Dans quelles hypothèses le recours au CDD de remplacement est-il autorisé?

Dans quelles hypothèses le recours au CDD de remplacement est-il autorisé?

Publié le : 02/04/2012 02 avril avr. 04 2012

Le CDD est considéré en droit du travail comme l’exception au contrat de droit commun qu’est le contrat à durée indéterminée. De par son caractère exceptionnel et dérogatoire, il a été prévu des règles de fond et de forme pour valider le recours au CDD.

Les conditions de validité d’un CDD de remplacement à travers l’arrêt du 16 février 2012 de la chambre sociale de la Cour de CassationA titre liminaire, il faut rappeler que le contrat de travail à durée déterminée est avant tout un contrat et qu’il doit, de ce fait, satisfaire aux conditions de validité des contrats mentionnées dans le Code Civil (article 1108) à savoir : un consentement libre et éclairé de chacune des parties, un objet et une cause licite du contrat, la pleine et entière capacité de chaque contractant.

Les règles propres au CDD sont quant à elles issues des articles L 1242-1 et suivants du Code du Travail.


Dans quelles hypothèses le recours au CDD de remplacement est-il autorisé?
D’une manière générale, le CDD n’est valable que s’il n’a pas pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
En outre, ce n’est que dans des cas très limités que le recours au CDD est admis.
Tel est le cas notamment du remplacement d’un salarié absent expressément visé à L 1242-2, 1°, a).

Quel type d’absence permet de recourir au CDD de remplacement ?

L’absence du salarié s’entend de toute absence à son poste de travail et non de l’entreprise.
Il peut ainsi être conclu un CDD de remplacement lors d’une absence résultant d’un glissement de poste ou encore d’une formation interne.
Pour autant, si l’emploi d’un salarié sous contrat à durée déterminée en vue de combler l’absence d’un autre salarié de l’entreprise est autorisé sur le fond, il n’en demeure pas moins que le contrat conclu devra respecter, pour sa validité, de nombreuses règles de forme.


Quelles sont les règles de forme impératives pour la conclusion d’un CDD de remplacement ?

Tout contrat à durée déterminée doit être établi par écrit et transmis au salarié au plus tard dans les 2 jours ouvrables suivant l’embauche.
Les deux parties au contrat doivent y apposer leur signature.
En cas de non respect d’une seule de ces conditions de forme, le contrat est réputé conclu à durée indéterminée (L1242-12 et L 1242-13).

Cette sanction de requalification est interprétée de manière stricte par la jurisprudence qui se refuse à admettre la possibilité pour l’employeur de rapporter la preuve de l’existence d’un CDI par tout autre moyen.

Il s’agit d’une présomption dite « irréfragable » de contrat à durée indéterminée (Cass. Soc. 21/05/1996, n° 92-43874, 30/11/2004, n° 02-42284, Circ. min. 30 oct. 1990, § 3.1)).

De plus, le contrat écrit à durée déterminée doit mentionner : (L 1242-12)
- La définition de son motif de recours
- Le nom et la qualification professionnelle du salarié remplacé
- La date du terme lorsqu’il comporte un terme précis
- La durée minimale lorsqu’il ne comporte pas de terme précis
- La désignation du poste de travail
- L’intitulé de la convention collective applicable
- La durée de la période d’essai éventuelle
- Le montant de la rémunération en ce compris primes et accessoires
- Le nom et l’adresse de la caisse de retraite complémentaire


La jurisprudence a eu l’occasion de préciser le contenu exact de ces mentions en distinguant les mentions obligatoires à peine de requalification et les mentions informatives n’ayant aucune conséquence sur la validité même du CDD.



Sont obligatoires pour la validité d’un contrat à durée déterminée de remplacement la définition précise du motif de recours (soit « le remplacement d’un salarié absent tel que visé à l’article L 1242-2, 1°, a) »), le nom et la qualification du salarié remplacé, l’indication d’une durée minimale dans le cas d’un remplacement sans terme précis (Cass. Soc. 28/09/2005 n°03-44757).

Rappelons que le CDD de remplacement n’est pas soumis à la durée maximale de 18 mois, renouvellement et succession de contrats inclus.

Il faut souligner que cette absence de limitation de durée ne vaut que pour la succession de contrats concernant un même salarié absent.
Le délai de carence entre deux CDD retrouve à s’appliquer lorsqu’il s’agit de remplacements de salariés différents.
En effet, le remplacement peut ne prendre fin qu’au retour de l’absent peu importe la durée de cette absence.

Une durée minimale doit cependant être prévue au contrat.
Ce n’est pas la seule mention obligatoire.
L’exigence de mention du nom et de la qualification du salarié remplacé a aussi un intérêt singulier en ce qu’il permet aux juges de contrôler le caractère temporaire du contrat.
Ces indications relatives au nom et à la qualification professionnelle du remplacé ont fait l’objet d’une construction jurisprudentielle stricte.


Que faut-il retenir de la construction jurisprudentielle sur le formalisme du CDD de remplacement ?

Le poste du salarié absent est par principe un poste lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise (Cass. soc., 21 mars 2007 JCP S 2007, 1409, note F. Bousez).

Le recours au CDD pour le remplacement est donc délicat en ce qu’il risque de satisfaire un besoin lié à l’activité normale de l’entreprise, ce qui déroge aux conditions de fond de recours au CDD.

La Cour de Cassation avait d’ailleurs pu sanctionner certains employeurs qui avaient érigé le recours au CDD en mode normal de gestion de la main-d'œuvre dans l’entreprise au lieu de recourir au CDI. (Cass. soc., 26 janv. 2005 Bull. civ. 2005, V, n° 21).

Pour maintenir le caractère exceptionnel du recours au CDD, le CDD de remplacement ne doit concerner qu’un seul salarié absent précisément désigné (Cass. soc., 28 juin 2006, n° 04-43.053).

Ceci engendre un nécessaire contrôle des juges de la cause du recours au CDD.

Plusieurs décisions de justice sont intervenues sur les conséquences de l’omission du nom du salarié remplacé dans le CDD écrit.

Les Juges du fond avaient très vite condamné cette omission en précisant que l’omission du nom du salarié remplacé ne permet pas au juge de contrôler le caractère temporaire du CDD (CA Paris, 22 mars 1988, Dlle Cabourg c/ SA Clinique Arago).

En 1997, la Cour de cassation confirme que le nom du salarié remplacé doit figurer au contrat à durée déterminée sous peine de requalification en CDI et ce peu importe qu’il y ait ou non eu fraude à la loi.

Un véritable formalisme du CDD s’est créé.

La Haute Juridiction continue dans cette lignée jurisprudentielle dans un arrêt récent du 16 février 2012 dans lequel elle considère qu’à la lecture de l’article L 1242-12 du Code du Travail la qualification professionnelle du salarié remplacé doit figurer au même titre que son nom dans le contrat à durée déterminée (Cass. Soc. 16 février 2012, n° 10-20113).

Peu importe que dans les faits il soit aisé de retrouver la qualification professionnelle par le nom du salarié remplacé !

Ceci avait déjà été admis en 2007 pour les contrats de travail temporaires (Cass. Soc. 21 mars 2007, n° 06-40.370).
L’objectif demeure celui d’éviter les recours abusifs au CDD.
La sanction d’un tel oubli formel est lourde de conséquences : le CDD devient CDI.
Il s’agit donc d’un formalisme essentiel que tout employeur doit veiller à respecter puisque la requalification est là encore insusceptible de preuve contraire.

CANTOIS Laetitia





Cet article n'engage que son auteur.

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