTES (44)
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